50 % des bateaux repérés par Frontex entraînent des renvois illégaux de migrants

Le rapport souligne que « les retours vers la Libye peuvent constituer des violations du principe de non-refoulement », qui stipule que « nul ne doit être renvoyé dans un pays où il risque d’être soumis à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à d’autres sévices irréparables ». [EPA-EFE/GEORGI LICOVSKI]

Selon un nouveau rapport, la moitié des observations faites par l’agence européenne des frontières Frontex ont donné lieu à des missions de recherche et de sauvetage ou à des interceptions de migrants par les garde-côtes libyens dans les eaux internationales, qui conduisent généralement au renvoi illégal des personnes dans un pays où elles ne sont pas en sécurité.

Ces conclusions ont été publiées dans le rapport annuel 2022 du Forum consultatif de Frontex lundi (26 juin). Le Forum a été créé en 2012 par les institutions de l’UE, des organisations internationales et de la société civile pour conseiller Frontex sur les questions relatives aux droits fondamentaux.

Le Forum explique que lorsque Frontex intercepte des migrants en détresse dans les eaux internationales proches des côtes libyennes, les centres de coordination des secours maritimes (MRCC) des pays donnant sur la mer Méditerranée sont censés être prévenus.

Cependant, selon le rapport, Frontex a contacté « directement » les Libyens à plusieurs reprises.

Le rapport souligne que « les retours vers la Libye peuvent constituer des violations du principe de non-refoulement », qui stipule que « nul ne doit être renvoyé dans un pays où il risque d’être soumis à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à d’autres sévices irréparables ».

« Il est raisonnablement prévisible que les survivants interceptés ou sauvés subiront de graves violations de leurs droits fondamentaux après leur débarquement en Libye, notamment le meurtre, la réduction en esclavage, la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements, la traite d’êtres humains, l’extorsion, les disparitions forcées et les violences sexuelles », indique le rapport.

Bien que les recommandations du Forum ne soient pas juridiquement contraignantes, la direction de Frontex « devrait consulter le Forum sur la stratégie en matière de droits fondamentaux, le fonctionnement du mécanisme de plaintes, les codes de conduite, les programmes de formation communs et toute autre question relative aux droits fondamentaux ».

Les analyses des risques de Frontex seraient fondées sur des informations peu fiables

L’agence de gestion des frontières de l’UE, Frontex, produirait des analyses des risques douteuses sur la migration en raison de « la faible fiabilité des données collectées », selon le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD).

Les opérations de Frontex

Frontex opère dans les États membres de l’UE à l’aide d’un large éventail de navires et d’autres appareils tels que des avions, interceptant des bateaux et partageant avec les autorités nationales des flux vidéo en direct, des images thermiques et une analyse globale des séquences. Sur la base de ce type d’informations, l’autorité nationale a la « souveraineté » de décider des mesures à prendre.

Les pays bordant la Méditerranée ont divisé les eaux internationales en différentes zones de « recherche et de sauvetage » (SAR) — qui ne sont pas juridiquement contraignantes — afin de faciliter la coordination de ces opérations.

Cette division ne peut empêcher, par exemple, un pays de l’UE d’opérer dans la zone SAR de la Libye, qui est en eaux internationales.

Les eaux territoriales, dont l’accès doit être autorisé par les autorités nationales, s’étendent jusqu’à 12 milles nautiques de la côte, soit environ 22 kilomètres.

Normalement, c’est le pays le plus proche du cas de détresse qui doit intervenir. Cependant, les ONG opérant dans la région ont remarqué que la plupart des pays ne répondent pas, ou répondent avec beaucoup de retard en raison d’un manque de coordination dans la gestion de telles urgences.

La Commission nie la présence de navires de l’opération Irini sur les routes migratoires de la Méditerranée

La Commission européenne a nié la présence de navires de l’opération militaire Irini en Méditerranée centrale, là où passent les principales routes migratoires. C’est ce qu’a annoncé lundi Peter Stano, le porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE.

La surveillance

Le Forum s’est inquiété de l’impact sur les droits fondamentaux des opérations de surveillance aérienne polyvalente (MAS) de Frontex, lorsque l’agence de l’UE communique des cas de détresse à la Libye.

« La Libye ne peut être considérée comme un lieu sûr pour le débarquement des réfugiés et des migrants secourus en mer », souligne le rapport, qui évoque la longue guerre civile qui sévit dans cet État d’Afrique du Nord.

Une mission d’enquête de l’ONU en Libye fin mars a révélé que « le schéma des interceptions en mer par les garde-côtes libyens suivies d’arrestations et de détentions arbitraires par le Département de lutte contre les migrations illégales ».

Pour ces raisons, le Forum a déclaré que la coordination des zones SAR entre les différents MRCC « ne peut pas prévaloir sur les droits humains internationaux et le droit des réfugiés, ni mettre de côté les obligations découlant de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, à laquelle Frontex est liée ».

Ce principe est également énoncé dans le plan d’action sur les droits fondamentaux de l’agence des frontières de l’UE. Selon celui-ci, Frontex doit communiquer « les observations et les actions initiales concernant les situations de détresse aux [MRCC] compétents et aux concernés, conformément à la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes et dans le respect des droits humains internationaux et du droit de l’UE, y compris le principe de non-refoulement et la Charte des droits fondamentaux de l’UE ».

Le Forum a également mentionné l’enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) sur Frontex l’année dernière, qui a publié des preuves de « retrait des actifs de la MAS pour éviter d’être témoin d’incidents pouvant entraîner des violations des droits fondamentaux ».

Le rapport de l’OLAF a provoqué la démission en avril 2022 du directeur exécutif de l’époque, Fabrice Leggeri. Depuis, l’agence européenne a promis un changement radical par rapport aux « pratiques du passé ».

La directrice de Frontex sous enquête de l’OLAF

Aija Kalnaja, la directrice par intérim de Frontex, fait l’objet d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Cette information nous a été confirmée ce vendredi (16 décembre).

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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