PLANÈTE+ – MARDI 13 JUIN À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Les émeutes qui secouèrent New York en juin 1969, à la suite d’une descente de police dans un bar gay clandestin de Greenwich, le Stonewall Inn, sont souvent présentées, aux Etats-Unis, comme le point de départ de la lutte pour les droits des homosexuels. La force du documentaire réalisé par Mathilde Fassin est de replacer ces événements dans l’histoire d’un mouvement plus large, qui a mené à la Gay Pride, la « marche des fiertés », organisée désormais chaque année dans de nombreuses villes à travers le monde.
« Des descentes dans des bars, il y en avait avant et il y en a eu après celle du Stonewall Inn », raconte Karla Jay, lesbienne « dans le placard », témoin de l’époque où « il était interdit de servir à boire à des homosexuels, parce qu’[ils] étai[ent] des criminels ». Entre les années 1920 et 1960, « des dizaines de milliers d’hommes ont été arrêtés à New York pour racolage homosexuel », abonde l’historien George Chauncey, spécialiste reconnu des études gays et lesbiennes.
Tous les bars à la clientèle homosexuelle soudoyaient la police pour qu’elle ferme les yeux. « Soit ils appartenaient à la mafia, soit ils étaient protégés par elle », explique Karla Jay. Pour les clients, la peur domine. Celle de perdre son travail, de voir ses amis s’éloigner, de rompre avec sa famille, d’être contrôlé par la police qui les harcèle.
Récit des témoins
Dans ce contexte répressif, que s’est-il passé de différent, cette nuit du 28 juin 1969 pour que la communauté se soulève ? « Toute la colère, la frustration et la douleur que l’on refoulait depuis des années à cause du carcan social ont subitement explosé », confie un témoin. Les clients contrôlés sont mis dehors, mais refusent de quitter les lieux et reviennent les nuits suivantes. C’est au tour de la police de se sentir « menacée » par ces individus qui jettent de l’essence à briquet sur la façade du Stonewall Inn, chantent, dansent et lancent de la « petite monnaie » pour dénoncer l’hypocrisie des pots-de-vin.
« La spécificité de ces émeutes, c’est qu’elles ont donné naissance à un mouvement », souligne la militante Ellen Broidy, qui était sur place ces nuits-là. Un mouvement politique, qui se structure pour demander l’égalité des droits et célèbre par une marche, dès l’année suivante, sa propre naissance. « Noirs, drag-queens et transsexuels ne voulaient plus se laisser marcher sur les pieds », assure George Chauncey. S’inspirant des mouvements féministes et antiracistes contemporains, la communauté gay politise son combat.
A travers le récit des témoins, enrichi d’images d’archives et d’éléments de contexte historique apportés par George Chauncey, ce documentaire éclaire la « mythologie » des événements de Stonewall et les replace dans le cycle de luttes auquel ils appartiennent, en évoquant les combats homosexuels antérieurs à 1969, puis ceux d’après.
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Stonewall, aux origines de la Gay Pride, documentaire de Mathilde Fassin (Fr., 2020, 52 min).
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