Les thérapies de conversion bientôt érigées en infractions pénales en Belgique

La proposition de loi visant à criminaliser les thérapies de conversions a été soumise par la secrétaire d’État à l’Égalité, Marie-Colline Leroy (sur la photo), et le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. [Twitter Marie-Colline Leroy]

La commission parlementaire de la justice a approuvé, mardi (27 juin), une proposition de loi visant à criminaliser les thérapies de conversion pour les personnes LGBTQIA+. Seul le parti flamand d’extrême droite Vlaams Belang (Identité et Démocratie, ID) s’est abstenu lors du vote.

La proposition évoque une peine de prison de huit jours à deux ans ainsi qu’une amende pouvant aller de 208 à 2 400 euros pour les personnes ayant utilisé des pratiques de conversion, selon l’agence de presse Belga.

La loi prévoit également qu’un juge puisse imposer une interdiction professionnelle pouvant aller jusqu’à cinq ans si le délit a été commis dans un contexte professionnel.

En outre, la suggestion, l’incitation ou la publicité pour les thérapies de conversion deviendront punissables par la loi.

Le vice-premier ministre et ministre de la mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo, Verts/ALE), s’est félicité de cette annonce sur Twitter, soulignant le travail important réalisé par ses collègues de parti de l’ancienne secrétaire d’État à l’Égalité, Sarah Schlitz, et de sa successeure Marie-Colline Leroy.

La proposition doit encore être approuvée par le reste du Parlement fédéral pour entrer en vigueur.

Critiques du Vlaams Belang

Le Vlaams Belang s’est abstenu lors du vote sur la loi, qui a été approuvée à l’unanimité par les membres de la commission de la justice de la Chambre.

La députée Vlaams Belang Marijke Dillen a demandé pourquoi les thérapies de conversion faisaient l’objet d’une loi à part et n’étaient pas plutôt traitées dans la réforme du Code pénal qui est en cours. Elle a notamment demandé pourquoi les violences envers les policiers ne faisaient pas elles aussi l’objet elles aussi d’une proposition de loi à part.

« Je suis convaincue que, dans la pratique, dans notre pays, il y a davantage de cas de violences envers les policiers et les services de secours que de pratiques de conversion », a-t-elle affirmé lors du débat en commission.

Elle a également souligné le peu de cas de conversions qui ont été répertoriés en Belgique et le manque de données sur le problème, remettant ainsi en question la nécessité de cette proposition.

À ces critiques, Mme Leroy a répondu que le projet de loi avait pour intention de mieux comprendre le phénomène et visait également à inscrire ces délits dans la législation. La proposition revêt donc une part de symbolique, mais pas que, explique-t-elle. En effet, certaines pratiques de conversion se trouvaient encore en dehors du Code pénal et étaient difficilement punissables bien que détrimentaires pour les victimes.

Mme Dillen a demandé si la proposition de loi prenait également en compte les pressions exercées par les mouvements transgenres, qui excluraient selon elle les personnes doutant ou voulant revenir en arrière sur leurs transitions. « La pression psychologique du mouvement transgenre est-elle donc également considérée comme [une pratique de] conversion  ? », a-t-elle demandé.

Les thérapies dans le monde

En plus d’être inefficaces, les thérapies de conversion peuvent impliquer des pratiques dangereuses telles que les chocs électriques, les coups ou le « viol correctif », qui peuvent nuire à la santé physique et mentale des victimes, tout en étant stigmatisantes et discriminatoires. Ces pratiques surviennent principalement dans des contextes religieux ou sectaires et sont généralement le fait de membres de la famille ou de pseudo-professionnels.

L’ampleur du phénomène des pratiques de conversion en Europe n’est pas connue, car elles se déroulent souvent dans la clandestinité. Toutefois, on estime qu’en Europe, 2 % des personnes LGBTQIA+ ont subi une conversion et 5 % se sont vues proposer une conversion, bien que les chiffres réels puissent être beaucoup plus élevés.

L’identité et l’expression de genre ne sont pas des maladies et ne peuvent être « guéries » par des pratiques de conversion. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’homosexualité a par exemple cessé d’être considérée comme une pathologie ou une maladie en 1990.

En 2020, l’expert indépendant des Nations unies sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, Victor Madrigal-Borloz, a appelé à une interdiction mondiale des pratiques de conversion, sans faire de distinction entre les pratiques coercitives et abusives et celles qui sont « non coercitives » et « non abusives ».

La même année, un groupe de membres du Parlement européen, s’appuyant sur une résolution de 2018, a demandé dans une lettre à la Commission européenne de proposer une interdiction à l’échelle de l’Union.

Dans sa « stratégie en faveur de l’égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ pour la période 2020-2025 », l’exécutif européen considère que ces pratiques sont préjudiciables à l’intégrité physique et à la santé mentale de ces communautés.

Plusieurs États membres de l’UE ont déjà interdit ces pratiques, comme la France, l’Allemagne, la Grèce et Malte. En Belgique toutefois, il n’existe pas encore d’interdiction explicite, et des cas spécifiques peuvent être sanctionnés par d’autres dispositions pénales (coups et blessures, ou viol par exemple). Or, toutes les formes d’abus liées aux pratiques de conversion ne sont pas couvertes par le corpus législatif actuel, notamment les formes « moins extrêmes », qui sont les plus courantes en Belgique, rapporte Belga.

Mme Leroy s’est déclarée fière que la Belgique réaffirme son rôle de pionnier en matière de droits des personnes LGBTQIA+.

« Nous avons récemment célébré le fait qu’il y a 20 ans, la Belgique était le deuxième pays au monde à légaliser le mariage homosexuel. Aujourd’hui, notre pays est à nouveau un pionnier dans le domaine des droits des LGBTBQI+ avec l’adoption de la loi interdisant les pratiques de conversion », a-t-elle déclaré.

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