Aider les victimes en Ukraine ET au Soudan ? La réalité est plus compliquée…

Enfants réfugiés ayant fui les combats à Khartoum, dans un camp près de Wad Madani, dans le centre-est du Soudan. ©AFP - AFP
Enfants réfugiés ayant fui les combats à Khartoum, dans un camp près de Wad Madani, dans le centre-est du Soudan. ©AFP - AFP
Enfants réfugiés ayant fui les combats à Khartoum, dans un camp près de Wad Madani, dans le centre-est du Soudan. ©AFP - AFP
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Deux millions et demi de personnes ont fui les combats entre clans militaires au Soudan, mais leur sort ne fait pas la une et l’aide peine à trouver les financements. Au contraire de l’Ukraine qui attire toute l’attention et les soutiens en Occident.

C’est une question très ancienne, bien antérieure à la guerre en Ukraine. L’agenda médiatique mondial est dicté par les Occidentaux, et les pays du Sud ne s’y reconnaissent pas.

Un commentateur nigérian relevait hier sur Twitter que la guerre des chefs militaires au Soudan ne faisait plus la une dans les médias occidentaux. « L’Ukraine est leur priorité, c’est leur peuple, c’est leur histoire. Notre problème est que nous ne racontons pas la nôtre », déplorait-il.

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Dans un monde idéal, on devrait pouvoir être atterré par les victimes du tir de missile russe sur la pizzéria de Kramatorsk, en Ukraine ; et s’intéresser au sort des millions de Soudanais fuyant la terrible guerre que se livrent deux chefs militaires de leur pays, au mépris des vies humaines. La réalité est moins généreuse et suscite des frustrations.

Voilà pourquoi j’ai décidé de relayer aujourd’hui les chiffres donnés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le HCR, concernant le Soudan. En les lisant, j’ai eu un choc, tant l’ampleur de la catastrophe humanitaire passe sous nos écrans radars.

Les affrontements ont débuté en avril dernier à Khartoum, la vaste capitale du Soudan, opposant les troupes fidèles au chef d’État-major, le général Al-Burhan, au chef d’une milice paramilitaire, Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemeti. C’est une lutte sans merci pour le pouvoir entre deux hommes qui ont en commun d’avoir écrasé les espoirs d’une révolution démocratique au Soudan.

En un peu plus de deux mois, le bilan donné par le HCR est terrible : deux millions et demi de personnes ont été déplacées par les combats à Khartoum et dans les régions du Darfour et du Kordofan. 560 000 d’entre elles se sont réfugiées dans les pays voisins : l’Égypte, le Tchad, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la Centrafrique. Des pays qui ont déjà leurs propres problèmes, comme l’Éthiopie qui sort difficilement d’une guerre atroce dans la province du Tigré, et a ses propres drames humanitaires.

Fuir les zones de combat n’est pas simple : selon le HCR, de nombreux déplacés et réfugiés « mettent leur vie en danger alors qu’ils tentent de se mettre à l’abri à l’intérieur ou au-delà des frontières du pays ». Et l’agence onusienne ne peut rien pour eux.

Le HCR affirmait hier que le plan humanitaire pour le Soudan n’est financé qu’à moins de 20% des besoins. Et c’est là que l’information, ou plutôt son absence, devient un facteur. Il ne manque pas d’argent pour l’Ukraine ; mais un conflit invisible subit la double peine.

C’est évidemment à courte vue, car les réfugiés non aidés d’aujourd’hui voudront tenter leur chance sur la route de l’émigration, et deviendront un problème politique demain.

Les dérèglements du monde sont tels que les Nations Unies rament pour effectuer leur travail humanitaire, et sont entravées pour tenter de ramener la paix. Les tentatives de médiation ont toutes échoué. C’est pourtant par-là que passe toute solution.

Le point commun des victimes de Kramatorsk et de Khartoum est cette régression barbare du monde actuel ; la différence, c’est que les premières font à juste titre la Une, et les secondes tombent injustement dans l’indifférence.

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