Le Conseil d’Etat a décidé, jeudi 29 juin, de maintenir l’interdiction du port du hidjab dans le football féminin. La décision va dans le sens inverse des recommandations du rapporteur public, qui avaient déjà déclenché une avalanche de réactions et de critiques, et l’assurance du gouvernement d’être « mobilisé » pour la laïcité.
La décision estime que les joueuses sont bien des usagères d’un service public et donc pas soumises au devoir de « neutralité », mais que la FFF peut édicter les règles qu’elle estime nécessaires au « bon déroulement » des matchs.
La plus haute juridiction administrative s’est prononcée trois jours après l’examen d’un recours du collectif de femmes musulmanes « Les Hidjabeuses » contre la Fédération française de football (FFF), qui leur interdit de jouer voilées lors des compétitions. Ce collectif contestait devant la justice administrative l’article 1 du règlement de la FFF, qui prohibe depuis 2016 « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».
Lors de l’audience, lundi, le rapporteur public, qui dit le droit et dont l’avis est généralement suivi, a proposé l’annulation de cet article 1, demandant à ce que la Fédération modifie son règlement. Il n’y a ni « prosélytisme », ni « provocation » dans le seul port du hidjab, et aucune « exigence de neutralité » pour les joueuses licenciées de la FFF, avait-il estimé, émettant toutefois un bémol pour les joueuses de l’équipe de France, qui représentent « la Nation » et effectuent « une mission de service public ».
Le rapporteur public a insisté sur la « distinction fondamentale » entre agents du service public, auxquels le principe de « neutralité » s’applique, et les usagers, « libres » de manifester leurs convictions tant qu’ils ne troublent pas l’ordre public.
Opposition du gouvernement et de la droite
Le sujet est « important », et la décision du Conseil d’Etat sera suivie de près, avait-il également lancé, mettant en garde contre le « risque » que certains tentent par la suite d’« étendre » l’interdiction du voile à d’autres espaces publics.
La préconisation du rapporteur public avait déclenché une vague de commentaires politiques. Gérald Darmanin a été le premier à dégainer mardi, se disant « très opposé » à ce que le port du hijab soit autorisé pendant les matches de foot. « Le Conseil d’État est une instance extrêmement sage. J’espère profondément pour la République qu’ils garderont la neutralité sur les terrains de sport », a appuyé le ministre de l’Intérieur.
La droite et l’extrême droite de l’échiquier politique ont appelé de leur côté le gouvernement à légiférer pour interdire les signes religieux dans le sport. « Le hijab dans le sport, c’est non ! Et nous ferons une loi pour faire respecter ça », a tweeté la cheffe des députés RN à l’Assemblée, Marine Le Pen. Le président de LR, Eric Ciotti, a annoncé le dépôt d’une proposition de loi si le Conseil d’Etat devait aller dans le sens du rapporteur public.
Le gouvernement est « pleinement mobilisé » pour le « respect strict de nos principes républicains dans le sport », avait sobrement déclaré la première ministre Elisabeth Borne à l’Assemblée nationale mardi. La ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, est elle allée un peu plus loin. « Nous n’excluons rien », y compris une « évolution du droit », a-t-elle déclaré. « On voit qu’il y a un besoin de clarification ».
Dans une rare mise au point mercredi, à la veille de sa décision, le Conseil d’Etat a dénoncé « avec la plus grande fermeté les attaques ayant visé la juridiction administrative et tout particulièrement le rapporteur public ». Le rôle de ce dernier « est d’exposer publiquement, et en toute indépendance, son analyse des questions soulevées par l’affaire examinée, et de proposer une solution juridique, afin d’éclairer la formation de jugement, qui seule statue sur le litige », a rappelé la haute juridiction dans un communiqué.
« Mettre en cause le fonctionnement » de la justice administrative, « c’est attenter à une institution essentielle pour la démocratie », a également souligné le Conseil d’Etat, qui en conséquence « se réserve le droit d’engager des poursuites en cas d’injure, de diffamation, d’incitation à la haine, ou de menace ».
Contribuer
Réutiliser ce contenu