Néanmoins, les chiffres montrés ici confirment que la France dispose d’un modèle de police agressif, davantage que dans les autres pays d’Europe, comme nous l’avons expliqué précédemment dans nos colonnes.
Parmi les pays développés, c’est aux Etats-Unis que la police fait le plus de victimes dans sa population. Près de 1100 morts recensés en 2022, soit un taux de décès causé par les forces de l’ordre (33 décès pour 10 millions d’habitants) six fois supérieur à celui de la France (5,5). Selon un décompte du Washington Post, réalisé depuis 2015, les tirs des forces de l’ordre font chaque année un millier de morts en Amérique, un chiffre stable, malgré les efforts pour enrayer la brutalité policière.
Le pays de l’Oncle Sam se distingue également par son taux d’homicides volontaires. Il est le plus élevé parmi les pays «riches», 6,8 pour 10 000 habitants, soit 6 fois plus qu’en France ou 14 fois plus qu’en Suisse.
Conséquence de la violence ou des lois?
Pourquoi certains policiers sont-ils si enclins à recourir à la force létale? En partie, parce qu’ils craignent pour leur propre vie ou celle de la population. En général, plus un pays est meurtrier, plus ses forces de l’ordre sont mortelles, comme le montre notre graphique.
Mais la brutalité policière n’est pas qu’une conséquence de la violence gangrenant un pays, elle est souvent causée par une combinaison de facteurs, notamment des lois inadéquates, des discriminations, l’insécurité ou les conflits, ainsi qu’une impunité institutionnalisée.
De manière générale, c’est dans les nations tolérant les exécutions extrajudiciaires que la police tue le plus. Dans ces pays, les forces de l’ordre bénéficient d’une relative impunité. C’est le cas dans de nombreux Etats d’Amérique latine (Venezuela, Le Salvador, Nicaragua, Colombie, Brésil, Mexique), où les autorités ont régulièrement recours à des exécutions sans procès, pour réprimer la criminalité ou se débarrasser des dissidents.
Autre exemple hors Amériques, les Philippines. Son ex-président Rodrigo Duterte de 2016 à 2022 a instauré le meurtre à grande échelle dans le cadre de la «guerre contre la drogue». Cette guerre a fait plus de 6000 morts parmi les civils, enfants compris. Un des slogans du président sortant était «shoot to kill», soit «tirer pour tuer». Ordre qu’il a réitéré aux forces de l’ordre lors des protestations contre les quarantaines durant la pandémie de Covid-19.
Si la France n’a pas instauré les exécutions extrajudiciaires sur son territoire, elle a assoupli en 2017 les conditions d’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre, donnant la possibilité de tirer même hors de la légitime défense. On constate ainsi que le nombre des tués par la police française a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010.