TikTok nocif pour les adolescents ? "Un vrai problème de santé publique", alertent les sénateurs

Publié le 6 juillet 2023 à 18h49

Source : JT 20h Semaine

La commission d'enquête du Sénat chargée d'enquêter sur l'application TikTok a rendu ses conclusions ce jeudi.
Les sénateurs alertent notamment sur les risques que fait peser le réseau social sur la santé des adolescents.
Ils préconisent de soutenir le financement d'études sur les effets sanitaires et psychologiques de l'application.

22 millions de Français ont téléchargé l'application TikTok, et les 4-18 ans y passent près de 2 heures par jour. Face au phénomène de société que représente ce réseau social et ses liens décriés avec la Chine, les sénateurs ont passé plusieurs mois à enquêter. Ils ont rendu leurs conclusions et leurs recommandations ce jeudi 6 juillet. Ils s'alertent notamment des conséquences de TikTok sur la santé des adolescents et s'inquiètent que l'application devienne même un vrai problème de santé publique.

La mission remarque que l'application a tendance à amplifier les difficultés psychologiques de personnes déjà vulnérables. Ces dernières "se voient proposer davantage de contenus dangereux", peut-on lire dans le rapport. "Non seulement l'application capte fortement l'attention, conduisant ses utilisateurs à y passer de longs moments, mais ce temps passé serait dangereux pour les personnes les plus vulnérables", ajoute-t-il. Il cite une étude menée par le Center for countering digital hate publiée en 2022 qui a montré qu'au bout de 2,6 minutes en moyenne, TikTok recommandait à un profil portant une attention marquée aux contenus liés à l'image de soi et aux enjeux de santé mentale, des vidéos sur le suicide. Au bout de 8 minutes apparaissent sur son fil personnel des contenus sur les troubles alimentaires. "Par rapport à un profil standard, les profils se voyaient proposer 12 fois plus de vidéos liées au suicide", constatent les sénateurs. 

Un algorithme qui encourage les "bulles de filtres"

Ils expliquent cela par l'algorithme de TikTok, qui a tendance à enfermer ses utilisateurs dans des "bulles de filtres", qui recréent sur la plateforme un prisme très focalisé sur certains sujets. Là encore, ces "bulles" sont créées grâce à un algorithme très performant pour définir les centres d'intérêts des utilisateurs. Le format très court des vidéos permet la multiplication des interactions avec l'utilisateur, donnant plus rapidement à l'application des informations sur lui. "L'algorithme de TikTok étant particulièrement efficace pour enfermer dans des bulles de filtre, une adolescente regardant des vidéos de scarification peut vite être enfermée dans une logique morbide", lit-on alors dans le rapport.

Aussi, si aucune étude scientifique n'a été publiée sur les conséquences psychiques et psychologiques de TikTok sur ses utilisateurs, notamment en raison de la jeunesse de l'application, dans son rapport, la mission cite néanmoins une étude publiée dans la revue Psychiatry research qui tend à montrer que les consommateurs addicts aux vidéos courtes présenteraient des conditions de santé mentale plus mauvaises que les autres (anxiété, stress, dépression), ainsi que des problèmes d'attention et de sommeil. Les études faites sur une utilisation plus générale dans écrans ont déjà démontré qu'avant 3 ans, leur consommation avait des effets néfastes sur le développement moteur et psychique des enfants. 

Des millions d'utilisateurs concernés

"Même si les effets délétères ne concernent que les usages excessifs, cela pose néanmoins un vrai problème de santé publique", indiquent les sénateurs dans leur rapport. La neurologue Servane Mouton, interrogée par les élus, abonde : "quand on parle d'usage excessif, cela ne concerne que 5% des usagers. Mais lorsque l'on recense 2 milliards d'usagers, le nombre de personnes concernées est considérable, d'autant qu'il s'agit souvent des plus fragiles, issues des milieux les plus défavorisés"

Aussi, face aux réponses inadaptées voire inexistantes de TikTok pour protéger ses utilisateurs les plus jeunes, les sénateurs recommandent de pousser la plateforme à adopter des outils plus forts pour limiter sa consommation, au bout de 60 minutes par exemple. Ils préconisent également de soutenir les recherches sur les effets sanitaires et psychologiques de TikTok et le visionnage des vidéos à format court. 


Justine FAURE

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