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Le «derecho», phénomène météo rare qui pourrait se produire ce soir en Suisse

De violents orages sont attendus ce soir en Suisse, en France et en Allemagne. Ils pourraient se transformer en «derecho», phénomène météorologique rare en Europe qui se caractérise par de violentes rafales de vent et des orages d’ampleur

Un derecho, ligne d'orages de forte intensité aux vents violents, dans le Maryland (Etats-Unis) en 2013. — © JIM LO SCALZO / KEYSTONE
Un derecho, ligne d'orages de forte intensité aux vents violents, dans le Maryland (Etats-Unis) en 2013. — © JIM LO SCALZO / KEYSTONE

Après les températures tropicales connues par la Suisse ces derniers jours, place aux intempéries… et peut-être aux orages violents. MeteoSuisse a placé presque tout le pays - à l’exception du Tessin et de l’est des Grisons, en alerte de niveau 3 - en alerte orages de niveau 4 jusqu’au 12 juillet au matin.

Pour Keraunos, l’Observatoire français des tornades et des orages violents, l’épisode «pourrait se concrétiser par un derecho transfrontalier entre France, Suisse et Allemagne». Un phénomène rare en Europe, mais beaucoup plus fréquent dans le Midwest et les Grandes Plaines aux Etats-Unis, où il peut survenir plusieurs fois par an. De quoi parle-t-on?

Anatomie d’un «derecho»

Plusieurs critères bien précis permettent de savoir si un orage est un derecho. «Il s’agit d’une ligne d’orages violents qui s’étend sur au moins 650 km, avec plusieurs zones distinctes où l’on mesure des rafales de vitesse supérieure à 120 km/h, et qui se déplace en ligne droite, d’où sa dénomination derecho, tout droit en espagnol», explique Josué Gehring, prévisionniste chez MeteoSuisse. Certains derechos peuvent se déplacer sur plus de 1000 kilomètres.

L’épisode orageux attendu ce soir - qui devrait s’accompagner d’un fort risque de foudre et de grêle - pourrait dégénérer de la sorte pour plusieurs raisons, explique le météorologue. «On a un couplage favorable entre le transport d’air froid en altitude, et les masses d’air chaud près du sol du fait de la canicule des derniers jours, qui conduit à avoir beaucoup d’énergie disponible pour les orages.»

Le timing est peu avantageux, explique-t-il. «Si cet air froid d’altitude était arrivé quelques heures plus tard, pendant la nuit, les températures de surface auraient été beaucoup moins élevées, et les orages auraient eu moins d’énergie à disposition. Or, ici, la chaleur du sol, conjuguée à l’effet de cisaillement des vents, va favoriser l’émergence d’orages organisés, qui pourraient s’entretenir dans l’espace et dans le temps.»

Un phénomène plus fréquent aux Etats-Unis

Le phénomène reste pour l’heure assez rare en Europe, confirme Josué Gehring, qui se souvient toutefois de l’épisode dévastateur connu par la Corse en août 2022, qui avait fait plusieurs morts. L'ampleur de l'événement avait surpris les prévisionnistes de Météo France, qui n'avaient activé l'alerte que tardivement du fait d'un événement «difficilement prévisible».

«Le phénomène est plus fréquent aux Etats-Unis et au Canada, du fait de la géographie particulière du continent nord-américain: on a de l’advection d’air chaud et humide depuis le golfe du Mexique qui rencontre des courants-jets froids en altitude, et le relief peu perturbé permet le développement de systèmes orageux de grande taille qui se propagent sans être dérangés.»

Faut-il y voir la marque du changement climatique? Le prévisionniste reste prudent: «Bien sûr, des températures plus élevées augmentent la fréquence de ces orages violents, mais ils pourraient aussi survenir - même si moins souvent - en l’absence de changement climatique», explique-t-il.


Des transports perturbés?

Suite à l’annonce des alertes météo, la SNCF a décidé d’interrompre la circulation de certaines lignes ferroviaires françaises sur certains axes, en particulier dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Et en Suisse? Frédéric Revaz, porte-parole des CFF, explique qu’aucune interruption de service n’est prévue à ce stade. «De manière générale, les CFF n’interrompent pas les lignes en prévision d’intempéries car les installations supportent les tempêtes. Même en cas de forts orages, comme on l’a vu en juin, le trafic arrive à s’écouler normalement.»

Avec la participation de Sophie Gaitzsch