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Pénurie de farine dans le sud-est de l’Iran : "Certains n’ont plus de pain, donc plus rien à manger"

Une pénurie de farine et de pain touche actuellement la province du Sistan-et-Baloutchistan, l’une des provinces les plus pauvres d’Iran. Cette situation a empiré début juillet, causant notamment de longues files d’attente à l’extérieur des boulangeries, où des bagarres ont éclaté. Un homme a même été tué devant l’une d’elles. Pour certaines familles, ces pénuries signifient qu’elles n’ont plus de quoi s’alimenter. 

Capture d'écran d'une vidéo montrant une file d'attente à l'extérieur d'une boulangerie à Saravan, dans la province iranienne du Sistan-et-Baloutchistan.
Capture d'écran d'une vidéo montrant une file d'attente à l'extérieur d'une boulangerie à Saravan, dans la province iranienne du Sistan-et-Baloutchistan. © Observateurs.
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Le 5 juillet, après avoir fait la queue pendant des heures devant une boulangerie à Saravan, dans la province iranienne du Sistan-et-Baloutchistan, deux hommes se sont disputés leur place dans la file d'attente. La bagarre a dégénéré et l’un d’eux a été tué.

Cette nouvelle a suscité la colère des Iraniens sur les réseaux sociaux et attiré l’attention sur les graves pénuries de farine et de pain qui touchent la province actuellement.

"Le manque de pain au Sistan-et-Baloutchistan a tué une personne [...] Les files d'attente trop longues ont conduit à une bagarre" écrit cet utilisateur de Twitter.

Le Sistan-et-Baloutchistan, dans le sud-est du pays, borde l'Afghanistan et le Pakistan. C'est une province pauvre et sous-développée, victime de la sécheresse et en proie aux trafics : drogue en provenance d'Afghanistan et essence à destination du Pakistan. La minorité sunnite baloutche y est fortement présente, alors que l’Iran est dominé par les chiites. 

Cette province était autrefois surnommée le "grenier de l'Iran" en raison de ses immenses champs de blé. Mais depuis les années 1980, la région s'est progressivement transformée en désert en raison d'une mauvaise gestion de l'eau et du changement climatique.

"Il y a un an, un sac de farine coûtait 40 000 tomans [0,72 euros]. Le prix est désormais de 450 000 tomans [8,18 euros]"

Roudin (pseudonyme) est un Baloutche qui vit dans cette province. Lui et ses amis collectent de l’argent pour acheter de la nourriture pour les familles les plus pauvres.

Notre région est très pauvre. Le fait que les gens se couchent avec l’estomac vide n’a rien de nouveau. Mais la situation s’est fortement détériorée ces derniers mois. 

Ici, les gens n’achètent pas vraiment leur pain à la boulangerie. Ils le préparent plutôt eux-mêmes, à la maison. Donc les boulangeries sont rares. Il y a un an, un sac de farine [40 kg] coûtait 40 000 tomans [0,72 euros]. Puis le prix est passé à 130 000 tomans [2,36 euros ], et il est désormais de 450 000 tomans [8,18 euros].

Cela s’explique en partie par l’inflation générale que connaît l’Iran, mais la raison principale pour laquelle la farine est devenue plus chère - et aussi plus rare -  c’est qu’elle est envoyée au Pakistan en bateau de façon clandestine. Là-bas, elle est vendue à un prix bien plus élevé qu’ici. 

Donc si vous n’avez pas d’argent, vous n’avez pas de pain, et même si vous avez de l’argent, vous devez faire la queue pendant des heures pour en acheter. Parfois, il y a des bagarres, comme à Saravan, car les gens sont en colère, l’eau manque, l’air est pollué…

Une longue file d’attente devant une boulangerie à Saravan, dans la province iranienne du Sistan-et-Baloutchistan, durant une journée chaude.

La situation a empiré début juillet, quand la République islamique d’Iran a imposé une nouvelle restriction pour les boulangeries, limitant le quota de farine disponible à un prix subventionné. Les autorités espèrent que cette mesure limitera la farine subventionnée introduite en contrebande à l’étranger. Cependant, de nombreux experts iraniens pensent que cette mesure a été prise pour réduire le coût des subventions pour le gouvernement.

Cette restriction a causé de la corruption. Les boulangeries et les magasins qui bénéficient de prix subventionnés pour le blé ou la farine les vendent au marché noir au prix du marché, ou font de la contrebande avec. La semaine dernière, un procureur de la province du Golestan, dans le nord du pays, a annoncé que 53 000 tonnes de blé avaient été perdues.  

La République islamique connaît une crise économique depuis des décennies, en raison de la corruption et des sanctions économiques internationales à son encontre qui avaient été mises en place en réponse à son programme nucléaire. 

Vidéo publiée le 6 juillet, montrant des gens faisant la queue pour acheter du pain à Zahedan, dans la province iranienne du Sistan-et-Baloutchistan.

"La farine est synonyme de nourriture pour beaucoup de familles ici"

Roudin poursuit : 

La farine est synonyme de nourriture pour beaucoup de familles ici. Si elles n’ont pas de farine, elles n’ont pas de pain, ce qui signifie qu’elles n’ont rien à manger. Beaucoup de gens mangent seulement du pain , avec du thé. Le riz, par exemple, est beaucoup plus cher que la farine, donc ils ne peuvent pas en acheter. 

Nous aidons certaines familles ici dont l’alimentation dépend intégralement de nos dons. Mais il y en a beaucoup d'autres dans la même situation que nous ne pouvons pas soutenir, car il est difficile de trouver des donateurs, puisque la crise économique touche tout le monde actuellement. Le mois dernier, nous avons réussi à aider seulement 180 familles, et pour l’instant, nous n’avons soutenu personne ce mois-ci. 

Il y a des mères célibataires, des parents qui sont toxicomanes et qui ne peuvent pas travailler dans ces familles. D’autres n’ont tout simplement pas assez de travail pour s’en sortir.

Le Sistan-et-Baloutchistan a été l’une des provinces les plus actives lors des récentes protestations anti-régime qui ont éclaté dans le pays en septembre 2022, autour du slogan "Femme, vie, liberté". 

Le 30 septembre dernier, la province a connu le massacre le plus meurtrier depuis le début du mouvement : au moins 66 manifestants ont été tués par les forces de sécurité.

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