Trois cochons sur quatre ont la queue coupée en Europe, malgré les interdictions de l’UE

Selon la Commission européenne 99 % des élevages français coupent les queues des cochons systématiquement pour éviter qu'ils ne se la mangent entre eux. [Jedsada Naeprai / Shutterstock]

Après la condamnation d’un élevage breton pour section systématique des queues de cochons, retour sur cette pratique répandue malgré son interdiction dans toute l’UE.

Mardi 22 août, un élevage a été condamné à Brest pour « mauvais traitement » envers ses animaux. La raison ? Il pratiquait, entre autres, la caudectomie de routine, autrement dit la section systématique de la queue des cochons.

« Couper la queue et meuler les dents sont des actes que les éleveurs peuvent être contraints d’effectuer, sur recommandation vétérinaire, pour limiter les risques de blessures et d’infections », émanant en particulier de « morsures de queue pouvant même dans certains cas entrainer la mort de l’animal », explique sur son site l’interprofession nationale porcine (Inaporc).

Très courante, la caudectomie est dénoncée depuis des années par les associations, dont L214, à l’origine de l’action judiciaire. La plainte avait été portée en 2021, suite à une vidéo publiée par l’exploitation elle-même pour promouvoir son activité, et qui montre l’ensemble des cochons dépourvus d’appendice.

Selon les associations, cette pratique provoque des souffrances chez les animaux et une gêne sur le long terme, comme le confirment des travaux de l’INRAE. Les chercheurs pointent des « douleurs chroniques similaires à celles décrites chez l’homme après une amputation ».

Réglementation européenne

« La décision du tribunal correctionnel de Brest doit être saluée en ce qu’elle constitue une lueur d’espoir. Pour autant, il faut aller plus loin encore. Il est urgent que la réglementation soit enfin respectée », se félicite l’association.

Dans l’UE, la caudectomie est encadrée par la directive de 1991 établissant des normes minimales relatives à la protection des porcs. Si le texte interdit la section des queues et des dents de manière systématique, il autorise cette pratique « uniquement lorsqu’il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d’autres porcs ont eu lieu ». Cette règle transposée en France par un arrêté de 2003 est entrée en vigueur en 2013.

Or, selon le tribunal correctionnel, l’élevage incriminé à Brest a procédé à la caudectomie « de façon systématique », sans isoler et traiter les animaux malades ou blessés, souligne le délibéré mis en ligne par L214. Pour l’association, cette condamnation historique doit faire jurisprudence.

« La filière française viole massivement la loi depuis 7 ans sans être inquiétée par les autorités de contrôle alors que l’évolution de la réglementation est connue depuis 19 ans », explique L214, soulignant le « laxisme » des services vétérinaires de l’État jusqu’à présent.

Trois porcs sur quatre en Europe

Une étude publiée en 2018 dans Porcine Health Management indiquait que les trois quarts des porcs de l’UE (77 %) avaient la queue coupée, dont 95 % en France. Même chose en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et au Danemark, dont les chiffres oscillent entre 95 et 100 %. Seuls deux États membres respectent « effectivement » l’interdiction (la Suède et la Finlande).

De son côté, la filière porcine française reconnaît que si « de plus en plus d’éleveurs ne meulent plus les dents, la coupe des queues est bien plus difficile à arrêter sans danger pour les animaux. » Selon elle, la caudophagie est « multifactorielle », et l’origine des morsures entre cochons compliquée à déterminer.

Pour les associations, pas de doute : l’élevage intensif favorise ces comportements. Mauvaise alimentation, stress, promiscuité provoquent des troubles, dont la caudophagie. Comme l’explique la Commission européenne dans un rapport, « les porcs ont un besoin impérieux d’explorer leur environnement et de rechercher de la nourriture, en reniflant, en mordant et en mâchant. S’ils ne peuvent pas le faire, l’ennui et la frustration les gagnent et ils commencent à mordre les équipements de l’enclos ou leurs congénères. »

La solution ? Pour L214 il faut « augmenter les inspections » et « imposer à l’administration de prendre des sanctions harmonisées, proportionnées et dissuasives ». Les professionnels mettent plutôt en avant un travail commun de recherche mené avec le ministère de l’Agriculture, « afin d’élaborer un outil d’évaluation des conditions qui permettraient de ne plus avoir recours à cette pratique, ainsi que des essais de gestion de troupeaux avec des queues longues en station expérimentale. »

Dans ces différents audits, la Commission européenne fait état d’un « besoin urgent d’amélioration des conditions d’élevage dans le secteur porcin. Cela est étayé par un fort pourcentage de non-conformités en regard des exigences légales minimales, relevées par les contrôles officiels. »

En 2018, une pétition européenne coordonnée par Eurogroup for Animals a rassemblé plus d’un million de signatures de citoyens européens demandant aux États et à la Commission de faire appliquer correctement la directive européenne. Ce sera peut-être chose faite avec l’imminente révision de la législation sur le bien-être animal, qui devrait interdire complètement la caudectomie dans l’UE avec une période de transition de 10 ans.

« 95 % des cochons élevés en France le sont selon le modèle le plus intensif. Dans un tel contexte, il est urgent d’imposer a minima le respect de la réglementation par l’ensemble des exploitations », résume Brigitte Gothière, cofondatrice de L214.

La législation sur le bien-être animal semble « prometteuse », selon une analyse d’impact

L’élimination progressive des cages dans les élevages, la diminution des transports des animaux vivants, l’interdiction des mutilations et la réduction de la densité d’élevage sont quelques-unes des mesures privilégiées par la Commission dans la prochaine révision de la législation sur le bien-être animal.

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