Pas de vaisselle, de machine à laver, de cuisine, pas d'eau pour se doucher... À Mayotte, 101ème département français, la situation est dramatique. Face à une sécheresse accentuée par la crise climatique, l'eau du robinet est coupée deux jours sur trois alors que 30% de la population n'est même pas reliée au réseau. 

C’est la pire sécheresse depuis 1997. À Mayotte, département français de 300 000 habitants – sans compter les sans-papiers -, le risque climatique n’a jamais été aussi visible. Alors que la saison des pluies ne devrait commencer qu’en novembre prochain, l’accès à l’eau courante et potable est très critique depuis plusieurs mois. L’eau est distribuée au compte-goutte aux habitants alors que le département le plus pauvre de France s’approvisionne essentiellement grâce à l’eau pluviale.
Face à l’urgence de la situation, le ministre chargé des Outre-mer, Philippe Vigier, s’est rendu dans l’archipel samedi 2 septembre. Annonçant un "véritable plan Marshall pour Mayotte", le ministre a indiqué qu’à partir de ce 4 septembre, l’accès à l’eau potable ne serait possible qu’un jour sur trois. Comprenez bien : deux jours sur trois le robinet ne coulera pas. "L’eau sera coupée à 16h puis remise à la même heure 48 heures plus tard", indique la préfecture de Mayotte sur son site internet qui a publié un "planning des tours d’eau" découpé en trois secteurs avec des heures différentes pour chaque zone.
"C’est déjà compliqué de vivre sans eau, donc merci d’embaucher quelqu’un qui sait faire un tableau Excel clair et compréhensible", s’indigne un habitant de Mayotte sur Twitter. 


Risque d’une crise sanitaire 


Les Mahorais sont habitués aux coupures d’eau mais rarement de cette importance. "Avant on avait trois coupures par semaine, de 18h jusqu’au lendemain matin, donc on pouvait gérer. La situation actuelle demande une organisation très complexe", témoigne auprès de Novethic Camille Déchin-Hervouët, habitante de Mayotte. Officiellement, l’eau – marron, comme vous pouvez le voir dans la vidéo – qui coule du robinet est potable, mais il est recommandé de la bouillir avant. 

"Juste avant que vous ne m’appeliez (ce dimanche 3 septembre, NDLR), mes enfants ont attrapé la gastro. Mais comme il n’y a pas d’eau, je ne peux pas faire tourner de machine. Je ne sais pas si on se rend bien compte : quand l’eau est coupée, ça veut dire pas de cuisine, pas de vaisselle, pas de chasse d’eau", énumère-t-elle. Le risque de maladie est particulièrement important dans ce département, le plus grand désert médical de France. "Il ne faut pas que cette crise de l’eau se transforme en crise sanitaire", a prévenu le ministre en visite
Quinze citernes remplies grâce à une "station de traitement de l’eau" pour qu’il y ait "zéro risque sanitaire" seront réparties sur tout le territoire. Le coût est évalué à 2,5 millions d’euros alors que 200 rampes d’eau vont être déployées. L’objectif est de permettre aux plus démunis d’avoir accès à l’eau : 30% de la population n’est pas relié au réseau.

"Imaginerait-on ça en métropole ?"


"J’ai vu des gens de certains quartiers se lever à 2h du matin pour faire la queue à partir de 3h. L’eau est une ressource vitale, ça a provoqué des violences urbaines", indique Camille Déchin-Hervouët. Au cours de la dernière décennie, les violences liées à l’eau ont doublé, selon le think tank Pacific Institut. Or dans un récent rapport, le World Resources Institute estime qu’aujourd’hui près de la moitié de l’humanité, soit 4 milliards d’humains, sont exposés à un stress hydrique élevé au moins un mois pendant l’année. D’ici 2050, 1 milliard d’humains en plus sera concerné.
Reste l’eau en bouteille. Dans un premier temps, le gouvernement a décidé, à partir du 19 juillet, de geler son prix de vente. Mais celui-ci a été fixé sur le prix auquel les commerçants vendaient leur bouteille le 3 juillet dernier. Résultat : le prix d’un pack est en moyenne de cinq euros contre moins d’un euro en métropole. Finalement, le gouvernement a assuré le 2 septembre que toutes les personnes vulnérables, dont les femmes enceintes et les enfants, recevront 2 litres d’eau par jour et par personne. "Cela aurait dû être fait depuis longtemps, on est un département français. Imaginerait-on ça en métropole ?", interroge une habitante qui préfère rester anonyme.
Marina Fabre Soundron 

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes