Deux ans après l’arrivée des talibans au pouvoir, qu’en est-il de la situation des femmes en Afghanistan ? Si le régime politique islamiste fait régresser des décennies d’avancées en matière d’égalité de genre, il freine également les maigres perspectives de prospérité du pays. ONU Femmes France alerte : 13,8 millions de femmes et de filles ont aujourd’hui besoin d’une assistance humanitaire pour survivre en Afghanistan, classé depuis comme le pays le plus répressif au monde pour la gente féminine.

Le 15 août 2021, les talibans se sont emparés de Kaboul, la capitale afghane, et ont repris officiellement les rennes du pays. Depuis, la République est devenue l’Émirat islamique d’Afghanistan et se voit contrôlée par le leader suprême du mouvement islamiste, le mollah Haibatullah Akhundzada. « Les violations des droits humains des femmes et des filles se multiplient et empirent à un niveau alarmant. De décret en décret, les autorités de facto organisent progressivement l’exclusion systémique et institutionnalisée des Afghanes », a déclaré ONU Femmes France dans un communiqué du 11 août 2023.

Talibans à Kaboul en août 2021. Wikimedia

Une répression rapide et univoque

Dès le mois de septembre 2021, le ministère national des Affaires féminines a été remplacé par le ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice. La part de femmes au sein des instances parlementaires du pays passe subitement de 28% à 0%.

« Sans représentation politique, leurs perspectives, priorités et besoins sont aujourd’hui ignorés, et leurs droits bafoués », dénonce ONU FEMMES FRANCE.

En novembre 2021, c’est aux femmes de la sphère culturelle et médiatique que le régime taliban s’en est pris, en interdisant les séries télévisées dans lesquelles figurent des actrices et en ordonnant aux présentatrices télévisées de porter le hijab en toutes circonstances. Avant la fin de l’année, les afghanes se voient privées de la possibilité de voyager à plus de 78 km de leur lieu de résidence sans la présence d’un chaperon masculin (mahram). « Les restrictions vestimentaires et à la mobilité des femmes desservent à présent leur libre, pleine et égale participation à la société » ajoute le communiqué.

Qu’en est-il deux ans plus tard ?

Si deux ans plus tôt, nous étions nombreux, médias et citoyens, à nous émouvoir et nous insurger d’un tel drame humanitaire, qu’en est-il à présent ? Afin de relancer la mobilisation citoyenne et politique, ONU Femmes France, qui reste toujours opérationnel sur le territoire afghan, alerte sur la situation des femmes et des jeunes filles qui continue de s’aggraver dans le pays en proie à une crise politique et humanitaire sans précédent : « Les autorités de facto mettent en œuvre de nombreuses restrictions pour les Afghanes, ayant un impact direct sur leur capacité à exercer leurs droits et à jouir de leurs libertés ».

Selon l’ONU, 80% des filles et jeunes femmes afghanes en âge d’être scolarisées ne le sont pas. – Source : Rawpixel (domaine public)

Et pour cause, à mesure que le régime islamiste s’installe dans le pays, les mesures à l’égard des femmes et des filles deviennent de plus en plus liberticides malgré les interpellations de la communauté internationale. En mars 2022, les autorités ont proclamé l’interdiction des écoles secondaires pour les jeunes filles, privant ainsi près de 3,5 millions d’adolescentes afghanes d’éducation.

Au delà de bafouer leurs droits élémentaires, cette mesure les expose en outre à un risque accru de travail forcé, de mariage précoce, de grossesse précoce, de violence et d’abus. « De nombreux cas de dépression et de suicide ont été signalés, notamment chez des adolescentes qui ne peuvent poursuivre leurs études », rapporte l’ONG sur le terrain.

Succession de mesures liberticides

Au même moment, une lettre du régime ordonne aux compagnies aériennes d’empêcher les femmes d’embarquer en avion sans mahram sur les vols intérieurs et internationaux, et en mai, aux auto-écoles de ne plus leur délivrer de permis de conduire. « Plus tard dans l’année, il leur devient prohibé de fréquenter les parcs, les salles de sport et les bains publics. En juillet, alors que l’accès aux services continue de se dégrader, il est interdit aux hommes et aux femmes de communiquer entre eux ou de traiter des patients du sexe opposé dans les hôpitaux de Kaboul », précise l’ONU.

En parallèle à cela, les autorités ont réduit les dépenses consacrées aux services sociaux de 81% sur la même année et continuent de limiter l’acheminement de l’aide, toute en interdisant le travail des femmes au sein des associations locales et internationales. Les conditions de vie du reste de la population se sont également fortement dégradées depuis la prise du pouvoir des Talibans. La crise humanitaire sans précédent que traverse le pays s’est vue aggravée par les sécheresses à répétition, les crues soudaines, les séismes et d’autres catastrophes naturelles accentuées par le changement climatique.

Prise de position de la communauté internationale

Le 8 mars dernier, date de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, certains pays de la communauté politique européenne a unanimement attiré l’attention sur « la situation en Afghanistan, l’un des pays au monde où, au cours des 18 derniers mois, le respect des droits de l’Homme, des femmes et des filles a le plus reculé », à l’occasion d’un communiqué de presse.

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Appelant le régime actuel à respecter les droits humains et les libertés fondamentales de sa population, les États ont allégué que si ces mesures répréhensibles n’étaient pas annulées, « leurs répercussions sur l’économie et la société afghanes seront catastrophiques et irrémédiables, et toucheront l’ensemble des Afghans ».

Manifestation à Munich en janvier 2023 pour les droits des femmes en Afghanistan. Unsplash

Un discours bien trop lisse pour Parwana Paikan, Ministre conseillère à l’ambassade d’Afghanistan en France, qui dressait le même jour une tribune vindicative dans les colonnes du Monde, appelant entre autres la France à « en faire davantage pour aider ce pays à se libérer de ce gouvernement liberticide ».

« Il est vital de prévoir des politiques de long terme pour éviter une catastrophe terroriste mondialisée en provenance d’Afghanistan. Cela est possible, cela passe par l’écoute de ce que les femmes afghanes ont à vous dire », A lancÉ Parwana Paikan au monde politique.

– L.A.


Photo de couverture : ONU FEMMES FRANCE

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