Pesticides : les associations écologistes demandent aux députés une application stricte de la réglementation européenne

"Cet objectif ambitieux, c’est la clé de voûte du système", note François Veillerette, porte de parole de Génération future. Selon lui, harmoniser la réglementation européenne, imposer les mêmes exigences est le seul moyen de protéger les producteurs et mettre fin aux distorsions de concurrence. [SHUTTERSTOCK/Fotokostic]

Dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire, les représentants d’associations environnementales ont appelé les députés à appliquer strictement les règles de l’UE en attendant le prochain règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR).

Plusieurs mouvements écologistes ont été entendus jeudi dernier (7 septembre), à l’Assemblée nationale, par une commission d’enquête chargée d’étudier l’incapacité de la France à atteindre les objectifs de réduction des pesticides, inscrit dans les différents plans Ecophyto du gouvernement.

« Nous voulons comprendre l’écart entre les ambitions du plan Ecophyto II et les résultats », a expliqué Frédéric Descrozaille, député (Renaissance) et président de la commission, devant plusieurs représentants associatifs.

Lancé en 2009 à la suite du Grenelle de l’Environnement, le plan Ecophyto, Ecophyto II et II+ en 2018, a pour objectif de diminuer de 50% le recours aux produits phytopharmaceutiques.

Le bilan ? « Mitigé, voire franchement négatif », concède M. Descrozaille. Si un net recul des ventes de produits phytosanitaires a été constaté en 2019, elles ont rebondi de 23 % en 2020. « Sur les 10 dernières années, [elles] sont restées à des niveaux élevés »reconnaît même le gouvernement.

A l’échelle européenne, la stratégie « De la ferme à la fourchette » a également pour ambition de réduire de 50 % l’usage et le risque des pesticides d’ici à 2030. Hormis dans de rares pays comme le Danemark, l’utilisation ne cesse de croître dans l’UE.

Pas de volonté politique

Que s’est-il donc passé depuis plus de dix ans ? Pour François Veillerette, porte-parole de Générations futures, les intentions de départ étaient bonnes, et la dynamique initiale positive. Mais les objectifs se sont progressivement éloignés, du fait « d’un manque de volonté politique », citant la phrase sans équivoque de Nicolas Sarkozy en 2011 au Salon de l’agriculture : l’environnement « ça commence à bien faire ».

Qui plus est, il n’y avait « pas d’objectifs obligatoires, peu de contrainte, peu de fiscalité », regrette le militant, qui a contribué comme partie prenante à la mise en œuvre d’Ecophyto. Il déplore également un « manque d’allant » de la profession. En misant sur le progrès technique — utilisation de drones, satellites, etc. —, la FNSEA, « a tout fait pour éviter d’avoir une approche système ».

Or, selon lui, c’est le système qui est à revoir : il faut changer l’amont et l’aval, créer de nouveaux marchés, embarquer les coopératives.

Parmi les réussites concédées, les fermes DEPHY, un réseau qui expérimente des techniques de biocontrôle entraînant une réduction des pesticides, sans conséquences sur les rendements et l’économie de la ferme. « Elles ne sont pas assez nombreuses, pas assez performantes », nuance cependant François Veillerette.

Un objectif est en revanche sur la bonne voie : le retrait massif des molécules les plus dangereuses (cancérigènes-mutagènes-reprotoxiques de type 1, dits CMR1). « Ceci n’est pas lié au plan français, mais exclusivement à un changement de législation européenne », souligne le militant. Depuis le règlement européen de 2009, les substances actives classées cancérogènes ne peuvent être commercialisées.

Le règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides encore repoussé

Le vote sur la proposition de règlement européen sur les pesticides par la commission de l’Agriculture et du Développement rural du Parlement européen a été repoussé au mois d’octobre. Ce report réduit encore la possibilité de parvenir à un accord avant les élections européennes de l’année prochaine.

Autorisations « illégales »

L’échec d’Ecophyto provient largement des lacunes concernant l’évaluation des produits, martèlent les associations. Alors que de plus en plus d’études démontrent la dangerosité des pesticides pour la santé et l’environnement, il est aujourd’hui nécessaire de prouver cette causalité pour espérer retirer un produit du marché. Pourtant, la règlementation européenne exige avant toute autorisation une preuve de son innocuité.

Les représentants du mouvement Secrets toxiques pointent un « paradoxe de taille », « une inversion de la charge de la preuve », et un conflit entre « science règlementaire » et « science académique ».

Autre grief à l’encontre des évaluations : la prise en compte par les agences de la seule substance active isolée. Cette méthode occulte ainsi les effets cocktails et la nocivité d’autres agents présents dans le produit commercialisé.

Pour Dominique Masset, co-président de Secrets toxiques, qui milite pour une « application stricte de la loi européenne », les autorisations par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sont de ce fait illégales, car celles-ci devraient se baser sur la toxicité globale selon le règlement.

Les représentants de l’association rappellent que, dans les faits, ce sont les industriels qui fournissent aux agences françaises et européennes la liste des substances actives à évaluer.

« Les méthodes suivies pour évaluer les risques associés à ces pesticides ne répondent pas aux exigences du législateur européen », pointait récemment un avis de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe).

Règlement SUR : « clé de voûte »

La députée et membre de la commission Laurence Heydel Grillere a interrogé les militants sur les impasses techniques et sanitaires pour les agriculteurs, évoquant les drosophiles qui ravagent les cerisiers cette année. Que peuvent-ils faire sans insecticides ?

« Lorsqu’il y a eu l’interdiction des néonicotinoïdes pour les betteraves, on a vu un plan de recherche et d’innovation se mettre en route. Avec des perspectives et des moyens dans la recherche mais aussi dans les transferts entre chercheurs et agriculteurs, ça marche », lui répond François Veillerette.

Mais pour les intervenants, faut-il encore que tout le monde dispose des mêmes outils au sein de l’UE. Sur ce sujet, ils attendent de pied ferme le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR), en cours de négociation.

Son but : réduire de 50 % l’usage et le risque des pesticides d’ici à 2030 et imposer des mesures contraignantes à tous les États membres.

Décalée une fois sur fond de guerre en Ukraine, cette législation a reçu un accueil glacial d’une majorité d’États. Dans un contexte d’inflation, de tensions internationales et de crise énergétique, ils ont estimé qu’elle menaçait la sécurité alimentaire de l’Union.

« Cet objectif ambitieux, c’est la clé de voûte du système », note François Veillerette. Selon lui, harmoniser la règlementation européenne, imposer les mêmes exigences est le seul moyen de protéger les producteurs et mettre fin aux distorsions de concurrence.

Les auditions des parties prenantes se poursuivront au mois de septembre. Ensuite, la commission d’enquête se penchera sur les perspectives d’amélioration du plan, alors qu’un nouvel Ecophyto est déjà en cours de construction.

Le règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides encore repoussé

Le vote sur la proposition de règlement européen sur les pesticides par la commission de l’Agriculture et du Développement rural du Parlement européen a été repoussé au mois d’octobre. Ce report réduit encore la possibilité de parvenir à un accord avant les élections européennes de l’année prochaine.

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