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Un défenseur de l'environnement est tué tous les deux jours dans le monde

Au moins 177 défenseurs de l'environnement ont été tués dans le monde en 2022, selon un rapport de l'ONG Global Witness publié dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 septembre. Entre 2012 et 2022, ce chiffre dépasse les 1900 assassinats. L'Amérique latine est de très loin la zone la plus touchée, avec près de neuf décès sur dix.

La militante écologiste honduriennes Berta Caceres fut assassinée le 3 mars 2016. En Amérique latine, les défenseurs de l'environnement sont très pris pour cibles.
La militante écologiste honduriennes Berta Caceres fut assassinée le 3 mars 2016. En Amérique latine, les défenseurs de l'environnement sont très pris pour cibles. AP - Eduardo Verdugo
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Ce chiffre d'au moins 177 défenseurs de l'environnement assassinés en 2022 dans le monde est légèrement inférieur à celui de l'année précédente, qui s'élevait à 200 morts. Mais selon Global Witness, à l'origine de ce rapport, « la situation ne s'est pas améliorée de manière substantielle ». La moyenne d'un activiste tué tous les deux jours s'est maintenue, et l'Amérique latine reste la partie du monde la plus hostile aux défenseurs de l'environnement.

Les données de Global Witness parlent d'elles-mêmes. En 2022, 88% des décès ont lieu en Amérique latine, avec la Colombie détenant le triste record du nombre de meurtres de militants écologistes : 60 personnes tuées l'année dernière (le double par rapport à 2021), et 382 recensés ces 10 dernières années. Laura Furones, auteure principale du rapport de l'ONG, livre à Jeanne Richard pour RFI des pistes pour comprendre cette situation :

« L’Amérique latine est une région où il y a des mouvements sociaux très importants, très forts. C’est une région aussi très riche en ressources naturelles, qui produit une grande partie des produits agricoles pour le reste du monde. Du coup, il y a une pression sur la terre vraiment extraordinaire. Les personnes qui vivent là voient comment ces ressources naturelles sont exploitées. Elles se voient un peu forcées à défendre la terre et sont attaquées pour leur engagement, pour leurs efforts. »

Selon la conseillère principale de Global Witness, « le secteur agricole est lié à la plupart des meurtres ». « Mais il y a aussi tout un intérêt minier, dans le braconnage ou même des activités liées à l'utilisation de l'eau. En gros, tout ce qui est lié à l'utilisation des ressources naturelles pour obtenir un bénéfice économique », ajoute-t-elle.

On se souvient des meurtres en 2016 de la militante écologiste Berta Caceres au Honduras tandis qu'elle se battait pour la défense du fleuve Gualcarque et contre la construction d’un barrage hydroélectrique qui menaçait des centaines d’habitants de l’ethnie Lenca. Et aussi de celui de Felix Vasquez en 2020. Le Honduras paie un lourd tribu à la défense de l'environnement et des droits des populations autochtones.

« Défendre la terre en Colombie est un métier risqué »

La Colombie aussi. Ce pays a toujours été l'un des plus meurtriers au monde pour les défenseurs de l'environnement en raison de ses riches ressources minières, forestières et agricoles. La Colombie est connue la violence exercée contre les leaders sociaux comme ce fut le cas en 2021 avec l'assassinat du garde-forestier Gonzalo Cardona Molina. On peut rappeler aussi les menaces subies de façon répétée par l'actuelle vice-présidente, Francia Marquez, lauréate du prix Goldman 2018 qui est souvent comparé à un Nobel de l’environnement. Elle a été victime de plusieurs attaques.

Le président Gustavo Petro, arrivé au pouvoir en août 2022, s'est engagé à réduire ces violences, mais son action est jugée insuffisante par plusieurs ONG locales.

Nadia Umana est menacée dans son pays, la Colombie, par des gangs en raison de son engagement pour l'environnement. Elle s'exprime ici à l'AFP à Bogota, le 30 août 2023.
Nadia Umana est menacée dans son pays, la Colombie, par des gangs en raison de son engagement pour l'environnement. Elle s'exprime ici à l'AFP à Bogota, le 30 août 2023. AFP - RAUL ARBOLEDA

L'Agence France Presse (AFP) a interrogé Nadia Umana, sociologue de 35 ans. Elle compte parmi ces activistes menacées en Colombie et a été confrontée à cette violences : quatre de ses compagnons de lutte ont été déjà assassinés. « Savoir qu'un de ses camarades a été assassiné est une douleur qui n'a pas de mots », a-t-elle confié à l'AFP à Bogota.

Nadia Umana dénonce « une attaque systématique » contre son organisation pour s'être opposée aux paramilitaires et à leurs activités illégales. « Défendre l'environnement, défendre la nature, défendre la terre (...) ici en Colombie est un métier risqué », déplore-t-elle. Lassés des menaces, l'activiste et ses camarades se battent désormais à distance depuis la capitale, afin de « ne pas (nous) exposer à un mort de plus ».

Les chiffres en Afrique peut-être sous-estimés

Si l'Amérique latine est désignée comme la partie du monde où les défenseurs de l'environnement sont le plus tués, il est malheureusement possible que les chiffres concernant l'Afrique soient sous-estimés. « En Amérique latine, on a une société civile forte et qui informe. On a aussi des médias qui font un travail de documentation qui n'existe pas en Afrique », développe Laura Furones, selon laquelle il est « tout à fait possible qu'il y ait plus de cas, des cas qu'on n'entend jamais, en Afrique ».

Selon l'étude de l'ONG, la République démocratique du Congo (RDC) est le 8e pays où l'on compte le plus de meurtres de défenseurs de l'environnement dans le monde. Laura Furones s'appuie sur la mort de deux gardes-forestiers l'année dernière, dans le parc national des Virunga : « Entre 2012 et 2022, au moins 72 défenseurs ont été tués en RDC, et la plupart de ces meurtres sont liés à des conflits fonciers ou au braconnage, et ils ont souvent lieu dans des réserves naturelles. »

À lire aussiRDC: tirs d'artillerie signalés dans le parc national des Virunga

L'autrice de Global Witness appelle gouvernements et entreprises à mieux protéger les citoyens et les travailleurs qui se battent pour sauver leur environnement d'intérêts économiques destructeurs.

(et avec AFP)

 

Amnesty international dénonce les exactions des compagnies minières en RDC 

En République démocratique du Congo, les multinationales accusées de se livrer à des expulsions forcées et des menaces pour étendre leurs activités minières. Dans un rapport, présenté hier, mardi 12 septembre, à Kinshasa, Amnesty International documente des violations contre des populations locales sur des sites d'extraction de cobalt et de cuivre dans le sud-est du pays. Selon l’ONG, la demande de ces minerais – indispensables à la fabrication de batteries pour véhicules électriques – pousse les groupes miniers à étendre leurs opérations et entraine de nombreuses violations.

Au lieu de profiter de la croissance du secteur minier, dénonce Jean-Mobert Senga, chercheur à Amnesty interrogé par Alexandra Brangeon de la rédaction Afrique, certains habitants de la région de Kolwezi se voient forcés de quitter leur logement et leurs terres agricoles. « Un exemple : c’est une société appelée Chemaf, basée à la sortie de Kolwezi et qui exploite du cuivre et du cobalt. Cette société a obtenu la location d’une concession minière dont une partie était occupée par une communauté. La société a obtenu l’expulsion de cette communauté, sauf que l’expulsion a eu lieu de façon très violente, avec l’intervention de l’armée congolaise.

Entre 1 500 et 2 000 membres de la communauté se sont retrouvés du jour au lendemain sans toit, sans un endroit où aller. Ils n’étaient pas propriétaires, mais cela ne donne aucunement le droit, ni à l’entreprise, ni à l’État, de les expulser de manière forcée comme ils l’ont fait. Parfois, ils n’ont même pas été informés au préalable, ils ont vu du jour au lendemain des agents de l’État ou de la société minière débarquer, dessiner des croix sur leurs maisons, ou descendre avec des pelleteuses et commencer à casser leurs maisons. Chaque membre de la communauté a reçu entre 50 et 200 dollars, ce qui est largement insuffisant pour pouvoir trouver une maison, trouver un champ, etc. En fait, l’expulsion en elle-même n’est pas illégale, ce qui est interdit, c’est d’expulser les gens sans les informer au préalable de leurs droits, sans se consulter avec eux et évaluer avec eux les indemnisations, et sans payer des indemnisations qui soient adéquates. »

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