Séisme d’Al Haouz : un traumatisme, particulièrement pour les enfants

“Mon papa m’appelait et je criais ‘je suis là, je suis là’”. La petite Ibtissam a été sauvée miraculeusement des décombres de sa maison, mais elle est traumatisée par le séisme qui a rasé l’intégralité de son village.

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Des enfants au milieu des tentes de l'hôpital de campagne d'Al Haouz, le 11 septembre 2023. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Cinq jour après le plus puissant tremblement à jamais avoir frappé le Maroc, sa famille s’est installée dans une petite tente, aux côtés d’une dizaine de familles, en contre-bas de leur village d’Imi N’Tala, à 75 km au sud de Marrakech.

Pour Ibtissam Aït Iddar, 9 ans, au choc dû à la secousse s’ajoute la douleur d’avoir perdu deux amies. “Avec Mouna et Zineb, on partait à l’école ensemble même si on n’était pas dans la même classe”, dit-elle pudiquement.

J’ai peur pour elle”, souffle sa maman Naïma Benhamou qui a perdu sa cadette, âgée de 4 ans, sa mère et sa belle-mère dans le séisme. Ibtissam, elle, a été sortie in extremis des gravats par son père et son oncle après l’affaissement de leur maison engloutie par de volumineuses pierres de montages.

Mais pour l’heure, ce qui inquiète Naïma, c’est l’état psychologique de sa fille qui se réveille souvent la nuit en pleurs en criant “sortez moi, je suis tombée”.

À Imi N’Tala, l’odeur de la mort

Imi N’Tala est niché à plus de 1400 mètres d’altitude dans le massif du Toubkal. Les bâtisses du village sont construites sur la longueur d’une route étroite et sinueuse arpentant la chaine montagneuse du Haut Atlas.

Selon les survivants de ce village de 400 âmes, plus de 84 personnes, dont 20 enfants, ont péri durant le puissant séisme qui a transformé le village en un champs de ruines imprégnées par l’odeur pestilentielle de la mort.

Les secouristes ont réussi mercredi à extraire un corps et continuaient de chercher cinq autres. Pas loin d’eux, Youssef Aït Raiss, 11 ans, se souvient dans la tente familiale comment “la maison est tombée”. “On était coincés sous les débris”, raconte le garçon dont les parents étaient ailleurs durant le tremblement de terre.

Son frère Zakaria, 13 ans, qui le rejoint ajoute : “On était avec notre grand-mère, c’était comme un cauchemar.” Les deux garçons ont perdu leur grand-mère, et leur frère de 16 ans est toujours aux urgences au CHU de Marrakech.

Youssef a également perdu deux camarades de classe, Taoufik et Khalid. “On était à l’école ensemble, on jouait ensemble”, dit-il timidement. Leur école, près du village, a été sérieusement endommagée par le tremblement de terre, les cours y ont été suspendus, comme dans une quarantaine de communes dans les provinces d’Al Haouz, de Chichaoua et de Taroudant.

L’Unesco a jugé mercredi la situation dans le domaine de l’éducation “préoccupante”, avec 530 écoles et 55 internats dégradés.

Le séisme a impacté une zone particulièrement rurale et enclavée (…) comptant environ un million d’élèves inscrits et un corps enseignant de plus de 42.000 professionnels”, a indiqué un communiqué de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).

Ibtissam Aït Iddar était d’ailleurs “choquée” de voir son école endommagée. “Elle m’a dit ‘si on ne peut même pas aller à l’école, on doit partir au plus vite d’ici’”, raconte sa mère. Son oncle Mohamed Aït Toulkine sort alors de la tente et lance : “Je vais tout faire pour l’envoyer à Marrakech, c’est important qu’elle continue ses études.

Khadija Ouhssine, 32 ans, a, elle, perdu deux de ses filles de 2 et 11 ans ainsi que ses beaux-parents. “Perdre ses enfants, c’est un sentiment qu’aucun mot ne peut décrire”, dit-elle devant sa maison, complétement détruite. Une équipe de secours y travaillait mercredi pour extraire le corps de son beau-père, toujours piégé sous les gravats.