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L’Iran veut durcir sa loi sur le voile : “Ils ne peuvent pas arrêter des millions de femmes”

Il y a un an, la mort de Mahsa Amini, des suites de son arrestation par la police des mœurs iranienne, marquait le début du mouvement anti-régime massif, surnommé la “révolution Femme, vie, liberté”. Depuis, nombre de nos Observatrices iraniennes ne portent plus le voile obligatoire en public. Mais une loi en discussion au Parlement risque d’augmenter drastiquement les peines pour les délits liés au hijab.

Il y a encore un an, il était très rare de voir des femmes sans hijab dans les espaces publics en Iran. Mais aujourd'hui, les Iraniennes sont nombreuses à sortir dans les rues tête dévêtue, en témoignent les nombreuses photos diffusées sur les réseaux sociaux.
Il y a encore un an, il était très rare de voir des femmes sans hijab dans les espaces publics en Iran. Mais aujourd'hui, les Iraniennes sont nombreuses à sortir dans les rues tête dévêtue, en témoignent les nombreuses photos diffusées sur les réseaux sociaux. © Les Observateurs
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En septembre 2022, rares étaient les Iraniennes qui sortaient sans leur hijab dans l’espace public. Désormais, comme l’attestent des milliers d'images amateurs en ligne, ainsi que de nombreux témoignages, elles sont des milliers à oser se montrer sans hijab.

Une loi en discussion au parlement iranien menace cependant cette liberté acquise de facto. Elle prévoit de faire passer les peines sanctionnant le port non-conforme du hijab d’un euro à 3 000 euros, et les peines d'emprisonnement maximales de deux mois à 10 ans. Cette proposition de loi prévoit aussi des mesures spéciales pour les "célébrités", notamment la confiscation de 10 % de leurs biens.

@wahid55_

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De nombreuses images amateur montrent des Iraniennes qui sortent régulièrement en public sans voile.

 

"Je ne porte plus le hijab dans les espaces publics".

Sita (pseudonyme) est une jeune étudiante iranienne qui vit à Téhéran. Elle a grandi dans une famille religieuse, mais a décidé de ne plus porter son hijab.

Après le début des mouvements de protestation, cette question est devenue de plus en plus pressante dans ma tête : pourquoi dois-je demander la permission à l'État, à une idéologie à laquelle je n'adhère même pas, de vivre comme je l'entends ? Cette question m’a donné le courage de me battre pour mes choix, malgré les risques.

En un an, j’ai assisté à beaucoup de changements. À commencer dans ma famille. J'ai l'impression qu'ils sont beaucoup plus ouverts d'esprit et que leur regard sur les femmes a évolué.

Depuis la mort de Mahsa Amini, je ne porte plus le hijab dans les espaces publics. La société iranienne, dans l'ensemble, est plutôt bienveillante [envers les femmes qui délaissent leur hijab]. Avant les mouvements de protestation, si vous sortiez en public sans hijab, les gens vous dévisageaient, même les autres femmes. Aujourd'hui, la réaction la plus courante est un simple sourire. Parfois, les gens disent des mots d'encouragement lorsqu'ils vous croisent.

L'histoire nous apprend que les changements sont difficiles dans une société, et que les idéologies enracinées sont difficiles à briser. Malgré tout, je constate de nombreuses évolutions dans la population iranienne. J'ai le sentiment que beaucoup de personnes croyantes et pratiquantes se sont posé cette question : "Si j'ai la liberté de mener le style de vie que je veux, les filles et les femmes de la rue qui ne portent pas le hijab devraient avoir le même droit de s'habiller comme elles le veulent”. 

Nous avons vu que les Iraniens sont prêts à payer le prix fort pour soutenir les femmes. Un propriétaire de café accepte que son établissement soit fermé pendant quelques jours, mais il ne demande pas aux femmes de porter le hijab. Quand des hommes se battent ainsi pour les droits des femmes, cela montre qu’une révolution a bien eu lieu dans notre société machiste.

Danser en public sans voile peut avoir de graves conséquences pour une femme en Iran.

“Ces changements sont permanents, ils sont le résultat de 40 ans de résistance.”

Considérées comme des "célébrités”, les influenceuses sur les réseaux sociaux pourraient être concernées par la nouvelle loi. Celles qui s'affichent sans hijab devant leurs dizaines de milliers d’abonnés ont été particulièrement ciblées par les forces de sécurité iraniennes ces derniers mois.

Plusieurs d’entre elles ont été arrêtées :  une motarde, une jeune influenceuse lifestyle, une blogueuse de voyage ou encore Sar, une adolescente dont la vidéo avec des amies dans un centre commercial est devenue virale.

"Varia" (pseudonyme) est une influenceuse qui vit à Shiraz :

C'est effrayant. Chaque jour, j'apprends qu'un ami ou un collègue a été arrêté, son compte bancaire gelé ou sa voiture saisie.

Mais je suis heureuse qu'il y ait tant de femmes qui résistent malgré les menaces et les pressions du régime. Même s’ils font taire ceux qu'on désigne par le terme "célébrités", ils ne peuvent pas poursuivre en justice les millions de femmes dans la rue.

Le changement le plus impressionnant que j'ai observé en un an : le harcèlement verbal des femmes dans la rue, assez répandu avant, a diminué. Cela fait un an que je n’ai pas eu de mauvaises expériences dans ce domaine, alors que je travaille tous les jours dans le centre-ville.

Les entreprises du secteur privé n'osent plus exiger que leurs employées portent le hijab. J’ai l’impression que les gens acceptent que les femmes fassent leur choix. Et ce qui est encore plus positif, c'est que ces changements d’attitudes sont observables non seulement dans les quartiers riches de Téhéran, mais aussi dans les quartiers pauvres du sud de Téhéran et dans d'autres villes. Ces changements sont permanents, je pense, ils sont le résultat de 40 ans de résistance.

Elaheh Asgri est une blogueuse de voyages. Elle a été récemment arrêtée.

“Il est plus facile d’intimider les start-up que les millions de femmes dans la rue, une par une.”

Les autorités iraniennes ont également ciblé le secteur en pleine croissance des start-up iraniennes… Elles les accusent de promouvoir les valeurs occidentales en permettant aux femmes de ne pas porter le hijab au travail.

Ces derniers mois, plusieurs start-up ont été prises pour cible par les forces de sécurité. Certaines ont dû cesser leur activité pendant des semaines, d'autres ont vu leur siège attaqué ou leurs dirigeants arrêtés.

"Shamila" (pseudonyme) est cadre supérieure dans une start-up à Téhéran.

La plupart des personnes qui travaillent dans des start-up soutiennent les manifestations "Femme, Vie, Liberté". Une majorité de femmes dans les start-up comme la nôtre refusent de porter le hijab.

Cependant, il est plus facile d’intimider les start-up que les millions de femmes dans la rue, une par une.

Les autorités envoient des lettres de menaces et ordonnent parfois aux start-up de fermer leurs bureaux pendant quelques jours.

Les entreprises qui possèdent les start-up veulent simplement éviter les complications et continuer à faire circuler l'argent.

Je pense que cela va forcer plus d'Iraniens que jamais - en particulier les femmes talentueuses qui travaillent dans ces start-up - à émigrer à l'étranger.

Les femmes iraniennes a qui nous avons parlé pensent - ou en tout cas espèrent - que les manifestations depuis la mort de Mahsa Amini ont changé la société iranienne pour toujours. Mais elles affirment qu'il y a encore beaucoup à faire pour mettre un terme au régime théocratique qui gouverne leur vie, et qu'elles disent vouloir combattre…

Sar, une adolescente influenceuse dont la vidéo est devenue virale, a été détenue pendant plusieurs jours.

Varia, l’influenceuse, a de l’espoir pour l’avenir :

Pendant des mois, j'ai été préoccupé par le prix que nous payons pour ces changements : des personnes, des adolescents et même des enfants qui ont perdu la vie. J’aurais aimé que tout ce sang versé fasse une plus grande différence. Mais je pense que toute cette douleur a conduit notre société là où elle est aujourd’hui.

Je pense que cette effusion de sang a rendu l’équation claire pour tout le monde en Iran : soit nous mettons fin au régime, soit le régime nous arrête. Il n’y a pas de juste milieu.

Sita, elle aussi, reste optimiste :

La guerre n'est pas encore terminée, mais jusqu'à présent, nous avons gagné quelques batailles. Leurs actions montrent que le régime est désespéré : ils arrêtent des chanteurs, des journalistes, des professeurs d'université. Tous ceux qu’ils n’ont pas pu harceler l’année dernière, ils les menacent ou les arrêtent désormais.

Je suis optimiste quant à l’avenir de notre pays. Je suis vraiment concentrée sur le présent. Que puis-je faire ? Comment puis-je participer au succès des manifestations ?

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