Vernon : "C'est comme une malédiction", victime d'inceste et de viol, elle témoigne dans un livre

Louise présente son premier recueil de poèmes baptisé Dépasser son passé en dénonçant l'inceste. Elle présentera son livre samedi 16 septembre à Vernon (Eure).

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Victime d’inceste et de viol, Louise, (Lou Piote de son nom de plume) partage son douloureux parcours dans un recueil de poèmes intitulé Dépasser son passé en dénonçant l’inceste. ©Le Démocrate
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À la mort de son grand-père en 2009, Louise plonge dans une grave dépression. « C’était le papi blagueur. Mes cousins l’adoraient », raconte-t-elle.

Pourtant, ce n’est pas le chagrin du deuil qui la ronge mais plutôt un sentiment de dégoût et de profond mal-être. La disparition de ce grand-père fait remonter à la surface d’horribles souvenirs.

Un prédateur dans la famille

En effet, à l’ombre des regards, le papi blagueur se transformait en véritable prédateur.

« Entre mes 2 et 4 ans, je me faisais agresser sexuellement par mon grand-père. À sa mort, les souvenirs sont remontés à la surface et j’ai compris que ce qu’il avait fait était grave. »

Louise, autrice

Ce que son subconscient l’a empêchée de voir pour se préserver est alors revenu comme un boomerang : Louise a dû faire face à son passé mais aussi à sa famille.

« Dans ma famille, personne ne voulait en parler. Quand je dénonçais les actes du grand-père, on avait tendance à les minimiser et surtout, on me disait de laisser le passé derrière moi. »

Un livre intime et militant

Double peine pour la jeune femme qui doit porter le poids de son traumatisme en silence. Alors, pour ne pas sombrer et se libérer de sa souffrance, Louise trouve refuge dans l’écriture.

Durant une quinzaine d’années, elle écrit ce qui lui passe par la tête. Elle écrit chez elle, dans le métro, n’importe où, sur des petits morceaux de papier, des carnets… qu’elle a recueillis pour livrer son témoignage au grand public.

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« De ces poèmes, j’ai décidé d’en faire un livre pour dénoncer les violences sexuelles et briser le tabou de l’inceste. C’est une façon de prouver qu’on peut s’en sortir », affirme-t-elle.

L’autrice sera en dédicace à l’Espace culturel E.Leclerc de Vernon (Eure) pour présenter son premier ouvrage, très intime mais aussi militant.

« Très peu de victimes portent plainte et elles sont encore moins nombreuses à obtenir gain de cause. On laisse des prédateurs sexuels faire d’autres victimes. C’est important d’en parler. »

Louise, autrice

14,7 %

Concernant les viols pour lesquels une plainte a été enregistrée par la police, les chiffres du ministère de la Justice indiquent que seuls 14,7 % ont donné lieu à une peine. Depuis une dizaine d’années, le nombre de condamnations pour viols est en baisse. Entre 2019 et 2020, on enregistre une baisse de 31 %. 

Le violeur de Bordeaux

Après le décès de son grand-père, en 2010, Louise tente de remonter la pente et décide de partir à Bordeaux pour suivre des études de management de maison de santé.

« J’avais en tête de créer un établissement spécial pour la prise en charge des victimes de violences sexuelles car beaucoup se retrouvent dans une errance médicale. Les professionnels de la santé ont du mal à mettre un mot sur le psychotraumatisme. »

Louise

Son arrivée à Bordeaux devait être les prémices d’une nouvelle vie. Un espoir qui va être brisé en l’espace d’une nuit.

« Un ami m’avait invitée chez lui avec d’autres personnes. À la fin de la soirée, alors que tout le monde était en train de partir, il m’a demandé de rester pour me faire voir quelque chose. Une fois tous les deux, il m’a agrippée par le cou et m’a violée. J’ai essayé de me débattre mais il m’empêchait de respirer. Alors, je suis restée immobile pour rester en vie. On demande souvent aux victimes : pourquoi tu ne t’es pas débattue ? C’est facile à dire. La réalité est tout autre. »

Louise

« Comment étiez-vous habillée? »

La jeune femme de 23 ans met cinq jours avant de porter plainte. L’une des questions qu’on lui pose : « Comment étiez-vous habillée ? ». Louise est ensuite redirigée vers le « bon service », qui a l’habitude de prendre en charge les victimes de viols.

Après sa plainte déposée en mai, son bourreau, Bruno Turpin, est placé en détention provisoire en vue de son procès.

Une victime met fin à ses jours

Il a fait une autre victime, Coline qui, elle, ne verra jamais son agresseur derrière les barreaux.

« Quatre mois après le viol, elle s’est jetée de la tour Pey-Berland, à Bordeaux », souffle Louise.

Dans son recueil, un poème lui est consacré dans lequel on peut lire : « Toutes les deux avons été/Comme deux petites poupées/Entre les mains du vilain ».

Après ce viol, Louise sombre à nouveau dans la dépression. Elle quitte Bordeaux et rentre chez sa mère, à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines.

Pendant un temps, la vie lui sourit. Elle trouve un emploi dans la communication et attend un heureux événement. En janvier 2013, alors enceinte de quatre mois, elle est invitée à témoigner lors du procès de son violeur, à Bordeaux. Trois ans se sont écoulés depuis son agression.

« Je me suis sentie seule au monde »

« Je me suis sentie seule au monde mais ma fille m’a donné la force de continuer. Je me suis battue pour elle mais aussi pour Coline, qui n’était plus là », se souvient Louise.

Durant le procès, elle affronte les avocats de la défense, prêts à tout pour décrédibiliser son témoignage et la font presque « passer pour une folle » :

« Je prenais des traitements pour mon état dépressif. Les avocats de la défense se sont servis de ça pour affirmer que j’étais paranoïaque, que la soirée ne s’était pas passée comme ça. »

Louise

Finalement, en janvier 2013, le violeur récidiviste écope de 10 ans de prison ferme. 

Fragilisée, Louise doit une fois de plus remonter la pente.

Pour l’aider dans son ascension, elle s’appuie sur le soutien d’autres victimes, qu’elle a rencontrées grâce à l’association Parole en marche. « Ça m’a permis de comprendre ce que je traversais et d’extérioriser ma souffrance. C’est important d’en parler », assure Louise.

Parmi ce petit groupe, elle rencontre Pascale, qui devient, pour les membres de l’association, un véritable modèle de résilience. « C’était un exemple pour nous. Elle nous redonnait espoir ».

« L’inceste tue »

Mais un jour, Pascale, hantée par son passé, décide de mettre fin à ses jours.

« L’inceste tue. Les violences sexuelles sont dévastatrices. Les gens ne veulent pas entendre les témoignages des victimes, ils trouvent cela insupportable. Mais si les mots sont insupportables, qu’en est-il des actes ? Nous, nous les avons subis. »

Louise

Des actes qui ont des répercussions bien des années plus tard sur la vie d’adulte : relations amoureuses chaotiques, situation professionnelle instable, troubles alimentaires, dépression, tentatives de suicides

Une malédiction

Fragilisées, les victimes deviennent des proies pour les prédateurs sexuels.

« On a l’impression de subir une malédiction. On n’arrive pas à se construire comme les autres. Je le vois au sein de ma propre famille. Ceux qui n’ont pas été victimes s’en sortent mieux »

Louise

Pire, certains enfants victimes deviennent bourreaux à leur tour. « C’est un cercle vicieux et comme personne ne veut en parler, ça ne s’arrête pas », se désole Louise. 

Aujourd’hui mère de trois enfants, l’autrice a su apprivoiser ses traumatismes grâce à l’écriture et fait de son passé douloureux une force.

Soutenue par Claire-Aurélie Véraquin, présidente de l’association vernonnaise, Les Enfants de Tamar qui vient en aide aux victimes de violences sexuelles, elle ne baisse pas les armes et compte libérer la parole sur ce fléau de la société. 

Dépasser son passé en dénonçant l’inceste, Lou Piote en dédicace samedi 16 septembre au centre culturel E.Leclerc de 10h à 18h.

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