Dix conseils d’un scientifique pour enrayer la disparition des insectes
Le scientifique britannique Dave Goulson se pose, bien malgré lui, en « ambassadeur » des insectes. La vie de cette petite faune volante ou rampante est grandement menacée par l’activité humaine, en premier lieu par l’agriculture intensive, celle qui utilise des pesticides de façon systématique et défriche forêts et haies, habitats adorés des papillons et autres pollinisateurs.
La plupart des espèces d’insectes, des abeilles aux libellules, perdent des congénères tous les jours, mais Dave Goulson refuse l’étiquette de décliniste. « Il y avait un réel danger que mon livre soit vraiment déprimant, explique le professeur de biologie à l’Université du Sussex (Royaume-Uni). J’ai donc consacré le dernier quart à des gestes simples, que nous pouvons tous faire pour empêcher l’extinction des insectes. »
Ces conseils sont adressés à tous les citoyens, d’autres concernent plus spécifiquement les agriculteurs, les jardiniers ou les gouvernements, qu’ils soient locaux ou nationaux. Voici notre sélection d’actions, extraites de son récent livre Terre silencieuse – Empêcher l’extinction des insectes (Éditions du Rouergue, 390 pages, 23,80 €), qui pourrait rapidement enrayer la chute des populations d’insectes.
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1. « Les agriculteurs devront accepter de s’adapter vite »
« Reconnaître qu’il y a un problème et répondre de manière positive et constructive aux initiatives des gouvernements, des organisations de protection de la nature, et des consommateurs, en s’efforçant de le résoudre. Que cela plaise ou non, l’agriculture, de même que d’autres activités humaines, va devoir se transformer rapidement au cours du XXIe siècle. Fermer les yeux n’est pas une solution. Les agriculteurs devront accepter de s’adapter vite, d’envisager et de tester des méthodes alternatives : bio, permaculture, agrosylviculture, etc. Ils devront aussi se préparer à des formations professionnelles, en accord avec les faits scientifiques. Sur des terres pauvres, où l’agriculture permet à peine de vivre, même avec des subventions, le réensauvagement est une option à prendre en compte : elle peut apporter un revenu plus sûr. »
2. « Améliorer la protection juridique des insectes »
« Améliorer la protection juridique des insectes. On devrait accorder aux insectes rares la même importance qu’aux oiseaux et aux mammifères dont l’espèce est menacée. Au Royaume-Uni, le Wildlife and Country Act 1981 [un texte de loi, NdlR] protège un petit nombre de papillons et de coléoptères, une proportion minuscule de nos quelque 27 000 espèces d’insectes indigènes. Une directive européenne ne protège qu’une seule espèce britannique, l’azuré du serpolet. Ce n’est pas parce qu’ils sont petits, que les insectes ne méritent pas de figurer sur les listes de conservation de la faune. Or dans de nombreux États, ils n’y sont pas inclus. » En France, une liste d’insectes est protégée par la loi.
3. « Voter pour le parti qui présente le programme environnemental le plus sérieux »
« Voter, aux élections locales et nationales, pour le parti qui présente le programme environnemental le plus sérieux et le plus convaincant. Et écrire régulièrement à ses parlementaires. Beaucoup d’élus ne sont pas au courant des problèmes environnementaux et des enjeux autour de la biodiversité : vous pouvez les éduquer ! »
4. Mieux jardiner
« Éviter d’utiliser des pesticides dans le jardin ; ils ne sont vraiment pas nécessaires. En général, quand on laisse les nuisibles tranquilles, une coccinelle, une larve de syrphe ou un névroptère ne tardent pas à les manger. Si vous avez des plantes d’ornement que des ravageurs ne cessent d’attaquer, vous n’avez probablement pas choisi des plantes adaptées à l’endroit. Quant aux mauvaises herbes, vous avez le choix entre : les accepter comme des fleurs sauvages, les arracher à la main ou les étouffer sous un vieux tapis ou tout autre tissu imperméable. »
5. S’investir dans une association
« Adhérer à une association locale de protection de la nature et de l’environnement. L’argent de votre cotisation l’aidera à accomplir son travail. Si vous avez le temps, impliquez-vous personnellement. En participant à un inventaire de la faune sauvage, vous pouvez aider à recueillir des données sur les populations changeantes de nos insectes, indispensables pour pouvoir mettre au point des stratégies de conservation. »
6. Agir sur l’éducation
« Prévoir dans chaque école, un accès sécurisé à un espace vert qui puisse offrir aux enfants l’opportunité d’interagir avec la nature. Jumeler les écoles avec des fermes respectueuses de l’environnement, financer des sorties pour que les enfants puissent en visiter au moins une par an et apprendre ainsi d’où viennent les aliments qu’ils mangent, quels sont les problèmes ou les solutions liés à l’agriculture… »
7. « S’interroger sur son alimentation »
« S’interroger sur son alimentation et soutenir les producteurs locaux, bio ou écologiques, en tout cas sans pesticides, en achetant ses fruits, légumes et viande, sur les marchés locaux ou en commandant des paniers. On dit souvent que les aliments bio sont trop chers pour beaucoup de consommateurs, mais c’est surtout parce que de nombreuses autres dépenses se sont ajoutées au budget des ménages. Les paniers peuvent être étonnamment économiques si l’on tient compte de la somme que l’on dépense en prenant sa voiture pour se rendre au supermarché, sans parler du temps… »
8. Un coin « sauvage » dans le jardin
« Pratiquer le compagnonnage des plantes afin d’encourager la pollinisation des légumes et fruits et d’attirer les ennemis naturels des ravageurs de cultures. L’œillet d’Inde par exemple semble éloigner l’aleurode des tomates, tandis que la bourrache attire les pollinisateurs sur les fraisiers. Laisser dans votre jardin, à la nature, un coin “sauvage” où vous ne ferez rien du tout : ce sera votre propre projet miniature de réensauvagement ! »
9. Financer la recherche
« Financer la recherche afin de comprendre les causes du déclin des insectes ; il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas en particulier tout ce qui concerne les interactions entre les différents facteurs de stress dont les insectes sont victimes. Par ailleurs, nous manquons de connaissances générales sur les insectes, qui sont les plus nombreux du monde vivant. »
10. « Semer des graines de fleurs sauvages »
« Adopter le modèle des groupes comme On the Verge au Royaume-Uni. Il s’agit de mettre de la biodiversité florale dans les endroits où il en manque : semer des graines de fleurs sauvages et créer un habitat riche pour les pollinisateurs sur tous les terrains inutilisés des zones urbaines ou rurales : les bas-côtés des routes et des rues, des ronds-points, des friches industrielles… »
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