Belgique

"Godvergeten", le documentaire sur les abus sexuels dans l’Eglise qui secoue la Flandre

© Getty Images

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Par Daphné Van Ossel

"Godvergeten", les "Oubliés de Dieu", c’est le nom de la série documentaire (Canvas VRT), qui secoue profondément la Flandre. Elle donne la parole aux victimes d’abus sexuels au sein 1125907de l’Eglise catholique. Les témoignages sont terrifiants.

"C’est notre petit secret, tu ne raconteras rien." "Personne ne parlait, personne." "Zwijgen !" Les victimes racontent le silence, la souffrance, le désarroi, la manière dont leurs bourreaux infiltraient leur famille pour gagner leur confiance, et la manière dont ils profitaient souvent de leur position de faiblesse, après la mort d’un parent par exemple.

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Chaque témoignage (une vingtaine de victimes et de proches sont interviewés) est glaçant, mais ce sont les liens, les points communs, entre tous qui font froid dans le dos, résume le Standaard : "Nous pensions avoir fait le tour de la question des abus sexuels commis sur des enfants dans l’Église au cours des 30 dernières années. […] Nous savions en fait tout, mais nous n’avions jamais vu le lien et donc l’échelle réelle aussi clairement auparavant. La maltraitance des enfants n’était pas la perversion de quelques-uns, c’était un système."

Débaptisation

Le nord du pays est sous le choc. Le Morgen publie des réactions de lecteurs. Parmi eux, des quidams comme cet habitant de Deurne qui déclare : "Le sentiment d’hypocrisie a déjà poussé de nombreux croyants à prendre leur distance". Mais aussi la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V). "La série Godvergeten de la VRT occupe les esprits en Flandre. Et le mien aussi."

Certains décident de se faire débaptiser. "Ontdopen", en flamand. Parmi eux aussi, il y a des quidams, et des plus connus, comme le caricaturiste Lectrr ou la présentatrice de la VRT Siska Schoeters.

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L’Église a réagi, elle aussi. Dans un communiqué, les évêques flamands se disent touchés par l’authenticité des déclarations, la gravité des faits commis et les blessures qu’ils ont causées. Ils rappellent qu’en trente ans, l’Eglise a beaucoup appris. Et donc beaucoup fait, peut-on lire entre les lignes. "Est-on au bout du chemin ? Sûrement pas", ajoutent-ils, avant de préciser qu’ils attendent la diffusion des quatre épisodes avant de s’exprimer sur le fond.

"Que pouvons-nous encore faire de plus ?"

Le tout nouvel archevêque Luc Terlinden a quant à lui déclaré, lors d’une homélie : "Oui, nous avons échoué." "En relativisant parfois, et en ne voyant pas l’ampleur des tragédies personnelles. En n’agissant pas toujours de manière cohérente, en ne prenant pas les mesures appropriées. Et même en couvrant des crimes." À propos de ce que l’Église a entrepris comme actions, il dit : "Nous devons continuer à nous demander : est-ce assez ? Que pouvons-nous encore faire de plus ?"

Au-delà des faits, les victimes qui s’expriment dans le documentaire, et leur entourage, racontent comment elles ont vécu l’après. Et notamment, les initiatives entreprises par l’Église et par la justice, depuis ce jour du 22 avril 2010 où l’évêque Roger Vangheluwe a présenté sa démission. Pendant des années, il a abusé de son neveu Mark (qui témoigne également dans le film). Ce dernier avait enregistré une conversation à ce sujet entre lui, son oncle, et le cardinal Danneels.

La justice ouvre alors une enquête sur les abus sexuels dans l’Église. Des perquisitions ont lieu au palais épiscopal, en la cathédrale Saint-Rombaut à Malines et chez le cardinal Godfried Danneels. C’est l’opération Calice.

La commission Adriaenssens, mise en place par l’Église, et qui avait déjà récolté des centaines de témoignages, doit cesser ses travaux car ses dossiers sont, eux aussi, saisis.

Un goût amer

Le Parlement mettra sur pied une commission spéciale relative aux abus sexuels au sein de l’Église. Cette dernière recommandera la création d’un Centre d’arbitrage pour indemniser les victimes de faits prescrits vu leur ancienneté (elles recevront de 2500 à 25.000 euros, selon la gravité des faits).

Mais c’est un goût amer qui reste aujourd’hui dans la bouche des victimes. "Qu’est-ce qui a suivi ? Le silence, peut-on lire dans le texte de présentation du documentaire. Curieusement, l’opération Calice semble aujourd’hui oubliée. Après une longue bataille de procédure, les dossiers ont fini dans un placard quelque part à Bruxelles. Derrière ces témoignages sur papier se cachent encore des milliers de victimes et leurs tristes histoires. Certaines d’entre elles racontent aujourd’hui leur histoire, après des années de silence."

En effet, aucun procès n’a encore fait suite à l’opération Calice. Roger Vangheluwe est toujours libre, comme la majorité des autres auteurs d’abus sexuels au sein de l’Eglise.

Quant aux indemnisations, les victimes qui témoignent les voient comme un nouvel abus, et surtout un moyen d’acheter leur silence. Ce 19 septembre, la Conférence des évêques de Belgique publiait comme chaque année désormais, son rapport sur les plaintes déposées pour des cas d’abus sexuels au sein de l’Eglise auprès des points de contact qu’elle a mis en place (en 2012). Entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023, 47 plaintes ont été déposées. La majorité des plaintes émanent, pour la première fois, de la partie francophone du pays.

Retrouvez l'intégralité de la série documentaire "Godvergeten" dès maintenant sur Auvio.

Sur le même sujet : L’œil sur la Flandre de Joyce Azar dans Matin Première

L'oeil sur la Flandre

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