À Amiens, des policiers étudient la sociologie dans une formation unique en France

L'université de Picardie Jules Vernes propose un nouveau diplôme de sociologie à destination des policiers. ©Radio France - Lise Verbeke
L'université de Picardie Jules Vernes propose un nouveau diplôme de sociologie à destination des policiers. ©Radio France - Lise Verbeke
L'université de Picardie Jules Vernes propose un nouveau diplôme de sociologie à destination des policiers. ©Radio France - Lise Verbeke
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Ils sont 50 policiers, de tous grades et de toute la France, à retourner sur les bancs de la faculté à Amiens. Ils vont suivre, pendant neuf mois, un diplôme universitaire de sociologie sur le lien "police-population".

L’université de Picardie Jules Verne à Amiens a reçu près de 200 candidatures pour ce nouveau diplôme universitaire de sociologie consacré au lien "police-population". 50 ont été retenus, et ont fait leur rentrée le jeudi 21 septembre. Des policiers exerçants dans toute la France, d’une moyenne d’âge de 40-50 ans, et de tous grades : gardiens de la paix, brigadiers, capitaines, commandants ou encore commissaires. Durant neuf mois, à raison de deux jours par mois, ils vont suivre cette formation unique en France, pour déconstruire leurs pratiques professionnelles, et repenser les interactions avec la population. Le DU a été imaginé il y a deux ans, et s'est concrétisé pour cette rentrée.

Sandra, 52 ans, fait partie des sélectionnés. Cette policière dans un quartier populaire du Havre n’a pas hésité longtemps à postuler. "C’est inédit une telle formation dans la police nationale, se réjouit-elle, de pouvoir réfléchir au rapport entre la population et la police qui est évoqué tous les jours, pouvoir aussi peut-être participer à un changement, aller vers autre chose qu’on n’a pas encore expérimenté, je trouve cela fascinant et super intéressant". Grégory fait partie de la police aux frontières dans l’Oise. Il va également suivre les 120 heures de formation. "Il y a des changements dans la population, pourquoi la police ne changerait pas non plus, lance-t-il, j’attends un regard extérieur sur nous, et puis une remise en question, de moi, mais aussi de l’institution en général".

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"Travailler avec la population et pas contre elle"

Cette formation va donc lui permettre de prendre du recul pour se questionner sur son métier, "car au quotidien, le métier est prenant, nous n’avons pas le temps, ni les outils pour cette remise en question". Si depuis quelques années, des sociologues interviennent de plus en plus dans les écoles de police, il était important de proposer une formation continue, pour permettre ce temps de réflexion, selon Philippe Lutz, le directeur de l’Académie de police. Il rappelle que le lien police-population est le "fondement de la police, on travaille avec la population, pas contre elle. Il faut aider les policiers à réfléchir à ce rapport. C'est aussi petit à petit infuser dans leur service une culture peut être un peu différente, de montrer qu'il peut y avoir des points de vue différents".

Les cours de cette formation inédite seront dispensés par 23 intervenants, sociologues, politistes ou encore anthropologue. Avec une réflexion sur l’organisation interne de la police, sur les pratiques, des comparaisons avec d’autres pays européens, mais aussi le rapport média police, ou encore la sociologie de la déviance. "L’idée est d’étudier les conditions d’apparition de la délinquance, les traitements institutionnels de cette délinquance, mais également d’interroger la déviance, au sens plus large, et notamment au sein de la police", explique Elodie Lemaire, maitresse de conférence en sociologie à l’université d’Amiens, et chercheuse au centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique. C’est elle qui est à l’initiative de cette formation, avec Mathieu Fiolet, chef de la section Recherche, Études et Innovation à l'Académie de Police. Ils ont tous les deux fait le constat que les policiers "avaient un intérêt pour les sciences sociales, et se questionnaient sur le sens de leur travail, les évolutions de la société et une vraie curiosité intellectuelle avec ce besoin de compréhension. Et le but de la sociologie, c’est de comprendre".

Les 50 policiers-étudiants devront réaliser un minimémoire d’une vingtaine de pages à l’issue de cette formation. D’autres universités en France se sont montrées intéressées par cette nouvelle formation.

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