Gandhi ou la quête de la vérité

Gandhi est communément appelé "Mahatma", ce qui signifie "grande âme" en sanskrit.  ©Getty - Hulton Deutsch
Gandhi est communément appelé "Mahatma", ce qui signifie "grande âme" en sanskrit. ©Getty - Hulton Deutsch
Gandhi est communément appelé "Mahatma", ce qui signifie "grande âme" en sanskrit. ©Getty - Hulton Deutsch
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Une puissance spirituelle qui le dépassait lui-même, et pourtant une très grande humilité. Sa pensée : un humanisme ouvert. Son combat : un échec partiel, puisqu'il aboutit à la partition de l'Inde. Une émission consacrée à Gandhi, ce symbole de la non-violence.

En 1973, dans le cadre des "Samedis de France Culture", Nadine Lefébure avait consacré une longue émission à Gandhi, 25 ans après son assassinat à New Delhi. Il y est question de son nationalisme, de sa non-violence, ou plutôt "non-nuisance", de la lutte des Indiens contre le nationalisme britannique et le poids de cet Empire britannique, maître des mers.  

Dès l'enfance, la quête de la vérité

On ne peut comprendre Gandhi et son destin sans connaître les dominantes de son enfance - il insiste d'ailleurs lui-même sur cette période dans son Autobiographie. Il apparaît comme un enfant plutôt chétif, peureux, grandissant dans un milieu familial très religieux, bien que tolérant. Il décrit ainsi ses parents :

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Mon père avait l'amour de son clan. Il était homme de foi, brave et généreux, mais coléreux. Peut-être dans une certaine mesure était-il enclin aux plaisirs de la chair. Mais il était intègre, et il s'était fait une réputation méritée de stricte impartialité, tant au sein de sa famille qu'à l'extérieur. 

De ma mère, ma mémoire garde surtout l'impression d'une sainte. Elle était profondément religieuse, elle n'aurait jamais songé à prendre ses repas sans avoir fait ses prières religieuses. [...] Son choix allait aux vœux les plus difficiles et elle les observait inflexiblement.  

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Ce qui est surtout frappant dans le récit de cette enfance, c'est de constater que dès son plus jeune âge, c'est la recherche de la vérité qui anime Gandhi. Comme l'explique Lanza del Vasto, c'est en effet la quête première de sa vie :

Il ne s'agit pas d'un philosophe ou d'un religieux qui, après avoir profondément sondé les principes et constitué un concept très clair de la vérité, s’est un jour avisé de se lever pour la réaliser. Sa première quête n'a pas été une quête de vérité. Je crois deviner que dès l'enfance sa recherche a été une recherche de force. Il a recherché la force. Il a ressenti dans son enfance la tristesse et l'humiliation d'être faible dans une nation faible, d'être tout emprisonné par tous les tabous de la tradition, des préjugés.

Dans son Autobiographie, Gandhi exprime lui-même cette idée en ces termes :

Il est une chose qui prit fortement racine en moi : la conviction que la morale est le fondement de tout, et que la vérité est la substance de toute morale. La vérité devint mon seul but, elle prit de jour en jour une place grandissante et sa signification n'a plus jamais cessé d'aller s'élargissant pour moi.

L'Angleterre et l'Afrique du Sud : un militant en devenir

Gandhi décide à 19 ans de partir en Angleterre, contre l'avis du chef de sa caste, qui le condamne alors a être traité en paria jusqu'à la fin de ses jours. Il voulait finir ses études de droit, certes, mais surtout aller au centre de cet Empire prestigieux, découvrir quel était le secret de cette puissance. Il s'y rend compte que le dominateur n'est pas si terrible que ça : l'Anglais est un personnage plutôt sympathique, qui a ses timidités et ses craintes.

Gandhi, qui ne s'intéresse pour l'instant pas du tout à la religion, s'imprègne alors du sens anglais de la loi, du rationalisme, et du thème de l'innocent injustement condamné - des figures comme celles de Socrate ou de Jésus étant centrales au sein de la culture occidentale européenne.

Après l'Angleterre, Gandhi se rend en Afrique du Sud. C'est là qu'il devient véritablement un militant, lui qui s'engage pour sensibiliser les gens sur la situation des Indiens au Natal. Il s'embarque dans une véritable aventure politique, qui sera son école de préparation à la lutte mondiale qu'il mènera ensuite dans son propre pays. Marqué par le profond respect qu'il a des Anglais et de leur Empire, le nationalisme que développe Gandhi à cette époque n'est pas encore revendicatif de l'indépendance : il réclame seulement le respect de la dignité, des droits et des coutumes d'une population par un maître reconnu comme tel.

C'est aussi à cette époque que Gandhi réalise qu'il doit renoncer aux joies de la famille et de la procréation s'il veut se dévouer entièrement au service de la communauté :

Je m'apercevais que je n'étais pas à la hauteur de ma tâche si je m’abandonnais aux joies de la famille, à la procréation et à l'éducation des enfants. Bref, il m'était impossible de vivre à la fois selon la chair et selon l'esprit. [...] Le service de la famille excluait le service de la communauté. 

C'est donc en Afrique du Sud que Gandhi devient le grand militant que l'on connaît tous. La révolte des Zoulous a joué un rôle central dans sa vie et son engagement : c'est ce qui l'amène à une réflexion sur la résistance civile, force dé vérité. Là est né le sens de l'organisation chez ce juriste devenu militant.

Lutte pour l'indépendance de l'Inde

Gandhi poursuit sa propagande de militant en faveur des Indiens. Il se rend à Londres, et rencontre des anarchistes indiens notoires, dont la violence et le courage l'émerveillent et l'épouvantent tout à la fois. C'est à cette époque qu'il en vient à l'indépendance, notamment économique. 

Le grand tournant se situe en juillet 1914. Embarqué pour les Indes via Londres, Gandhi est accueilli dans son pays comme un héros national. Il appelle alors à la grève générale : on compte 125 000 grévistes à Bombay en 1919, et 200 grèves dans toute l'Inde en 1920. Les choses s'accélèrent : en octobre 1920 est adopté le principe de l'indépendance, ou self-gouvernement dans le cadre de l'Empire, ainsi que le principe de non-coopération. En janvier 1930, le rapport proclamant l'indépendance de l'Inde est présenté par Jawaharlal Nehru, président de la commission des résolutions. En mars de cette même année a lieu la fameuse marche contre la taxe de sel, qui a entraîné une prise de conscience prodigieuse et massive de la part des Indiens, puisque c'est un sujet qui les touche tous.

La désobéissance civile prend fin en mars 1931, avec la signature du Gandhi-Irwin Pact à la suite de négociations avec le Parti travailliste anglais au pouvoir depuis 2 ans, et qui sympathisait avec la cause indienne. Pourtant, la partition de l'Inde après la Seconde guerre mondiale laisse à l'œuvre de Gandhi, qui sera assassiné le 30 janvier 1948, un goût d'inachevé. 

Mais Gandhi n'est pas mort désespéré, et n'a pas désespéré de sa mission. Il demeure un symbole, une réponse exceptionnelle à une structure nouvelle dans l'histoire de la violence. 

Les Samedis de France Culture, 30 juin 1973

Par Nadine Lefébure. Réalisation Georges Peyrou. 

Témoignages de :

  • Lanza del Vasto
  • André Philippe
  • Olivier Clément
  • Roger Maria
  • Max-Olivier Lacan

Extraits lus :

  • Autobiographie ou mes expériences de vérité, Gandhi

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