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Entretien

Force internationale en Haïti: «Une année ne sera pas suffisante pour pacifier et organiser des élections»

Après un an d'hésitations, le conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert à la création d’une force de police internationale pour soutenir les policiers haïtiens. Objectif affiché : combattre les gangs, qui sèment la terreur et paralysent toute l’île. Jean-Marie Théodat, géographe, spécialiste d'Haïti, maître de conférence à l'université Paris 1 Panthéon/Sorbonne, répond aux questions de RFI.

En Haïti, près de 2 800 meurtres ont été dénombrés entre octobre 2022 et juin 2023, dont près de 80 mineurs, selon un récent rapport de l'ONU. (Photo prise à Port-au-Prince, le 19 septembre 2023)
En Haïti, près de 2 800 meurtres ont été dénombrés entre octobre 2022 et juin 2023, dont près de 80 mineurs, selon un récent rapport de l'ONU. (Photo prise à Port-au-Prince, le 19 septembre 2023) AP - Odelyn Joseph
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RFI : Comment expliquer que l'ONU ait mis autant de temps à prendre sa décision et à quoi va très concrètement servir cette force ?

Jean-Marie Théodat : On a eu tellement peur que personne ne veuille finalement prendre en charge cette mission que c'est une bonne nouvelle que ce soit le Kenya, parce qu'en fait ni les États-Unis, ni la France, ni le Canada, qui auraient pu, et qui auraient dû prendre le leadership de cette mission, n'en avaient eu l'envie. Et ce que nous espérons aujourd'hui, c'est que ce soit une véritable mission pour désarmer les gangsters qui sèment la terreur dans le pays depuis plusieurs années.

Contrairement à la Minustah dont la mission a pris fin en 2017, cette mission de sécurité ne sera pas une opération des Nations unies. Faut-il y voir une défiance des Haïtiens vis-à-vis de l'ONU ?

On peut plutôt parler de désaffection parce que dans les premiers temps, en 2004, lorsque la Minustah est arrivée, c'était plutôt un sentiment de soulagement, à éviter un bain de sang, et pendant treize ans, on a cohabité avec les Casques bleus de l'ONU sans qu'il y ait de véritable problème. Jusqu'à ce qu'il y ait cette épidémie de choléra effectivement. Cependant, je pense qu'aujourd'hui la situation a quand même changé dans la mesure où le bain de sang est réel, il est quotidien. Il y a eu plus de 2 800 morts depuis le début de l'année, c'est-à-dire une comptabilité qui nous rapproche de l'Ukraine qui est un pays en guerre. Et je ne veux pas contredire ce que vient de dire l'avocat, mais je pense qu'une bonne partie de la population attend cette arrivée avec le sentiment de délivrance attendue.

Certains Haïtiens dénoncent la collusion entre certains gangs et certains responsables politiques. Et ça, la force internationale aura du mal à lutter contre ?

En tout cas, c'est ici que nous attendons des gages, à savoir que s'il s'agit seulement de temporiser pendant quelques années, d'autant que c'est une mission qui est là pour une année, et vu la profondeur et l'ampleur de la crise en Haïti, je doute qu'une année soit suffisante pour non seulement pacifier, mais également organiser des élections libres et honnêtes. Donc, je pense que c'est un mauvais signal de limiter ce mandat à seulement une année, il aurait fallu laisser une période beaucoup plus ouverte, et puis surtout, j'espère que dans leur cahier des charges, il est question d'assainir la scène politique en Haïti avant de procéder à de nouvelles élections.

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