Santé : « Aujourd’hui, un aidant sur trois décède avant l’aidé »

ENTRETIEN. Dans un livre témoignage, Vincent Valinducq, médecin et chroniqueur médias, revient sur son rôle auprès de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer à 50 ans.

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Vincent Valinducq a mené un combat de quatorze années auprès de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Vincent Valinducq a mené un combat de quatorze années auprès de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. © Astrid di Crollalanza

Temps de lecture : 4 min

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Comme près de 11 millions de Français, le Dr Vincent Valinducq est devenu un aidant. Celui de sa mère diagnostiquée, à 50 ans, d'une forme apparentée à la maladie d'Alzheimer. Puis celui de son père, usé par cette situation. De manière insidieuse, ce médecin généraliste et chroniqueur santé sur France 2 est entré dans un engrenage qu'il ne soupçonnait pas. Cette maladie, qui a emporté sa mère en 2022, a bousculé la famille pendant quatorze ans. En 2030, un actif sur quatre pourrait être concerné par cette problématique.

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À l'occasion de la journée des aidants, vendredi 6 octobre, AFM-Téléthon et APF France handicap lancent l'alerte. Depuis plusieurs mois, le secteur de l'aide à domicile est en crise et peine à embaucher du personnel compétent. « Les situations de mise en danger de la vie des personnes aidées se multiplient, l'épuisement des aidants familiaux s'accroît et les témoignages de détresse adressés par les familles affluent à l'AFM-Téléthon et à APF France handicap », relaye le communiqué.

Aujourd'hui, 60 % des aidants sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le début de la maladie de leur proche. Ils sont aussi 46 % à souffrir d'une maladie chronique d'après les chiffres du baromètre Ocirp 2016. Dans Je suis devenu le parent de mes parents (Stock), Vincent Valinducq livre un témoignage personnel sur ce rôle endossé malgré lui.

Le Point : Comment devient-on l'aidant de ses parents ?

Dr Vincent Valinducq : C'est un véritable parcours du combattant. Il n'existe pas de manuel du bon aidant, le parcours a été compliqué. Tout cela s'installe de manière insidieuse, cette situation n'arrive pas du jour au lendemain. Nous ne voulions pas mettre ma mère dans un établissement, alors nous nous en sommes occupés, avec mon frère et mon père.

À LIRE AUSSI Dépistage et traitement : cinq découvertes récentes sur la maladie d'AlzheimerEn tant que médecin, êtes-vous maintenant plus vigilant concernant la santé des aidants que vous recevez dans votre cabinet médical ?

Si je n'avais pas été confronté à cette situation, j'aurais peut-être reçu l'aidant de manière moins attentive. Maintenant, je suis plus au fait des difficultés qu'il peut rencontrer. Je prends toujours le temps de lui demander comment il va. Son rôle est déterminant, il est au courant de tout, c'est lui qui peut le mieux parler de l'état de santé de la personne aidée. Je travaille également à la régulation au 15, quand je reçois l'appel d'un aidant, je prends toujours le temps de l'écouter et de le conseiller au mieux sur les aides existantes, les structures, etc.

À l'inverse, est-on un aidant différent quand on est médecin ?

Forcément, être un professionnel de santé est un plus. Je comprenais mieux le jargon pour remplir les très nombreux dossiers administratifs, c'était également plus simple pour réaliser une ordonnance, plus rapide pour obtenir certains documents. J'étais dans un milieu connu, ma profession nous a fait gagner en efficacité. Mais, au quotidien, chacun fait ce qu'il peut avec les moyens qu'il a.

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Quand avez-vous su qu'il fallait accepter une aide extérieure ?

Quand on devient aidant, on s'adapte. On découvre qu'on a plein de ressources et on apprend au jour le jour. Pendant toutes ces années, j'ai été en hypervigilance. J'étais connecté en permanence, les yeux rivés sur mon téléphone. Je redoutais d'aller au cinéma, nous ne partions jamais en vacances. C'est une charge mentale 24 heures sur 24. J'ai mis ma vie en pause pendant toutes ces années. Mais cette situation n'est pas normale, il faut accepter de se faire aider.

Il faut faire entrer quelqu'un dans son foyer. Celle que j'appelle Mary Poppins est entrée dans la nôtre, elle est devenue l'auxiliaire de nos vies. Elle a apporté une bouffée d'oxygène. C'est important qu'une autre personne vienne en soutien. Sa présence a permis à ma mère de conserver une certaine dignité et nous a donné la possibilité de nous concentrer sur les moments de plaisir en nous déchargeant de nombreuses tâches plus difficiles comme la toilette, les changes, etc. Au fil du temps, nous avons presque reconstitué un mini-hôpital à la maison avec des infirmières, des kinés… Mais au moins, ma mère était chez elle, dans son environnement.

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Quels conseils donnez-vous aux aidants ?

En premier lieu, prenez rendez-vous avec votre médecin généraliste pour évoquer cette situation. C'est important de prévoir un temps de consultation uniquement dédié à cette question. Il faut se renseigner sur les structures de répit, les aides financières, etc. Il existe également des aides humaines. En plus des associations comme France Alzheimer ou l'Association française des aidants, il est aussi possible de se tourner vers la maison départementale pour les personnes handicapées ou le centre local d'information et de coordination gérontologique.

Les aidants ont souvent tendance à négliger leur santé. Pourtant, il faut aussi penser à soi et prendre soin de soi. Aujourd'hui, un aidant sur trois décède avant l'aidé. N'hésitez pas à consulter un psychologue qui pourra vous maintenir la tête hors de l'eau. Les aidants doivent garder un lien social avec leurs amis, des activités, une vie en dehors de la maison. Moi, j'ai mis du temps à parler de cette situation avec mes amis. Il faut trouver le bon équilibre, ce n'est pas une vie normale de s'isoler. Dans notre société vieillissante, le bien vieillir est une préoccupation fondamentale. Le statut d'aidant doit être reconnu, il faut se réveiller maintenant et aider les aidants.

« Je suis devenu le parent de mes parents », de Vincent Valinducq, éditions Stock, 240 pages, 19,50 euros.

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Commentaire (1)

  • Carafe

    Statistiquement, tout les adultes qui sont au contact d'enfants décèderons avant les enfants.
    De même que 100% des gens qui ont bus de l'eau sont morts.