Des chercheurs trouvent des indices sur l’impact de l’obésité sur le cancer du sein

De nombreuses études, dont certaines décrivent l’existence d’une relation démontrée entre obésité, et dans certains cas le surpoids, et augmentation de risque de cancers. C’est notamment le cas du cancer du sein même si la cause exacte reste encore mal comprise à ce jour. Une étude récente évoque un lien direct entre les cellules adipeuses qui composent le sein et d’autre part les cellules cancéreuses à proximité. Une découverte qui pourrait expliquer, du moins en partie, pourquoi un excès de graisses constitue un facteur d’apparition et de sévérité de la maladie en favorisant le développement de la tumeur et la dissémination des cellules cancéreuses.
ALEXANDRA BRESSON
Des chercheurs trouvent des indices sur l’impact de l’obésité sur le cancer du sein iStock/kali9

L’obésité est associée à une augmentation du risque de cancers du sein (essentiellement chez les femmes ménopausées) et aggrave le pronostic de cette pathologie. Mais les liaisons entre ces deux problèmes majeurs de santé publique restent encore mal comprises : elles font l’objet de toute l’attention de la recherche. A ce jour, l’hypothèse principale évoque des dérèglements dans le fonctionnement d’hormones et de facteurs de croissance (œstrogène, insuline…), ainsi qu’à une forme chronique d’inflammation. Pour en savoir plus à ce sujet, des chercheurs de l’université de Yale et de l'université Cornell ont souhaité combiner des expériences en laboratoire et des simulations informatiques pour leur étude ayant reçu une subvention de 2 millions de dollars de la part des National Institutes of Health. Ces derniers sont partis du constat que la plupart des cancers du sein prennent naissance dans la muqueuse épithéliale du canal galactophore (conduit par lequel le lait est amené jusqu'au mamelon). Lorsqu’il sort des canaux galactophores, il pénètre dans le tissu adipeux, un tissu conjonctif graisseux constitué de cellules appelées adipocytes.

En outre, le nombre de cellules cancéreuses qui progressent dans le tissu adipeux et si elles atteignent le système vasculaire du tissu adipeux sont des facteurs critiques qui déterminent le degré de mortalité du cancer. « Si les cellules cancéreuses pénètrent dans un vaisseau sanguin, il existe alors un risque de métastase, ce qui entraîne un mauvais pronostic pour le patient. », explique Corey O'Hern, professeur de génie mécanique et de science des matériaux, de physique et de physique appliquée. L’obésité s’est révélée être un facteur important facilitant le processus d’invasion du cancer. Pour comprendre pourquoi, la plupart des recherches actuelles se concentrent sur les aspects biochimiques du cancer. Mais l’équipe scientifique a souhaité se concentrer plutôt sur la façon dont les propriétés physiques altérées du tissu adipeux peuvent affecter l'invasion des cellules cancéreuses. « Le tissu adipeux qui entoure les canaux mammaires peut rétrécir et croître en fonction d'un certain nombre de facteurs, mais le fonctionnement de ces cellules adipeuses dans le tissu mammaire n'est pas bien compris. », ajoute-t-il.

« Ces travaux pourraient ouvrir la voie à de nouveaux traitements plus efficaces »

Les adipocytes sont plus gros que les cellules cancéreuses et il s’avère que ces cellules permettant le stockage des graisses dans le corps gonflent jusqu'à atteindre des tailles encore plus grandes en cas d’obésité. « Donc, si les adipocytes gonflent et se tassent étroitement pendant l'obésité, il semblerait que les cellules cancéreuses ne seraient pas capables de se déplacer à travers le tissu adipeux densément compacté. », indique Corey O'Hern. Mais les résultats préliminaires des chercheurs montrent que lorsque les cellules cancéreuses interagissent avec les adipocytes chez des souris présentant une forte obésité, cela provoque une lipolyse (phénomène naturel de « déstockage » des graisses corporelles dans les tissus adipeux) dans laquelle les adipocytes rétrécissent. Or, ce rétrécissement permet la création de voies permettant aux cellules cancéreuses de pénétrer dans le tissu adipeux. « La lipolyse peut nourrir les cellules tumorales afin qu'elles puissent se développer plus rapidement, mais elle rétrécit également les tissus environnants, ce qui leur donnera un nouvel environnement pour se propager. », notent les chercheurs.

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À terme, ces derniers souhaitent approfondir leurs recherches, notamment pour définir les propriétés physiques du tissu adipeux chez les personnes obèses qui contribuent à une invasion tumorale accrue lors du cancer du sein. Ce faisant, « ces travaux pourraient ouvrir la voie à de nouveaux traitements plus efficaces contre le cancer du sein. », concluent-ils. A noter qu’en France la Fondation pour la Recherche Médicale émet le même constat, à savoir que « les adipocytes sont un constituant majeur du tissu qui forme le sein et que les chercheurs ont montré que ces cellules graisseuses sont capables d’interagir avec les cellules cancéreuses du sein se trouvant à proximité, ce qui favorise leur agressivité et leur capacité à envahir d’autres tissus. Cet effet pourrait être amplifié chez les patientes obèses : cela expliquerait pourquoi l’excès de tissus graisseux pourrait constituer un facteur aggravant la sévérité de ce type de cancer. » Pour l’organisme, le fait d’améliorer leurs connaissances sur le rôle du tissu graisseux dans le cancer du sein chez les patientes obèses permettrait aussi de proposer à termes de nouveaux traitements chez ces patientes à haut risque.

L’Institut National du Cancer (INCa) affirme pour sa part que près de 19 000 nouveaux cas de cancers en France seraient attribuables à une surcharge pondérale (notion englobant le surpoids et l'obésité) en 2015, soit 5,4 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers. « Chez les personnes en surpoids et/ou obèses, on observe une augmentation des taux de plusieurs hormones. Ces facteurs sont notamment impliqués dans la prolifération de cellules cancéreuses. », affirme-t-il, non sans préciser que surpoids et l’obésité sont associés à un risque accru de développer un cancer pour 14 localisations différentes. La première n’est autre que le cancer du sein, cancer le plus fréquemment observé chez les femmes en France, comme dans l'Union européenne et aux États-Unis. Mais l’inverse est également vrai : un poids correct, c’est-à-dire un indice de masse corporelle compris entre 18,5 et 25 kg/m2 combiné à un régime alimentaire sain et équilibré ainsi qu’à la pratique régulière d’une activité physique peut faire baisser le risque de cancer. L’INCa estime ainsi que « 40% des cancers pourraient être évités si nous changeons nos comportements quotidiens. »

le 06/10/2023