Zitkála-Šá (1876-1938), l'envolée de l'oiseau rouge

Zitkála-Šá (1876 - 1938) à 22 ans - Wikimedia Commons – Photographe, Joseph Turner Keiley (1869 - 1914) - National Portrait Gallery, Smithsonian Institution
Zitkála-Šá (1876 - 1938) à 22 ans - Wikimedia Commons – Photographe, Joseph Turner Keiley (1869 - 1914) - National Portrait Gallery, Smithsonian Institution
Zitkála-Šá (1876 - 1938) à 22 ans - Wikimedia Commons – Photographe, Joseph Turner Keiley (1869 - 1914) - National Portrait Gallery, Smithsonian Institution
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De sa terre natale, aux bancs austères du pensionnat, en passant par les rues de Washington DC jusqu’aux sièges du Congrès américain, Zitkála-Šá, tour à tour écrivaine, musicienne et activiste, n’a cessé de revendiquer haut et fort les droits des peuples autochtones.

De la réserve au pensionnat...

Zitkála-Šá fait partie de la communauté Sioux "Yankton Dakota". Elle vit ses premières années au sein de la réserve allouée à son peuple située dans l'État du Dakota du sud. 
"J'étais une petite fille sauvage de sept ans. Vêtue d'un vêtement en peau de daim marron, le pied léger, avec une paire de mocassins souples. J'étais aussi libre que le vent qui soufflait sur mes cheveux, et pas moins vive qu'un cerf bondissant. C'était la fierté de ma mère, ma liberté sauvage et mon esprit débordant. Elle ne m’apprit aucune peur, sauf celle de m'imposer aux autres." American Indian Story, Zitkála-Šá (1921)

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La jeune Sioux n’a pas 8 ans quand des missionnaires l'emmènent dans un pensionnat Quaker dans l'État de l’Indiana. Sous couvert d'apprendre l'anglais aux enfants autochtones, ses écoles participaient à l'assimilation forcée de ces populations.
Acculturée, renommée, elle raconte dans ses mémoires, l'humiliation et la violence qu’elle subit au quotidien (tresses coupées et prières chrétiennes obligatoires, interdiction de parler sa langue maternelle...). Dans cet endroit, Zitkála-Šá apprend la lecture, l'écriture et le violon : des compétences qui deviendront bientôt des armes de lutte pour les droits des siens. Elle a de la force Zitkála-Šá, et l’envie de vivre, car beaucoup d’autres enfants meurent du fait d’être loin des leurs.

Zitkála-Šá (1876-1938) photographiée par Gertrude Käsebier (vers 1900)
Zitkála-Šá (1876-1938) photographiée par Gertrude Käsebier (vers 1900)
- Wikimedia Commons - Domaine public

"Je me souviens d'avoir été traînée dehors, bien que je résistais en donnant des coups de pied et en griffant sauvagement.
Contre mon gré, je fus portée au rez-de-chaussée et attachée à une chaise. Je pleurais fortement, secouant la tête jusqu'à ce que je sente les lames froides des ciseaux contre mon cou, et que je les entende ronger une de mes tresses épaisses. Alors, je perdis mon esprit. Dans mon angoisse, je gémissais et demandais ma mère, mais personne n'est venu me réconforter. À partir de ce moment-là je n'étais plus qu'un petit animal parmi tant d'autres, mené par un éleveur." American Indian Story, Zitkála-Šá (1921)

Dans "Carnets de voyage", "Les mondes amérindiens : à l'écoute des peuples premiers de l'Amérique du Nord, des cultures brisées" (France Culture, 17.08.2004)

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À 19 ans, diplômée de la White’s Indiana Manual Labor Institute, Zitkála-Šá commence à écrire ses premiers ouvrages dont le fameux Old indians legends, afin de transmettre les histoires traditionnelles de son peuple.

Du pensionnat au Congrès américain…

Zitkála-Šá, est embauchée à l’institut Carlisle en Pennsylvanie pour enseigner la musique. Mais elle ne se satisfait pas de son sort, elle a faim de justice et dans une série d’articles publiés dans le journal Atlantic Monthly, elle s’insurge ouvertement contre le système des pensionnats dans toute l’Amérique.
Peu après, elle part pour Washington DC comme secrétaire de la Société des Indiens américains dans l’intention de porter les intérêts des personnes autochtones auprès des membres du Congrès. Elle fait un véritable travail de lobbyiste et commence à se faire entendre dans ces milieux exclusivement composés d’hommes blancs.

Zitkála-Šá (1876-1938) photographiée par Gertrude Käsebier (vers 1898)
Zitkála-Šá (1876-1938) photographiée par Gertrude Käsebier (vers 1898)
- Wikimedia Commons - Domaine public

"Je me souviens de ma mère. Je suis née dans un tipi. J'ai aimé cette vie. C'était beau, plus beau que je ne peux vous le dire. Mais ma mère m'a dit : Tu dois apprendre la langue de l'homme blanc pour que, quand tu seras grande, tu puisses parler pour nous.
J'ai dit : Je le ferai. Cela n'a pas toujours été facile, mais j'ai dit : Je vais faire de mon mieux.
Maintenant, chacun d'entre nous peut faire cela. Bien sûr, il y a des choses qui découragent. Nous semblons ne pas avoir d'argent, pas d'amis, et nous n'avons pas de voix au Congrès. Comment allons-nous faire ? Nous sommes ici comme les autres êtres humains et il n'y a aucune raison pour que nous ayons peur de relever la tête. Tenons-nous droit. Étudions les conditions ; donnons des raisons. Et si nous échouons au premier essai, allons-nous abandonner ? Non, nous essaierons à nouveau. Vous croyez au droit, alors défendez-le."
 Discours de Zitkála-Šá à la Convention de la société des Indiens américains, 2 octobre 1919.

En 1926, alors que les femmes blanches viennent d’obtenir le droit de vote, Zitkála-Šá crée le National Council of American Indians, qui unit les nations autochtones afin d’obtenir l’accès au suffrage dans tous les États américains. Elle se bat aussi pour obtenir la restitution des terres spoliées et obtient gain de cause.
Si Zitkála-Šá est aujourd'hui méconnue, elle est pourtant une voix majeure de la lutte pour les droits des peuples autochtones.

"L'histoire du militantisme ou de la résistance amérindienne elle s'arrête au moment de la résistance armée (autour de 1880) et ensuite on le voit réapparaître à la fin des années 1960, début des années 1970 avec l'American Indian movement comme si entre les deux il n'y avait rien, alors qu'en fait il y a ces générations qui vont être dans la résistance beaucoup moins spectaculaire, dans la transition, l'adaptation, qui s'emparent des outils du dominant, du droit, de l'écrit. Ce militantisme est nécessaire et Zitkála-Šá est représentative de cette génération." Céline Planchou

"Le choix de la rédaction" : dans le Dakota du Nord, des tribus amérindiennes et activistes unis contre un oléoduc (28.02.2017)

1 min

Pour en parler

Merci au Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques

Traduction, Hélène Cesbron-Lavau et Faustine Besançon
Lecture des textes (extraits), Angélica Tisseyre

Bibliographie sélective

Musiques (extraits) : Charles Mingus, Self portrait in 3 colors - Jimi Hendrix, Voodoo chile et manic depression - Vincent Ségal, Edla et jankel - Jean-Sébastien Bach, Partita pour violon n°1 en si mineur et sonate pour violon en la mineur - Xavier Bellanger, America precolumbia - David Sylvian et Robert Fripp, Every color you are et Bringing down the light - Ry Cooder, Nothing out there et River rescue. Ambiances diverses : Bernard Charon

Un documentaire de Lila Boses, réalisé par Clotilde Pivin. Prises de son, Florent Layani. Mixage, Éric Boisset. Archives Ina, Clary Monaque. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre.

Zitkála-Šá (1876-1938) en 1921
Zitkála-Šá (1876-1938) en 1921
© Getty - Collection Bettmann

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