A Madagascar, des manifestations contre la candidature du president sortant empêchées

Les forces de l'ordre devant le tunnel d'Ambohidahy à Analakely à Antananarivo bloquent l'accès vers la place du 13 mai. Photo: Actu-orange. Utilisée avec permission.

Une crise préélectorale semble se profiler à l'horizon à Madagascar alors que des manifestations de l'opposition sont interdites à la veille d'un scrutin présidentiel. 

Plusieurs candidats en lice pour l’élection présidentielle prévue début novembre manifestent depuis plusieurs semaines leur mécontentement. Ils réclament l'invalidation de la candidature du président Andry Rajoelina qui se représente.

Des échauffourées ont marqué le début de la semaine du 2 octobre 2023 dans le centre-ville d’Antananarivo, capitale de Madagascar. Les forces de l'ordre empêchent en effet des manifestations contre la candidature du président sortant.

En savoir plus sur la cause de ces manifestations, lire : À Madagascar, la double nationalité d'Andry Rajoelina suscite une controverse à la veille de l’élection présidentielle

Sur les 13 candidats, 11 ont crée un collectif qui rejette la candidature de Rajoelina. Ces candidats exigent de tenir des rassemblements qui sont régulièrement empêchés pour des raisons d'atteinte à l’ordre public, évoquées par le gouvernement de transition.

Le vendredi 29 septembre, le palais des sports de Mahamasina (de 7092 places), un lieu habituel des rassemblement, situé dans la capitale a été refusé au collectif des onze candidats. Dans la foulée, le collectif a lancé un ultimatum pour signer un accord politique. Les onze ont fait savoir leurs revendications, et les conditions pour assurer une élection transparente et acceptée par tous. Au micro de Radio France Internationale, Andry Raobelina candidat et porte-parole du collectif déclare:

Nous n’acceptons pas la candidature à l’élection présidentielle malgache d’une personne qui n’a pas la citoyenneté malgache ! Nous demandons la dissolution de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans sa composition actuelle. Nous réclamons une Cour électorale spéciale, car nous n’acceptons pas le gouvernement actuel pour diriger le pays en cette période électorale(…).

Insatisfaits de leurs revendications, ils décident finalement d'investir la place du 13 mai, une place symbolique dans l’histoire des manifestations politiques à Madagascar à partir du 2 octobre 2023. Mais le jour-j, les forces de l’ordre ont été déployées pour les empêcher avec des tirs de gazs lacrymogènes.

Comme le montre ce reportage vidéo de Tv5monde:

La place du 13 mai encore appelé la place de la démocratie a une grande importance dans l'histoire du pays. Elle avait servit de point stratégique pour Rajoelina pour multiplier les meetings lors de sa révolution en 2009.

A propos de ce lieu, Denis Alexandre Lahiniriko, enseignant en histoire politique à l’université d’Antananarivo explique à Jeune Afrique:

S’ils arrivent à occuper cette place située au cœur de Tana, même de moitié, tout pourrait basculer.

Le régime et l'opposition se défient

Les internautes du coté de l'opposition dénoncent le comportement des forces de l'ordre qui menacent les manifestants et empêchent de façon brutale tout rassemblement des opposants. Alors qu'au même moment, les partisans de Rajoelina se rassemblent librement. Comme l'indique ce reportage de France 24.

Les commentaires sous le poste sont allés dans tous les sens. Certains apportent leurs soutiens aux manifestations, d'autres vont jusqu'à remettre en cause la neutralité de Gaelle Borgia, la journaliste correspondante de France 24 à Madagascar.

Le soir du 1er octobre, dans un discours, cité par le média Africanews, Rajoelina a contre-attaqué. Il affirme :

Il n'y a pas de crise à Madagascar, il s’agit seulement d’une crise créée de toutes pièces par quelques candidats qui ne sont pas prêts. Si les candidats ont de l’amour pour la patrie, ils n'agissent pas ainsi à l'approche de l'élection. Ce n'est pas 10 ou 11 personnes qui vont empêcher la population d'exercer son droit de vote, a-t-il ajouté.

Marche des 11 candidats avec leurs partisans

Lors des manifestations du 02 octobre, les candidats du collectif ont été aperçu au premier rang des manifestations, avec leur partisans derrière se dirigent vers la place du 13 mai.

Les 11 candidats à l'élection présidentielle en première ligne de la marche. Photo: actuorange. Utilisé avec permission

Découvrir les candidats à l'élection présidentielle, lire: Une multitude de candidats face à Andry Rajoelina à la conquête du fauteuil présidentiel malgache

Cette implication des candidats a été apprécié par les partisans. D'après eux, ce n'était pas le cas lors des manifestations politiques en 2009, menant au renversement de Marc Ravalomanana avec un bilan de plus de 30 morts, et Rajoelina n’était pas avec la foule.

Dally Andriantefy, une célèbre joueuse de tennis professionnelle a salué la bravoure des onze candidats. Sur son compte Facebook, elle écrit:

J'admire vraiment le courage de ces candidats et députés. C'est très émouvant de les voir se serrer les coudes et continuer à avancer aujourd’hui 🙏 Un père Malgache plus âgé, blessé, tiré par des gaz et des balles en caoutchouc. Vraiment, je suis très émue. J'espère que les forces de l'ordre prennent conscience qu'ils sont des êtres humains et malgaches comme eux, ils marchent pacifiquement sans vouloir être harcelés. Ils réclament les droits du peuple malgache pour le peuple malgache, mais ne font pas n'importe quoi.

Des tirs de gaz lacrymogènes, 9 blessés et 3 arrestations

Malgré le fait que la manifestation s’est déroulée dans le calme, les forces de l’ordre ont lancé des grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Plusieurs manifestants ont été légèrement touchés. Trois candidats ont été blessés: Andry Raobelina du parti Anjomara et Rivo-Baovao (ARB),  Rivo Rakotovao du parti Hery Vaovao ho an’i Madagasikara (HVM) tiré par de balles en caoutchouc sur sa jambe et Tahina Razafinjoelina, blessé légèrement à la main.

Cette vidéo montre la dispersion de la population par des gaz lacrymogènes lancés par les forces de l'ordre:

Parmi les arrestations, les gendarmes ont brutalement arrêté Rina Randriamasinoro, partisan de Marc Ravalomanana, et secrétaire du parti Tiako i Madagasikara (TIM). Celui-ci a été placé en garde vue et devait être libéré après 48 heures de détention mais sa garde vue a été prolongé de 24 heures dont la raison reste un mystère.

Le garde du corps de Ravalomanana est également arrêté. Aucune information sur le motif de leur arrestation n’est encore connue. Une autre personne qui aurait jeté des pierres sur les forces de l’ordre a été aussi arrêté. 

Ici, une vidéo de la chaîne IBC où Rina Andriamasinoro a été arrêté de façon arbitraire alors qu'il s'est assis tranquillement sur un banc public.

Les forces de l'ordre apportent des clarifications. Selon le Lieutenant-colonel Tojo Raoilijon, commandant de groupement de la Gendarmerie nationale à Analamanga, situé dans la province d'Antananarivo, des manifestants armés se mêlent aux manifestants. Celui-ci se réfère au garde du corps de l'ancien président, Marc Ravalomanana, qui fait partie des personnes arrêtées. Il a aussi révélé que six ont été blessés parmi les forces de l’ordre dont trois heurtés par le convoi des candidats et d’autres par des jets de pierre. 

Le chou-fleur fait le buzz sur la toile dans le pays

La manifestation a été aussi marqué par un humour. Un homme avec un sac au dos a heurté accidentellement un gendarme, ce qui a entraîné son arrestation.

Le chou-fleur magique !
La police a arrêté cet après-midi un homme après avoir acheté du chou-fleur chez un vendeur de rue à Ambohijatovo Antanarivo. Ceux qui ont vu l'incident ont été étonnés…
Les vendeurs après l'achat du chou-fleur ont témoigné qu'il n'avait rien dans son sac que le chou-fleur, que même eux se demandaient pourquoi il avait été arrêté.
Pendant qu'il marchait, il portait le sac ou il a mis le chou-fleur, la police l'a arrêté.
L'homme a ensuite été traîné et immédiatement soulevé hors du camion. Cela n'a pris que quelques minutes et il a été libéré.

Les onze candidats affirment qu’ils continueront leur lutte jusqu’à ce que leurs revendications soient entendues. Le candidat Jean Jacques Ratsietison, dans une interview avec Radio France Internationale affirme:

« On n’a pas réussi aujourd'hui, mais on reviendra demain, après-demain, jusqu’à ce que l’on trouve un accord entre toutes les parties ».

A l'allure où vont les choses, la crise risque de perturber les élections.

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