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Reportage Afrique

Nettoyage ethnique à l'ouest du Darfour: les viols comme arme de guerre [3/3]

Publié le :

Au Darfour occidental, dont la capitale El-Geneina borde le Tchad voisin, la guerre a pris une tournure ethnique. Alors que l’armée régulière est restée cantonnée dans son quartier général, la zone est sous le contrôle quasi intégral des paramilitaires et des milices arabes qui leur sont affiliées. La plupart des 420 000 réfugiés qui ont fui au Tchad sont Massalit. Ils dénoncent une opération de nettoyage ethnique. Parmi eux, de nombreuses femmes ont été victimes de viol.

Des Soudanaises reçoivent des soins dans un hôpital de campagne d'Adré, au Tchad, à la frontière avec le Soudan.
Des Soudanaises reçoivent des soins dans un hôpital de campagne d'Adré, au Tchad, à la frontière avec le Soudan. © Mohaned Belal / AFP
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De notre correspondant dans la région,

Dans la cour d’une école désaffectée, nous retrouvons Rabab. Elle ne donnera pas son vrai prénom. La jeune femme de 23 ans est artiste. Elle peignait des fresques révolutionnaires sur les murs de sa ville. Alors que les combats faisaient rage à El-Geneina, elle s’est réfugiée sous un lit dans l’internat de l’université. 

« Des soldats sont entrés dans l’internat. Ils avaient une liste. Ils cherchaient des gens en particulier. Mon nom était sur la liste », raconte-t-elle. « Ils portaient l’uniforme des Forces de soutien rapide, des armes et des turbans. Ils m’ont embarquée dans leur voiture. Sur le chemin, ils nous frappaient. Ils disaient « ta famille, tu ne les retrouveras plus jamais ». Ils nous avaient bandé les yeux. Je me suis retrouvée dans un « furgan », un campement des Arabes nomades. Nous étions 50 filles. Ils faisaient du commerce de filles avec d’autres miliciens. Certaines étaient violées, d’autres détenues contre une rançon, et certaines étaient mariées de force. »

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« J'étais au milieu d'eux. Je ne pouvais pas m'échapper »

Au bout de 10 jours de captivité, Rabab, est parvenue à s’échapper. D’autres victimes témoignent. Mariam a été ciblée, car son mari était un militant des droits de l’homme. 

« Le 15 juin au matin, les Forces de soutien rapide sont venues avec leurs voitures. Ils ne viennent pas au hasard. Ils savaient où étaient les maisons des activistes. Moi, depuis 10 jours, je ne savais pas où était mon mari, s’il était vivant ou mort », se souvient-elle. « Ce matin-là, j'étais juste avec la famille, mes grands-mères, des enfants. Ils ont mis le feu à la maison, pillé nos affaires. Ensuite, ils sont venus vers moi. Me demandaient : “où est ton mari ?! On va te brûler vivante”. Il y avait quatre soldats autour de moi. L’un d’eux m’a mis un couteau sous ma gorge. J’étais au milieu d’eux. Je ne pouvais pas m’échapper. »

« Le viol fait partie d'une stratégie »

Dans les camps de réfugiés, presque aucune aide psychologique n’existe pour ces victimes. Zahra est l’une des rares à proposer son soutien. Elle travaille depuis 15 ans dans une organisation qui lutte contre les violences faites aux femmes.

« Ils utilisent le viol comme un outil de nettoyage ethnique. C’est un acte de provocation envers les communautés qu’ils jugent inférieures », explique Zahra. « Ils se targuent d’avoir violé dans telle tribu 100 ou 200 femmes, c’est une fierté pour eux. Le viol fait partie d’une stratégie. Ils utilisent tous types de violence pour atteindre les gens psychologiquement, pour toucher leur futur, leur famille, leur communauté. »

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Du 24 avril au 20 mai, Zahra et ses collègues ont recensé 60 cas de viols. Puis, il leur était impossible de compter face à la violence des combats. Dans les camps se trouvent des centaines de victimes, estime Zahra. Beaucoup se terrent dans le silence. Depuis 2003 au Darfour, le viol a été systématiquement utilisé comme arme de guerre. En toute impunité. 

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