IdéalReïm, Kfar Aza, Beeri… Au fait, c’est quoi un kibboutz ?

Guerre Hamas-Israël : Que sont les kibboutz, ces villages en première ligne des massacres de civils ?

IdéalCréées par des émigrés juifs au début du XXe siècle, ces communautés étaient basées sur le socialisme et le vivre-ensemble
Des soldats israéliens inspectent le kibboutz de Kfar Aza après une attaque à la roquette.
Des soldats israéliens inspectent le kibboutz de Kfar Aza après une attaque à la roquette. - JACK GUEZ / AFP / AFP
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Reïm, Kfar Aza, Beeri… Plusieurs « kibboutz » ont été la cible d’attaques particulièrement violentes depuis le début du conflit. Mais au fait, c’est quoi un kibboutz ?
  • Les kibboutz sont des communautés spécifiques à Israël, nées de la vague d’émigration juive au début du XXe siècle. A l’origine, les kibboutz fonctionnaient sur un modèle de collectivisme intégral, explique pour 20 Minutes l’historienne Rina Cohen Muller.
  • Les kibboutz représentent aujourd’hui 2 % de la population israélienne, mais gardent une place symbolique et politique importante, malgré leur déclin ces dernières années.

Reïm, Kfar Aza, Beeri… Comme Boutcha ou Groza en Ukraine, ces modestes localités israéliennes étaient inconnues avant que la mort et l’horreur ne les frappent. Tous ces villages, proches de la frontière avec la bande de Gaza, partageaient toutefois déjà un point commun : ce sont des kibboutz, une organisation communautaire spécifique à Israël. Qu’est-ce qu’un kibboutz ? Quand et comment ces communautés se sont-elles organisées ? Quelle est leur place dans la société israélienne actuelle ? 20 Minutes vous emmène à leur découverte.

A l’origine, c’est quoi un kibboutz ?

La naissance des kibboutz est indissociable de la vague d’émigration juive au début du XXe siècle, fuyant notamment les persécutions en Russie. « La création du premier kibboutz remonte à 1909 » à Degania, raconte Rina Cohen Muller, enseignante-chercheuse à l’Inalco et spécialiste de la société israélienne. Les juifs apportent avec eux une idée politique, « le sionisme socialiste, l’idée de créer un Etat refuge pour les juifs avec un mode de vie socialiste ».

Dans un premier temps, le mode de fonctionnement est même vu comme « du communisme à outrance ». « Un groupe de personne crée une localité où toutes les décisions sont prises en commun », explique l’historienne. Tout est mis en commun : les véhicules, la lessiveuse, la salle à manger, le dortoir pour les enfants, détaille-t-elle. Avant tout agricoles, ces communautés sont marquées par « un refus du travail salarial et d’être un patron exploiteur ». Le mouvement de création des kibboutz connaîtra « sa période faste en 1947, avant la création de l’Etat d’Israël » qu’ils devaient inspirer.

Comment les kibboutz ont-ils évolués avec la création d’Israël ?

Entre crises économiques et manque de main-d’œuvre pour s’occuper de terres importantes, « l’idée d’un collectivisme intégral ne pouvait pas durer », avance Rina Cohen Muller. Dans les années 1980, « beaucoup de kibboutz ont été mis en faillite », et leurs membres ont commencé à introduire une part de propriété privée. De plus, certaines habitudes se sont heurtées aux conflits qu’a connus le pays. « Des kibboutz ont été bombardés pendant la guerre du Liban, et certains parents ne voulaient plus que leurs enfants dorment dans le dortoir commun pour les garder avec eux », déroule l’historienne. A la fin de la guerre, cette habitude est restée.

C’est toutefois à cette période que « l’image pittoresque, avec les toits de tuile, d’un lieu de vie agréable et désenclavé du centre urbain », se diffuse. L’industrie se développe également dans ces territoires ruraux. Jusqu’aux années 2000, « les habitants des kibboutz sont ceux qui ont fourni le plus d’officiers à l’armée », ajoute l’experte, dressant l’image de kibboutzniks « portant la charue et l’arme », « élites de la nation ». Mais depuis vingt ans, les kibboutz se vident petit à petit, notamment avec le départ de jeunes « nés dans les kibboutz qui n’acceptent plus le collectivisme dans une société libérale », éclaire Rina Cohen Muller.

Quelle est la place des kibboutz dans la société israélienne aujourd’hui ?

Même s’ils ne représentent plus que 2 % de la population israélienne, contre 7 % au maximum dans les années 1950, les kibboutz gardent un rôle symbolique important. D’abord, par leur implantation un peu partout sur le territoire d’Israël, « dans des lieux stratégiques », comme aux abords de Gaza. Ensuite, parce que les kibboutzniks demeurent « fortement idéologisés », malgré la pénétration du libéralisme. Les habitants « ont en général des positions politiques marquées à gauche, ils militent dans des associations pacifistes, manifestent contre la réforme constitutionnelle », liste l’historienne.

C’est d’ailleurs tout le drame qui se joue avec le conflit. « Dans tous les kibboutz où il y a eu des massacres, les gens étaient favorables à la coexistence juive arabe », regrette-t-elle. Symbole du vivre-ensemble depuis leur création, les kibboutz souffrent aussi de l’impossible cohabitation entre les deux peuples.

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