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Billet de blog 25 avril 2014

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Le pacte de responsabilité affecte particulièrement les femmes

Au-delà du pacte de responsabilité dans sa globalité, dont j'ai déjà dit les réserves qu'il m'inspirait (notamment en m’abstenant lors du vote de la confiance au nouveau gouvernement) et sur lequel j'aurai l'occasion de revenir, je souhaiterais ici insister sur son impact spécifique sur les femmes.

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Au-delà du pacte de responsabilité dans sa globalité, dont j'ai déjà dit les réserves qu'il m'inspirait (notamment en m’abstenant lors du vote de la confiance au nouveau gouvernement) et sur lequel j'aurai l'occasion de revenir, je souhaiterais ici insister sur son impact spécifique sur les femmes.

Les mesures annoncées par Manuel Valls précisent comment sont calculés les 50 milliards d’économie décidés pour financer le pacte de responsabilité.

Elles comprennent notamment le gel des prestations sociales jusqu’en octobre 2015 et l’extension sur une durée indéterminée du gel du point d'indice, qui sert de base au calcul de la rémunération des fonctionnaires.

On peut comprendre qu'en situation de difficulté budgétaire, des efforts doivent être consentis par tous. Pour autant, ces efforts doivent être répartis selon la capacité contributive de chacune et de chacun. Et en l'occurrence, les femmes, souvent dans une situation économique moins favorable que les hommes, sont davantage touchées par ces économies. Pauvres ou très pauvres, retraitées ou mères isolées, les femmes sont exposées à plus d’un titre aux conséquences des  mesures annoncées.

L’Observatoire des inégalités indique que le taux de pauvreté féminin était en France de 8,2 % en 2011, tous âges confondus, contre 7,7 % pour les hommes.

Certes, les minima sociaux seront cette année revalorisés en fonction de l’inflation, ce qui limitera l’effet de ces économies sur une partie des plus pauvres. Cependant, le gouvernement s’était engagé il y a tout juste un an, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, à revaloriser de façon plus significative le RSA-socle, le complément familial et l’allocation de soutien familial. L’abandon de ces engagements sera lourd de conséquences sur celles et ceux de nos concitoyens qui reçoivent ces aides.

Or les femmes constituent 57 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA-socle) et la quasi-totalité des bénéficiaires du RSA-socle majoré (l’ex API, allocation parent isolé). En 2010, près de la moitié des familles monoparentales (dont 85% ont à leur tête une femme) recevaient l'allocation de soutien familial, soit 750 000 familles et 1,16 million d'enfants. Par ailleurs, 52% des familles monoparentales perçoivent un revenu inférieur à la moitié du Smic, soit un montant en-dessous du seuil de pauvreté. Là encore, il s’agit de reporter une revalorisation pourtant indispensable. Rappelons qu'il s'agit là des plus pauvres.

Mais les foyers qui se trouvent au seuil de ces catégories seront également fragilisés par le gel général des prestations sociales. La France compte huit millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et autant qui sont susceptibles de tomber sous ce seuil dans les deux ans. Ces 15 millions de personnes – dont près de 3 millions d’enfants – changent régulièrement de « catégorie », passant en dessous puis au-dessus du seuil de pauvreté. Le gel risque donc d'accélérer le basculement de ces foyers vulnérables dans la pauvreté – et en premier lieu les femmes et les enfants qu'elles élèvent.

Les femmes représentent également une part importante des professions dites « intermédiaires ». Ainsi, elles sont 60% des agents des trois fonctions publiques, et seront à ce titre particulièrement touchées par le gel du point d’indice. Elles sont même encore plus nombreuses (62%) parmi les fonctionnaires de la « catégorie C », celle dont les rémunérations sont les plus basses. 

Pour en revenir aux femmes qui élèvent seules leur(s) enfant(s), le gel des allocations familiales les rendrait particulièrement vulnérables. En effet, ces allocations constituent parfois la seule source fiable de revenu du foyer, en raison des nombreux impayés de pensions alimentaires (qui sont, dans 30% des cas, versées irrégulièrement et, dans 10% des cas, jamais versées). Ces femmes, qui peinent souvent à trouver un emploi et/ou à bénéficier d’un mode de garde satisfaisant, seraient ainsi victimes d’une double peine.

Les inégalités de revenu constatées tout au long de la vie se retrouvent bien entendu au moment de la retraite : le montant moyen de la pension – tous régimes confondus – s’élève à 833 euros par mois pour les femmes, contre 1 743 euros par mois pour les hommes. Dès lors, le gel de ces pensions pénalisera davantage les femmes, dont le niveau de vie est plus faible. Il conviendrait au contraire d’œuvrer à la résorption de ces inégalités qui sont aujourd’hui telles qu’on observe, après 75 ans, deux fois plus de femmes pauvres que d’hommes pauvres.

En somme, ces chiffres nous alertent sur les conséquences des choix politiques qui seront faits, car derrière les masses financières se trouvent des vies, des personnes bien réelles avec des factures à payer, des enfants à élever. Les économies et les réaffectations de crédits ne doivent pas masquer la situation de ceux qui reçoivent des aides publiques, ou laisser entendre que cet argent était mal employé ou sans effet sur la vie de certaines familles.

Les dépenses sociales sont nécessaires et importantes : elles déterminent la capacité des familles qui les reçoivent à vivre le plus décemment possible. Ces aides et la revalorisation de ces aides contribuent non seulement à la cohésion sociale, mais elles jouent aussi un rôle économique-clé.

Les effets positifs escomptés en termes d’emploi des allègements de cotisations patronales prévus dans le pacte de responsabilité sont discutables et au moins incertains ; en revanche, les effets des mesures d’économies annoncées sur les conditions de vie de nos concitoyens (et de nos concitoyennes) les plus pauvres ne font aucun doute.

Le transfert de cet argent vers le financement des entreprises et la réduction du déficit me semble donc politiquement discutable et socialement dangereux.

Barbara Romagnan, députée (PS) du Doubs

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