Qui est Joana Mallwitz, la première cheffe à la tête d'un grand orchestre de Berlin ?

À la tête du Konzerthausorchester, grand orchestre berlinois, depuis la rentrée, Joana Mallwitz ouvre la musique classique au grand public.
Joana Mallwitz ouvre la saison avec le Konzerthausorchester.
Joana Mallwitz ouvre la saison avec le Konzerthausorchester.Hannes P Albert/picture alliance via Getty Images

Dans le milieu très fermé des chefs d'orchestre, Joana Mallwitz mène une carrière exceptionnelle. Depuis la rentrée, elle est la première femme cheffe d'un grand orchestre permanent à Berlin, l'une des capitales européennes renommées pour son apport à l'histoire de la musique classique. « Au cours des plus de 300 années au cours desquelles la ville a prouvé son statut mondial de centre musical florissant et influent, sa nomination marque la première fois que le poste le plus élevé d'un orchestre berlinois de premier plan est confié à une femme », note le Guardian.

L'arrivée de Joana Mallwitz à la tête du Konzerthausorchester est unanimement saluée par la presse allemande. Ses mouvements amples, souples et son talent pour accompagner la tension instrumentale de certaines partitions ravit le public. Le quotidien Süddeutsche salue sa capacité à « sonder les profondeurs émotionnelles » des compositions, quand le magazine Spiegel la décrit comme « l'antithèse de l'image surannée du maestro ». Loin, bien loin des comparaisons qui fleurissent sur Internet, avec le personnage de Lydia Tar, campé par Cate Blanchett dans le film éponyme sorti en 2022. Certes, toutes deux imposent leur talent dans un milieu masculin, toutes deux travaillent avec une grande formation berlinoise et, détail d'importance, toutes deux portent un impeccable carré blond.

La comparaison ne va pas plus loin. L'aspect manipulateur, pervers et narcissique du personnage de Cate Blanchett lui parle aussi peu que les commentaires qui la décrivent comme une Lydia Tar de la vraie vie. La cheffe de 37 ans s'en amuse dans les colonnes du Guardian : « Les comparaisons entre elle et moi – eh bien, [elles ne tiennent que pour] les cheveux, n'est-ce pas ? Pour être honnête, les gens me disent depuis 20 ans que Cate Blanchett et moi nous ressemblons un peu. Mais, vous savez, je doute qu'elle sache qui je suis. »

Expeditionskonzert et décoration

Une confidence : elle aurait adoré voir le film mais, entrainée dans un « tourbillon » personnel et professionnel, elle n'a pas eu le temps de se faire une toile. On la comprend : entre 2019, lorsqu'elle a été nommée « cheffe d'orchestre de l'année » par Opernwelt (la seule femme nommée précédente était Simone Young, en 2006) et son arrivée à la tête du Konzerthausorchester à la rentrée, Joana Mallwitz a accueilli son premier enfant et quitté l'institution où elle travaillait depuis 2018 : le théâtre national de Nuremberg. En juillet, 65 000 personnes ont assisté à son concert d'adieu, en plein air. Nombre d'entre eux ont certainement fait le déplacement, fin septembre, pour assister à son premier lever de baguette à Berlin.

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Dans la capitale, la cheffe d'orchestre a imposé son style. Pas question de tourner le dos au public et de se contenter d'un salut formel. Depuis qu'elle est devenue la plus jeune directrice musicale d'Europe à Erfurt en 2014, à l'âge de 27 ans, elle a pris l'habitude de présenter les partitions, en quelques mots, aux spectateurs. Elle a fait de cette introduction, baptisée Expeditionskonzert, un format signature très apprécié par les amateurs. Elle souhaite toucher « des gens qui ne savent pas encore à quel point ils peuvent être passionnés par la musique classique parce qu'ils ne l'ont pas forcément encore expérimentée », rapporte le Guardian.

Formée à l’école supérieure de musique et de théâtre de Hanovre, elle s'est déjà illustrée en tant que première femme à diriger une série de concerts au festival de Salzbourg, il y a trois ans. En septembre, Joana Mallwitz a été décorée de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne. La présidence voit en elle « l'avenir de la musique classique avec son langage universel et rassembleur ». La preuve : son plus grand défi est de transmettre aux plus jeunes « la joie folle que peut procurer une symphonie de Beethoven ».