La France s’abstient lors du vote sur la réautorisation du glyphosate

Comme aucune majorité qualifiée n'a été trouvée, un nouveau vote aura lieu lors d'un comité d'appel. Si le scénario se répète et qu'aucune majorité qualifiée n'est trouvée, c'est la Commission européenne qui aura le dernier mot et décidera d'adopter ou pas ce texte. [MrGoSlow / Shutterstock]

La France s’est abstenue lors du vote sur la proposition de la Commission européenne de renouveler le glyphosate. En outre, aucune majorité qualifiée n’a été obtenue entre les États membres. Prochaine étape : convaincre l’exécutif européen d’amender son texte avant le prochain scrutin en novembre.

Réunis à Bruxelles ce vendredi matin (13 octobre) dans le cadre du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (Scopaff), les États membres ne sont pas parvenus à s’entendre sur la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour les dix prochaines années.

La France, qui avait déjà fait part de ses désaccords concernant le texte, a préféré s’abstenir, tout comme l’Allemagne, la Bulgarie, Malte, la Belgique et les Pays-Bas.

Ainsi, aucune majorité qualifiée n’a pu sortir de ce vote des 27 États membres.

Un texte pas à la hauteur

« La France n’est pas opposée au glyphosate, mais elle ne se retrouve pas dans la proposition de la Commission », a expliqué le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire lors d’un point presse au moment du vote.

Pour l’équipe du ministre Marc Fesneau, ce texte « n’est pas à la hauteur » des engagements sur les restrictions d’utilisation et sur l’accompagnement des agriculteurs pour trouver des solutions.

Depuis que la Commission européenne a fait part, fin septembre, de sa proposition de renouveler pour dix ans l’herbicide, la France insiste sur ses efforts de réduction de produits phytosanitaire ces dernières années. En 2022,  les utilisations de glyphosate ont réduit de 27 % par rapport à la période 2015-2017 d’après le ministère.

Celui-ci indique travailler depuis plusieurs mois avec la Commission pour que le renouvellement intègre une limitation de l’usage, seulement lorsqu’aucune alternative ne s’offre aux agriculteurs. « Le texte européen doit tenir compte de l’expérience française en la matière », souligne le ministère.

Si la Commission a légèrement modifié son texte et ajouté quelques restrictions comme l’interdiction du glyphosate pour la dessiccation des cultures avant récolte, ce n’est pas suffisant pour la France, qui craint des distorsions de concurrence entre les pays européens.

Pour autant, la France ne souhaite pas d’interdiction totale : « Notre approche est fondée sur la science », assure un conseiller du ministre, mettant en avant les différentes études de l’EFSA et de l’ANSES qui indiquent que la substance n’a pas d’effet avéré sur la santé humaine dans certaines conditions strictes d’utilisation.

Réactions

Contacté par Euractiv, l’eurodéputé Jérémy Decerles (Renew – centre) salue la position de la France qui « n’a pas cédé à la pression et a eu le courage de choisir la voix de l’entre-deux ».

« Il va falloir maintenant rediscuter de cette proposition, et voir avec l’Allemagne notamment, comment nous pouvons proposer quelque chose de plus construit, en Européen, de façon harmonisée », poursuit l’élu proche de la majorité présidentielle.

Pascal Canfin (Renew) appelle également sur X (ex-Twitter) la présidente de la Commission européenne « à modifier cette proposition inacceptable ».

En revanche, pour l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau, cette abstention est « une honte ».

« En 2017, Emmanuel Macron avait promis de l’interdire dans les 3 ans. En 2019 la France votait contre le renouvellement. Et maintenant il faudrait s’abstenir ? », poursuit l’élu sur X.

« Le vote d’aujourd’hui est une première victoire sur la voie de l’interdiction du glyphosate, mais la lutte continue […] Nous avons déposé avec les Verts/ALE une objection appelant à l’interdiction pure et simple du glyphosate, comme cela aurait déjà dû être fait il y a 5 ans », déclare dans un communiqué sa collègue Marie Toussaint, vice-présidente du groupe des Verts-ALE et membre de la commission parlementaire « environnement et santé publique ».

Nouveau vote dans un mois

Comme aucune majorité qualifiée n’a été trouvée, un nouveau vote aura lieu lors d’un comité d’appel. Si le scénario se répète et qu’aucune majorité qualifiée n’est trouvée, c’est la Commission européenne qui aura le dernier mot et décidera d’adopter ou pas ce texte.

D’ici là, l’exécutif européen pourrait modifier son texte sur la base des commentaires reçus par les États pour convaincre ceux qui n’ont pas voté le texte ce vendredi.

La France demande notamment de mieux prendre en compte ses demandes sur les impact du glyphosate sur la biodiversité, dont les données sont encore lacunaires. La France appelle également à accentuer les recherches pour trouver des alternatives au glyphosate.

Le ministère a par ailleurs démenti que la France pourrait accepter un renouvellement pour 7 ans maximum au lieu de 10, comme l’a annoncé le média Contexte à la veille du vote.

En cas de réautorisation du glyphosate avant le 15 décembre, date butoir que s’est fixée la Commission, la France annonce qu’elle maintiendrait son approche d’autorisation de dernier recours et de recherche d’alternatives, alors qu’un nouveau plan national Ecophyto est en cours de construction.

Au Luxembourg, l'apprentissage douloureux d'une agriculture sans glyphosate

Sans glyphosate, « c’est beaucoup plus de travail et d’énergie » : dans ses vignes, le Luxembourgeois Roger Demuth a dû abandonner pendant deux ans l’herbicide controversé, interdit par le Grand-Duché et qui y reste boudé malgré sa réautorisation au printemps dernier.

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