Déni de mariage

Eva devait se marier le 7 juillet à Béziers. C'était sans compter sur le refus du maire. ©Radio France - Stéfane Pocher
Eva devait se marier le 7 juillet à Béziers. C'était sans compter sur le refus du maire. ©Radio France - Stéfane Pocher
Eva devait se marier le 7 juillet à Béziers. C'était sans compter sur le refus du maire. ©Radio France - Stéfane Pocher
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C’est une pratique qui se répand à bas bruit en toute illégalité. Soupçonnant des mariages blancs, certains maires refusent le mariage à des couples dont c’est pourtant un droit fondamental. Eva et Mustafa en ont fait les frais, Aurélie et Hassan aussi. Un reportage de Karine Le Loët.

Le 7 juillet dernier aurait dû être un jour de fête. Eva s’apprêtait à épouser Mustafa, un jeune Algérien immigré en France. Dénonçant la situation irrégulière du jeune homme, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), et soupçonnant un “mariage blanc”, le maire de Béziers, Robert Ménard, s’y est farouchement opposé, s’indignant même publiquement de la situation quelques jours avant. Le jour J, Eva, Mustafa et quelques amis se rendent tout de même à la mairie, forts de l’autorisation accordée par le parquet mi-juin. Après examen des auditions séparées des deux époux réalisées par l’officier d'état civil, ce dernier avait estimé qu’il "n’existait pas suffisamment d’indices sérieux permettant de présumer l’absence de consentement matrimonial."

"Je ne vous marierais pas, ça ne servait à rien de venir"

Sur le parvis, au lieu de l’édile, une foule de journalistes les attend. “Quand on pénètre le hall d'entrée de la mairie, Monsieur Ménard enclenche l'alarme incendie et ferme les portes. Les gens se groupent alors de plus en plus devant la mairie. Certains se mettent à nous filmer à notre insu, à nous siffler, à nous insulter.” Lorsqu’il sort enfin,  Robert Ménard répète au couple et à l'assemblée amassée : ”Je ne vous marierais pas”. Humilié, le couple termine “au commissariat en robe de mariée et costume à déposer plainte.”

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Placé en centre de rétention administrative le 17 juillet, le ressortissant algérien a été expulsé trois jours plus tard. Depuis, “le monde s'est arrêté de tourner” pour Eva : ”les gens vivent et moi, j'attends.”

À écouter : OQTF
Les Pieds sur terre
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Aurélie, 22 ans, et Hassan, un Turc de 44 ans, se sont rencontrés en boite de nuit : lui est videur, elle est cliente. En couple depuis quatre ans, ils forment avec la fille d’Hassan une famille recomposée.

Quand ils annoncent leur mariage en juillet 2021, ils se heurtent très vite à la réticence de Gilles Platret, le maire de Chalon-sur-Saône, qui les soupçonne de préparer un “mariage blanc.” Il ordonne alors qu’une enquête soit menée. Lors de l’audition avec l’officier d’état civil, explique Aurélie, “on nous pose des questions comme : 'quel est le plat préféré de votre conjoint ou de votre conjointe ?', 'Quelle est sa couleur préférée ?', 'Quelles sont ses habitudes ?'" Plus tard, ils reçoivent même la visite d’agents de police chez eux. Aucun élément n’est retenu mettant en doute la pureté de leurs intentions. Le procureur donne son feu vert.

"On avait tout préparé : les invitations, le traiteur…"

Pourtant, la veille de la date du mariage, alors que se peaufinent les derniers préparatifs, Hassan reçoit un appel de la mairie : “On m’explique que ce n'est pas la peine de venir le lendemain, qu’on ne célèbrera pas notre mariage.” Dans un communiqué posté sur Facebook, le maire s’offusque : “Ce n’est pas aux maires de se rendre complices du laxisme d’une République qui proclame à tout-va qu’elle veut lutter contre les mariages blancs, mais qui fait le contraire sur le terrain.” Mis en demeure par le procureur de la République, l’élu se plie finalement à l’injonction de célébrer l’union qui lui est faite la veille de la date limite. Aurélie et Hassan se marient le 10 juin 2023. Un happy end au goût un peu amer, selon les intéressés : “Le maire ne s’est même pas excusé. Il n'a pas eu le courage de venir en face de nous pour parler du problème”, préférant en faire les victimes d’une opération de communication politique.

À écouter : Mariages blancs
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Eva allait épouser Mustafa, un jeune Algérien immigré en France. Aurélie et Hassan s'apprêtaient aussi à célébrer leur union. C'était sans compter sur la réticence des maires de leurs villes, qui s'y sont opposés, en dépit de l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qui dispose que : "À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit." On tente d'en savoir plus dans l'épisode du jour.

  • Reportage : Karine Le Loët
  • Réalisation : Charlotte Roux

Merci à Eva, Aurélie, et Hassan ainsi qu’à maître Julien Marceau et maître Vanessa Edberg.

Contacté, Gilles Platret, le maire de Chalon-sur-Saône, n’a "pas souhaité s’exprimer sur le sujet" tandis que Robert Ménard, maire de Béziers n’a pas répondu à nos sollicitations malgré plusieurs relances.

Musique de fin : I nostri Giorni, par Andrea Laszlo de Simone - Album : I nostri Giorni (2023)

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