La majorité cède à Total et renonce à taxer de nouveau les raffineries
La taxe exceptionnelle sur les superprofits pétroliers ne sera pas reconduite en 2024. Les députés et l'exécutif préfèrent s'assurer que TotalEnergies maintienne le plafonnement des prix de l'essence, une mesure jugée beaucoup plus efficace pour le porte-monnaie des ménages.
Tout compte fait, le gouvernement ne prolongera pas d'un an la « contribution temporaire de solidarité » du secteur pétrolier. La piste est en passe d'être enterrée. Il y a dix jours, le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, avait menacé de mettre fin au plafonnement du prix de l'essence dans ses stations si cette taxe exceptionnelle des « superprofits » du raffinage était prorogée. La majorité a jugé plus sage de reculer.
« Le plus important, c'est que Total tienne ses engagements », estime le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve. En fin de semaine dernière, le député macroniste avait pourtant défendu et fait voter en commission des Finances à l'Assemblée la prorogation de la taxe sur les raffineurs. La mesure est d'ailleurs au menu de l'examen du texte en séance plénière au Palais-Bourbon, qui doit commencer ce mardi.
Mais le groupe Renaissance pourrait bien retirer son amendement. Et il est maintenant acquis que le gouvernement ne le retiendra pas. Or, c'est lui qui aura le dernier mot, puisque le budget sera adopté grâce à l'article 49.3 .
La tentation de Bercy
Ces dernières semaines, Bercy avait pourtant ouvertement laissé entendre qu'il se tenait prêt à taxer à nouveau les raffineurs . D'un côté, l'emballement des prix à la pompe lui mettait la pression. Le carburant se rapprochait dangereusement de la barre symbolique des 2 euros par litre. Echaudé par la crise des « gilets jaunes », pressé par les oppositions qui réclament des baisses de taxe ou des ristournes, le gouvernement voulait montrer qu'il agit.
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Taxer les pétroliers paraissait d'autant plus légitime que les marges du raffinage sont fortement reparties à la hausse depuis l'été dernier. Et la Commission européenne, à l'origine du règlement de 2022 invitant les Etats membres à piocher dans les « superprofits » du secteur, avait explicitement laissé la porte ouverte à une prolongation d'un an de cette taxe exceptionnelle.
Cette option n'a pourtant pas résisté à une froide analyse de la situation. La taxe sur les raffineries rapporte peu : environ 200 millions d'euros cette année, et 100 millions seulement en cas de prolongation selon Bercy. C'est très insuffisant pour financer des ristournes à la pompe. Celles consenties en 2022 (entre 10 et 30 centimes par litre, entre avril et décembre) ont coûté 7,7 milliards d'euros. Or, aujourd'hui, le prix moyen du sans-plomb atteint 1,82 euro par litre. Mais qu'en sera-t-il demain ? Le prix du pétrole paraît plus que jamais volatil au vu du contexte international, et particulièrement de la crise au Proche-Orient déclenchée par les massacres du Hamas.
Un calcul rationnel
Le calcul du gouvernement est simple. TotalEnergies s'est engagé à plafonner à 1,99 euro par litre le prix des carburants, dans ses 3.400 stations-service en France, « au-delà de la fin 2023, tant que les prix resteront élevés ». Si les tarifs continuent de monter, cette assurance sera bien plus protectrice pour le pouvoir d'achat des automobilistes que ne le serait le produit de la taxe sur le raffinage.
« L'essentiel, ce n'est pas d'aller chercher 200 millions d'euros par une taxe, c'est que les Français paient l'essence le moins cher possible », résume Jean-René Cazeneuve.
Sébastien Dumoulin