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Parcours du combattant

Aide médicale d’Etat : 8 étrangers éligibles sur 10 n’y ont pas recours, chiffre Médecins du monde

Au moment où Gérald Darmanin envisage de supprimer la couverture des sans-papiers pour des raisons politiques, l’ONG montre dans un rapport publié ce mercredi 18 octobre autant son utilité que le non-recours massif.
par LIBERATION et AFP
publié le 18 octobre 2023 à 9h43

La «réalité est loin des discours hystériques et manipulateurs». Le Dr Jean-François Corty, vice-président de Médecins du monde, répond sèchement aux arguments de la droite ciblant l’aide médicale d’État (AME), à l’occasion de la publication ce mercredi 18 octobre du rapport annuel de l’ONG sur ce dispositif de soins réservé aux sans-papiers. D’après cette étude, plus de 8 personnes sur 10 éligibles n’y ont pas recours.

L’AME, couverture intégrale des frais de santé accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois, compte 400 000 bénéficiaires, pour un coût d’environ 1,2 milliard d’euros.

Pour arriver à ce constat de non-recours massif, Médecins du monde s’est appuyé sur l’échantillon de 17 093 personnes accueillies en 2022 dans ses quatorze centres de soins et d’orientation, fréquentés à 98 % par des immigrés. «50 % des personnes accusent un retard de recours aux soins» et «80 % ont des vraies maladies qui nécessitent une prise en charge rapide», explique-t-il. «Le dispositif AME n’est pas abusif, il répond à des standards de prévention nécessaires et utiles.»

Le «non-recours» décrit par l’ONG est surtout le fait de la «méconnaissance du dispositif» de la part d’étrangers «qu’on accuse pourtant de vouloir en profiter», commente pour sa part Nadège Drouot, coordinatrice pour la région Lorraine. Cette ignorance peut même concerner «des personnes en France depuis des années, soit parce qu’elles n’ont jamais été malades, soit parce qu’elles se sont débrouillées par automédication», selon elle. Au final, même quand elles connaissent l’AME, «plus de 20 % des personnes renoncent aux droits en raison de la complexité administrative pour y accéder», rapporte la responsable.

«D’un point de vue sanitaire, dire qu’il faut supprimer l’AME au profit d’un dispositif d’urgence, ça n’a pas de sens», assène le Dr Corty.

Concession pour rallier la droite

C’est pourtant la position du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. La proposition ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi gouvernemental : elle a été ajoutée par amendement par la commission des Lois du Sénat, contrôlé par la droite. Pas de quoi froisser le locataire de la place Beauvau. Darmanin dit y être favorable «à titre personnel», y voyant une concession politique pour rallier les LR derrière son texte. «En plus, ce que proposent les LR et les centristes est quand même tout à fait acceptable : vaccination gratuite, femmes enceintes soignées, pathologies urgentes soignées», a assumé le ministre de l’Intérieur mardi, selon son entourage.

Un «vrai désaccord», avait déclaré la semaine précédente le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, neurologue de profession et ancien ministre de la Santé. L’Aide médicale d’Etat, dont le nombre de bénéficiaires fait office d’estimation du nombre de sans-papiers en France, «ne constitue pas un appel d’air», a-t-il martelé. La Première ministre Élisabeth Borne, encore récemment sur cette ligne, juge désormais «légitime de réinterroger» le dispositif. Elle a diligenté une mission en ce sens, confiée à deux personnalités politiques, Patrick Stéfanini, marqué à droite et Claude Evin, marqué à gauche. Ils devront rendre un pré-rapport le 2 novembre. Soit quatre jours avant l’ouverture du débat parlementaire.

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