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En cinq ans

Près de 100 victimes de violences conjugales ont fait documenter leurs blessures par l'Umedo

Encore trop peu connue, l'Unité médico-légale de documentation des violences permet aux victimes de violences conjugales de garder une trace de leurs souffrances sans conséquences juridiques.

Les professionnels de la prise en charge des victimes de violences conjugales ont échangé sur les manières d'améliorer ce service.
Les professionnels de la prise en charge des victimes de violences conjugales ont échangé sur les manières d'améliorer ce service. © PHOTO: Sibila Lind

«Quand ce bleu aura disparu, il sera toujours dans nos archives.» Avec ce slogan, l'Umedo résume parfaitement sa mission. S'il fête ses cinq ans, ce service du Laboratoire national de santé (LNS) peine encore à se faire connaître. Depuis 2018, 96 femmes ont fait appel à l'Unité médico-légale de documentation des violences pour avoir une trace de leurs souffrances.

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«Nous voulons donner la chance aux victimes de pouvoir porter plainte avec des preuves», résume la docteure Martine Schaul, responsable de l'unité. Alors que certaines victimes sont dans l'incapacité de porter plainte au moment des faits pour une série de raisons, à commencer par la peur que peut engendrer cette procédure, l'Umedo propose un examen médical gratuit qui permet de documenter précisément les blessures grâce à des notes, photos et schémas.

Une permanence téléphonique

Sans conséquences légales, cette prise en charge est effectuée indépendamment du lieu de résidence et de l'affiliation à la sécurité sociale de la victime. «Nous sommes des enquêteurs neutres, donc nous notons ce que nous voyons de manière détaillée, afin que le dossier corresponde aux standards de justice», explique la docteure Martine Schaul. En cinq ans, 20% des victimes ont finalement fait le choix d'intenter une action en justice après leur passage à l'Umedo.

Martine Schaul est responsable du service Umedo au LNS.
Martine Schaul est responsable du service Umedo au LNS. © PHOTO: Sibila Lind

Pour celles qui n'osent pas encore franchir le cap de la plainte, le dossier est anonymisé et archivé pour une période de 10 ans au sein du service. Soumis au devoir de confidentialité, les quatre médecins spécialistes en médecine légale qui composent l'unité reçoivent les victimes en consultation, sur rendez-vous, au LNS ou dans l'un des hôpitaux partenaires, à l'instar du CHL, du CHEM ou du CHdN. «Dans 70% des cas, l'examen a eu lieu au LNS, car il s'agit d'un lieu qui reçoit peu de public et qui permet ainsi un secret, ce qui est apprécié des victimes», a souligné Martine Schaul, lors d'une table ronde consacrée aux cinq ans de l'unité.

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Certaines des victimes ne vont pas jusqu'à l'étape du rendez-vous, et se contentent d'un appel. Car l'Umedo, c'est aussi une permanence téléphonique, disponible 24h/24 et 7j/7 afin d'écouter, d'informer et d'orienter les personnes qui le sollicitent. «Nous remarquons, que ce soit au niveau des appels ou à celui des consultations, que le nombre de victimes prises en charge par l'Umedo est relativement stable au cours de ces cinq dernières années. La pandémie n'a engendré aucun changement», poursuit la responsable.

Parmi les bénéficiaires de l'Umedo, l'immense majorité (87%) sont des femmes. «Nous n'avons reçu aucun homme lors des deux premières années d'existence du service.» Les profils sont un peu plus diversifiés lorsque l'on se penche sur l'âge des victimes: 25 d'entre elles étaient âgées entre 18 et 29 ans, 50 d'entre elles avaient entre 30 et 49 ans et les 21 restantes étaient âgées de 50 à 69 ans. «Sur les 96 examens médicaux que nous avons conduits depuis 2018, 16 concernaient des faits de violence sexuelle, et ces dernières ont majoritairement eu lieu dans le groupe d'âge 18-29 ans», explique la docteure Martine Schaul.

J'ai déposé et retiré de nombreuses plaintes en raison de la honte et de la peur.

Ana Pinto
Présidente de l'association La voix des survivant(e)s

Violences sexuelles, violences physiques, mais aussi violences psychologiques et financières, Ana Pinto a été victime de nombreuses souffrances infligées par son ex-mari. Aux côtés de professionnels de la prise en charge de victimes de violences conjugales, la présidente de l'association La voix des survivant(e)s a pris la parole. «Ce service est extrêmement important, et j'y aurais fait appel si j'avais pu en bénéficier à l'époque. J'ai déposé et retiré de nombreuses plaintes en raison de la honte et de la peur. Quand j'ai enfin décidé de m'engager dans la voie judiciaire, je n'avais strictement rien en main pour prouver les souffrances dont j'avais été victime», a témoigné Ana Pinto.

Une troisième option

Pendant un peu plus d'une heure, la survivante a échangé avec différents professionnels sur les manières d'améliorer l'Umedo. Tous étaient unanimes sur une nécessité: celle de mieux promouvoir ce service. Une nécessité qu'il est possible d'illustrer par la comparaison du nombre d'interventions menées par la police grand-ducale pour violences domestiques en 2022 (983) avec le nombre de consultations effectuées par l'unité la même année (18).

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«En se situant entre l'inaction et la plainte, l'Umedo donne une troisième option aux victimes de violences domestiques. Ne rien faire n'est plus une option», a tenu à souligner David Lentz, procureur adjoint de l'arrondissement de Luxembourg. Pour améliorer la visibilité de l'initiative, le participant à la table ronde plébiscite une meilleure information dans les services sociaux. «Pourquoi on ne bombarde pas autant les gens d'informations par rapport à ce service que ce que l'on a pu faire avec les candidats aux élections législatives?», a de son côté lancé Ana Pinto.

Actuellement réservé aux personnes majeures, l'Umedo pourrait-il étendre son service aux plus jeunes? C'est le souhait qu'a de son côté émis Andrée Birbaum, directrice de l'association Femmes en détresse. «Combien de jeunes filles se font violer, mais ne le disent jamais, car elles ont peur qu'on ne les croit pas?», a invectivé la professionnelle, soulignant que cette initiative permettrait de libérer cette parole. De son côté, David Lentz se dit favorable à la poursuite judiciaire systématique de toute personne ayant maltraité un enfant. «On ne peut pas cacher ces faits dans un dossier secret.»

Il y a encore du travail à faire pour faire connaître l'Umedo, et cela passe par des campagnes pour que le service soit connu du grand public.

Thorsten Schwark
Chef du département de médecine légale du LNS

Outre la formation des professionnels au service proposé par Umedo, les participants à la table ronde ont également évoqué l'idée de la création d'un guichet unique dédié aux victimes de violences conjugales offrant à la fois une prise en charge psychologique et une centralisation des informations. Autant de pistes qui n'ont pas manqué d'inspirer Martine Schaul et Thorsten Schwark, chef du département de médecine légale du LNS. «Il y a encore du travail à faire pour faire connaître l'Umedo, et cela passe par des campagnes pour que le service soit connu du grand public. L'argent est le nerf de la guerre, il faudra donc discuter avec les pouvoirs publics pour mettre en place ces publicités.»

L'Unité médico-légale de documentation des violences est joignable à tout moment au (+352) 621 85 80 80. Les professionnels du service peuvent également être contactés par mail à info@umedo.lu.

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