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Reportage

Les Libanais se préparent à une guerre avec Israël dans le calme et la résignation

Dans le contexte de guerre entre Israël et le Hamas, des affrontements se déroulent chaque jour dans le sud du Liban, à la frontière israélo-libanaise. Éprouvés par des années de crise sans précédent, les Libanais se préparent à la guerre avec Israël avec les moyens du bord.

Un passant observe l'horloge géante à Jdeideh, près du centre-ville de Beyrouth, 26 mars 2023.
Un passant observe l'horloge géante à Jdeideh, près du centre-ville de Beyrouth, 26 mars 2023. © AFP/Anwar Amro
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De notre correspondant à Beyrouth, 

Zeina pousse vers la caisse un caddie où s’entassent des paquets de céréales, des boites de conserve et des pâtes en quantités suffisantes pour nourrir une fratrie de vingt personnes pendant plusieurs semaines. « Si la guerre éclate, les prix risquent d’exploser. Mieux vaut prévenir que guérir », explique cette mère de trois enfants d’une quarantaine d’années.

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, les mises en garde contre un embrasement régional fusent de toutes parts. Dans le sud du Liban, le Hezbollah et l’armée israélienne s’affrontent tous les jours et le parti de Hassan Nasrallah a déjà perdu plus de cinquante combattants. Les affrontements se déroulent dans une bande de cinq kilomètres le long de la frontière.

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Dans cette région, les écoles sont fermées depuis le 9 octobre et une vingtaine de milliers d’habitants ont fui leurs maisons pour s’installer un peu plus au nord. De nombreux pays ont demandé à leurs ressortissants de quitter le Liban et le consulat de France adresse régulièrement des messages aux Français et aux binationaux, leur rappelant les consignes de sécurité et les précautions à prendre en cas d’extension du conflit.

Malgré ce climat d’inquiétude, la vie continue presque normalement dans le reste du pays. « Davantage de clients commencent à stocker des provisions, mais il ne s’agit pas encore d’un phénomène généralisé, affirme Ziad, propriétaire d’un supermarché dans la ville côtière de Jbeil, à 40 kilomètres au nord de Beyrouth. Le marché est approvisionné normalement, et les prix n’ont pas bougé », ajoute le commerçant en aidant Zeina à faire avancer son chariot surchargé.

Même discours chez le gérant d’une station-service à Beyrouth. « Il y a une hausse de la demande de mazout chez les foyers et les entreprises, mais elle n’est pas alarmante. Elle augmente graduellement dans des limites acceptables », déclare Abou Issam.

Le souvenir de la guerre de 2006

Le calme affiché par une majorité de Libanais tranche avec la gravité des dangers qui planent sur le pays. L’inquiétude est d’autant plus grande que la population reste marquée par la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël, qui a fait 1 200 morts et 4 000 blessés, des civils pour la plupart, et détruit l’infrastructure. La situation est encore plus difficile qu’en 2006. Le Liban est frappé par une crise économique sans précédent qui a plongé 80% de la population dans la pauvreté et l’État est en faillite.  « Je suis terrorisée à l’idée de vivre une nouvelle guerre, je ne sais pas si je la supporterais et les menaces de (Benyamin) Netanyahu de “ramener le Liban à l’âge de pierre” m’effraient », s’inquiète Sandy, employée de banque.

Pourtant, la jeune femme n’a pas changé ses habitudes. Elle ira en randonnée avec un groupe d’amis en week-end. Seul changement, l’annulation d’un voyage en Turquie prévu début novembre. « J’ai peur d’être coincée à l’étranger en cas de fermeture de l’aéroport », dit-elle.

La réduction et la reprogrammation du nombre de vols de la compagnie aérienne nationale, la Middle East Airline (MEA), en raison de la baisse de la couverture de l’assurance contre les risques de guerre, a amplifié l’inquiétude des Libanais. « Au départ, les avions sont pleins, à l’arrivée, il n’y a qu'une trentaine de personnes, tout au plus », affirme un employé de l’Aéroport international de Beyrouth.

« Il n’y a pas de phénomène de sauve-qui-peut, tempère Adib Nakhlé, responsable d’une agence de voyage. Ceux dont la présence au Liban n’est pas nécessaire et qui ont un pied-à-terre ailleurs ou un travail à l’étranger sont partis. En revanche, beaucoup de personnes qui projetaient de prendre quelques jours de vacances en Turquie, en Grèce, ou à Chypre, ont annulé de peur de ne plus pouvoir rentrer. »

L’impression que la vie continue presque normalement malgré la gravité de la situation ne dénote pas forcément une déconnexion de la réalité. « Les Libanais sont parfaitement conscients des dangers qui guettent leur pays, explique Hyam Zghendi, assistante sociale. Il y a certainement une part de résignation et aussi le fait qu’ils ont déjà vécu beaucoup de guerres. Mais il y a également un autre facteur : cela fait 20 jours que la guerre imminente est annoncée et elle n’a pas encore eu lieu. Ils ont eu le temps de se préparer psychologiquement et logistiquement. »

Le gouvernement adopte un plan d’urgence

Pour la première fois dans l’histoire du pays, les autorités ont tenté de faire de la prévention, malgré les faibles moyens dont dispose l’État. Le 19 octobre, le gouvernement a approuvé un plan d’urgence élaboré par le ministère des Travaux publics et des Transports et celui de la Santé. Ce plan vise à assurer en cas de guerre le fonctionnement des principales infrastructures du pays, les ponts, les ports, l’Aéroport international de Beyrouth et les sites de stockage de carburant et de denrées alimentaires. Les hôpitaux ont été invités à remplir leurs stocks et des plans de coordination avec les organisations internationales et les ONG ont été examinés.

La préparation à la guerre ne se limite pas aux autorités officielles. Le leader druze, Walid Joumblatt, a donné l’exemple en mettant en avant le principe de solidarité nationale en dépit des clivages politiques et confessionnels qui empoisonnent la sphère publique depuis des années. Il a annoncé qu’en cas de guerre, ses fiefs du Chouf, d’Aley et de Baabda, à l’est et au sud-est de Beyrouth, ainsi que Rachaya, dans la plaine orientale de la Békaa, accueillerait les populations chiites qui pourraient être déplacées du Liban-Sud.

En 2006, les Libanais de toutes les régions avaient ouvert, dans un élan de solidarité sans précédent, les écoles, les mosquées, les églises et les monastères pour abriter les déplacés. En attendant la guerre, les profiteurs se frottent les mains. Les prix de location des appartements et des maisons d’hôte ont déjà augmenté de 25% dans certaines régions.

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