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Haine de l’Occident, soutien au Hamas : le moment de vérité de Recep Tayyip Erdogan
Erdogan montre aujourd’hui son vrai visage à la faveur de la riposte attendue de l’armée israélienne à Gaza contre le Hamas, avec son lot de victimes civiles, anticipées par l’organisation terroriste pour déclencher une identification dans les foules musulmanes.
YASIN AKGUL / AFP

Haine de l’Occident, soutien au Hamas : le moment de vérité de Recep Tayyip Erdogan

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Avec ses déclarations anti-occidentales virulentes sur fond de la guerre Israël-Hamas, le président turc renoue avec son vieux rêve de leader islamiste.

Les islamistes font toujours ce qu’ils disent mais nous hésitons à les croire. Le doute, qui est la marque des sociétés libres et des esprits adultes, constitue en même temps une faille par laquelle s’engouffrent la propagande et le brouillard totalitaires. Ainsi, le Hamas que tant de monde ici et, tragiquement, au plus haut niveau des responsables de l’État hébreu, s’évertuait à décrire comme un terrorisme « normalisé », veut tuer chaque juif sur la terre d’Israël. C’était écrit dans sa charte dont le pseudo-amendement de 2017 qui faisait roucouler les naïfs. Il a commencé à mettre sa promesse à exécution le 7 octobre dernier avec toute la panoplie des bourreaux. Pour marquer ce coup d’éclat exterminateur, l’un de ses chefs, Mahmoud al-Zahar vient de déclarer que « la planète entière » sera, à la fin, sous la loi d’Allah dans un monde « où il n’y aura plus ni juifs ni chrétiens ». L’auteur de ces lignes avait eu le privilège de rencontrer Mahmoud al-Zahar, à Gaza, il y a longtemps. « Là-bas, m’avait-il dit en parlant des Israéliens, même un chat est un ennemi, il n’y a pas de civils ! »

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Exactement de la même façon, le parcours de Recep Tayyip Erdogan, le président turc, et l’analyse qui en était faite, voici encore quelques années (les plus dangereuses, celles de son ascension) par des « experts » dont la crédulité s’appuyait sur la croyance répandue en un « islamisme modéré », illustrent le grand aveuglement. Erdogan montre aujourd’hui son vrai visage à la faveur de la riposte attendue de l’armée israélienne à Gaza contre le Hamas, avec son lot de victimes civiles, anticipées par l’organisation terroriste pour déclencher une identification dans les foules musulmanes. Deux jours après avoir qualifié de « libérateurs » les commandos du Hamas, Erdogan lance un nouveau missile depuis le Bosphore. « Les principaux coupables des massacres à Gaza sont les Occidentaux ! » a clamé le président turc devant plusieurs centaines de milliers de personnes réunies pour « un meeting de soutien à la Palestine » sur l’ancien aéroport Atatürk d’Istanbul. Il a poursuivi avec exaltation : « Je le demande à l’Occident : allez-vous créer une nouvelle atmosphère de croisades à l’encontre du Croissant ? »

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Guerre sainte

Attiser une guerre de civilisation à socle religieux est une constante du leader islamiste. En juillet 2020, il a annulé le statut de musée conféré à la basilique Sainte-Sophie par Mustafa Kemal Atatürk en 1934. Erdogan en a refait une mosquée, affirmant mettre ainsi ses pas dans ceux du conquérant ottoman Mehmet II en 1453. Sainte-Sophie existait bien avant l’islam. « Sainte-Sagesse » de son vrai nom, elle dominait déjà la Corne d’Or de toute sa splendeur depuis près d’un siècle quand Mahomet s’éteint en 632. Pendant neuf cent seize ans, elle fut la plus grande basilique du monde chrétien. Mais du passé des autres, l’islamisme ne veut rien savoir. Il faut tout effacer. Ainsi, rappelait Marianne en juillet 2020 : « Quand il était jeune militant, Erdogan, futur chef de l’AKP et de la Turquie, martelait ce hadith [dit du Prophète] attribué à Mahomet : "En vérité, tu conquerras Constantinople !" »

Surfant sur les colères du monde islamique, l’homme qui dirige les destinées d’un pays membre de l’Otan appelle donc à la guerre sainte dans la grande tradition des Frères musulmans auxquels il se rattache. La voie a été tracée par Sayyid Qutb, l’un des plus grands idéologues de la confrérie, pendu sur ordre de Nasser en Égypte 1966. Sayyid Qutb écrivait : « Il est indispensable que le genre humain suive un nouveau leadership car celui de l’homme occidental a quasiment cessé. C’est maintenant le tour de l’islam, de la oumma [la communauté des croyants]. » Nous savons tout cela. Quand Erdogan vomit sa haine de l’Occident, ses cris sont conformes au fanatisme qui, partout, nous menace. Pourtant, le paradoxe saisissant entre la montée des forces de mort et la dénégation de leur réalité dure encore.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne