Menu
Libération
«Revers de la médaille»

Déplacement «forcé» de sans-abri : avant les JO de Paris, les associations craignent un «nettoyage social»

JO Paris 2024dossier
Dans une lettre ouverte publiée ce lundi 30 octobre, plus de 70 organisations dénoncent les démantèlements des campements informels en région parisienne, les évacuations de foyers de travailleurs immigrés ou encore les interdictions de distributions alimentaires.
par LIBERATION et AFP
publié le 30 octobre 2023 à 9h34

Les JO n’ont même pas encore commencé que la coupe est déjà pleine. Ce lundi 30 octobre, plus de 70 organisations dont Médecins du monde ou Emmaüs France adressent une lettre ouverte au comité d’organisation des JO de Paris, aux athlètes et aux fédérations. «L’expérience des méga événements sportifs dans le monde révèle un risque avéré de “nettoyage social” des rues. C’est devenu la procédure standard pour de nombreuses villes hôtes des Jeux olympiques depuis les années 80. A ce jour, tout porte à croire que les JO 2024 s’inscrivent dans cette dynamique», alertent-elles. Les associations s’inquiètent notamment des démantèlements de campements informels en région parisienne, du déplacement «forcé» de sans-abri, des évacuations de foyers de travailleurs immigrés ou encore d’interdictions de distributions alimentaires.

«Le revers de la médaille» : c’est le message qu’a projeté dans la nuit de dimanche à lundi un collectif de militants sur le bâtiment du comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo), pour dénoncer le «nettoyage social» en Ile-de-France en amont des JO 2024. Le message lumineux a été projeté vers 23 heures sur la façade du Cojo à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au-dessus du logo Paris 2024 et des anneaux olympiques qui ornent le bâtiment rectangulaire, autour duquel plusieurs dizaines d’acteurs associatifs ont placardé des affiches, a constaté un journaliste de l’AFP.

«On détruit les lieux de vie informels»

«PLUS VITE pour vider l’Ile-de-France des populations précarisées», «PLUS HAUT vers l’exploitation des travailleurs sans papiers», «PLUS FORT dans la réponse sécuritaire contre les personnes à la rue», dénoncent les associations sur ces pancartes bleu, orange et rouge placardées dans le quartier du comité d’organisation et sur les plots en béton devant son siège. «ENSEMBLE exigeons la prise en compte des personnes exclues», propose une quatrième affiche.

«Ça a déjà commencé très fort», observe Paul Alauzy, porte-parole de l’ONG Médecins du monde pour la région parisienne. «Il y a un impact négatif des JO sur les personnes à la rue, c’est ce revers de la médaille, ce nettoyage social des rues qu’on veut rendre visible : on parle de centaines, voire de milliers de personnes dont on détruit les lieux de vie informels», explique-t-il devant le bâtiment du comité olympique. Pour les seuls squats et foyers de travailleurs migrants, le collectif Schaeffer, signataire de la lettre ouverte, estime à 4 100 le nombre de ressortissants de pays africains qui ont été déplacés de la Seine-Saint-Denis après le démantèlement de leur lieu de vie. Pour l’essentiel, ils vivent désormais sur les berges du canal Saint-Denis, selon les organisations qui leur viennent en aide.

1 600 personnes transférées

A ceux-là s’ajoutent les plus de 1 600 personnes qui ont été transférées depuis six mois dans des «sas» d’hébergement en régions, ouverts en avril par le gouvernement pour y orienter les personnes migrantes à la rue en Ile-de-France, où les situations de campements sont récurrentes et l’hébergement d’urgence saturé. Les autorités ont également tenté d’interdire début octobre les distributions alimentaires dans un quartier populaire dans le nord de Paris, une décision finalement retoquée en justice.

Bref, les conséquences sont «déjà là» et ces exemples ne sont qu’un «avant-goût» des décisions à venir, anticipe Paul Alauzy. «Les politiques qui excluent les populations considérées comme indésirables ont déjà cours depuis longtemps. Les JO n’en sont qu’un accélérateur», estime-t-il. Les organisations hétéroclites qui soutiennent l’action, allant du barreau de Paris à l’Armée du salut, en passant par Action contre la faim, en sont certaines : il faut s’attendre à d’autres arrêtés, notamment contre la mendicité ou les travailleuses du sexe.

Hasard du calendrier, quelques heures avant leur action, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, était venu dimanche à Saint-Denis annoncer des moyens de sécurité «décuplés» pour les Jeux, comparés à ceux mobilisés pour la Coupe du monde de rugby. Les associations, elles, appellent les autorités à «garantir une continuité de la prise en charge des personnes en situation de précarité et d’exclusion, avant, pendant et après les Jeux» (26 juillet-11 août). Elles demandent également à intégrer les comités de pilotage des JO. Paul Alauzy défend la demande : «On connaît le terrain et on peut aider à ce que les choses se passent bien.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique