Le Sénat vote la fin des allocations familiales et des APL pour les étrangers en France depuis moins de 5 ans

La majorité de droite au Sénat a voté mardi cet amendement lors de l’examen du projet de loi Immigration et intégration. En séance, Gérald Darmanin a décidé de ne pas s’opposer à cette disposition, qui doit encore passer l’étape de l’Assemblée.

    C’est un amendement qui est passé un peu inaperçu, mardi soir, alors que le gouvernement, les centristes et les sénateurs LR finalisaient leur accord sur l’article 3 du projet de loi immigration et intégration, ouvrant en grand la voie vers une adoption du texte au sein de la chambre haute.

    Peu de temps après le vote par les sénateurs de la suppression de l’Aide médicale d’État, qu’ils proposent de transformer en Aide médicale d’urgence, la sénatrice LR du Val-d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio prend le micro. Elle défend au nom de 39 députés LR un amendement visant à conditionner à cinq années de résidence stable et régulière en France l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives. Si le jargon a de quoi rebuter, la proposition LR vise des dispositifs bien connus des Français, à savoir les allocations familiales, l’Aide personnalisée au logement (APL), le droit opposable au logement ou encore la prestation de compensation du handicap.



    Cette proposition est vue d’un très bon œil par le rapporteur de la commission des lois, Philippe Bonnecarrère, qui défend dans la foulée un amendement identique. « La disposition proposée est conçue comme une disposition anti appel d’air, en décalant de cinq ans le moment à partir duquel la personne entrée sur notre territoire pourra profiter de nos aides, détaille-t-il. Il nous semble qu’en matière de solidarité nationale, il n’est pas scandaleux de fixer un délai de franchise avant que le plein bénéfice des prestations sociales non contributives ne soit acquis. »

    « Vous organisez la pauvreté des enfants »

    Appelé à donner son avis sur cette mesure, Gérald Darmanin se montre ouvert. Depuis le début de l’examen du texte, le ministre de l’Intérieur tient à jouer la carte du compromis avec la majorité sénatoriale. Le ministre relève qu’il existe déjà des décalages dans l’ouverture des droits à certaines prestations, évoquant le cas de Mayotte. En dépit d’une certaine réserve concernant l’allocation adulte handicapé, le ministre de l’Intérieur décide de délivrer un « avis de sagesse » sur ces deux amendements. C’est-à-dire qu’il ne s’y oppose pas.

    Cette prise de parole a déclenché l’ire de parlementaires de gauche. « Il s’agit quand même de décaler les allocations familiales c’est-à-dire les allocations versées pour les enfants, déplore la sénatrice socialiste du Val-de-Marne, Laurence Rossignol. On parle de personnes en situation régulière, qui travaillent, qui paient des cotisations Urssaf. Vous organisez la pauvreté des enfants dans des familles travaillant en France. Soit vous n’êtes pas sérieux soit on touche le fond. »

    Face à cette vive opposition, Gérald Darmanin a ensuite rappelé qu’un étranger arrivant en France ne peut pas toucher d’allocations familiales avant au moins six mois. « Après la question est de savoir si, entre six mois et cinq ans, il y a un juste milieu à trouver », a-t-il complété, avant que les deux amendements ne soient adoptés.

    Ce vote ne signifie pas pour autant que la disposition sera maintenue dans sa version finale. Les députés auront encore tout loisir de revenir dessus lorsque le texte arrivera à l’Assemblée. « Le sénat s’est transformé en grande foire à la saucisse de l’inhumanité et de l’indécence », a d’ailleurs déploré mardi sur X (anciennement Twitter) le député communiste de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu, tandis que son homologue écologiste Aurélien Taché évoquait « les vents mauvais qui soufflent sur la France ». Le patron des députés LR Olivier Marleix en a lui profité pour questionner la position de Gérald Darmanin sur ces deux amendements : « M. Darmanin au Sénat ne s’est pas opposé. Que fera M. Darmanin à l’Assemblée ? ». Les députés sont déjà prêts à en découdre.