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Entretien

Iran: la répression contre la minorité bahaïe s'intensifie

Depuis quelques semaines, les arrestations des bahaïs, pour la plupart des femmes, se multiplient en Iran. Les défenseurs des droits humains s'inquiètent de cette nouvelle flambée de répression contre une minorité persécutée en raison de sa religion. Entretien avec Jean-François Bourque, membre du bureau des Affaires extérieures des bahaïs de France.

Dans le cadre de l’escalade des persécutions contre les bahaïs en Iran, des dizaines nouveaux incidents visant la communauté ont eu lieu ces derniers jours, touchant principalement des femmes.
Ces dernières semaines, plusieurs bahaïs, majoritairement des femmes, ont été arrêtés. © bahai.fr/
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RFI : Selon Hrana, l'agence de presse des défenseurs des droits humains en Iran, la répression contre les bahaïs s'est intensifiée ces derniers jours. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire de quoi s'agit-il ?

Jean-François Bourque : La persécution des bahaïs en Iran, la plus grande minorité religieuse non musulmane du pays, a acquis un caractère systématique depuis la révolution iranienne de 1979 de plusieurs manières. D'abord par une assise juridique forte : les bahaïs sont exclus de la protection de la Constitution iranienne contrairement aux autres minorités religieuses que sont les minorités juive, chrétienne et zoroastrienne. Et d'autre part, il y a une politique très bien définie qui vise à étouffer et éradiquer les bahaïs du pays qui a été mise en place depuis 1991 par le Guide suprême actuel et qui détaille le moyen d'étouffer, de faire suffoquer ce groupement religieux. Ça, c'est une vue d'ensemble. Maintenant, qu'est-ce qui se passe ? Ces dernières années, il y a des vagues de persécutions plus ou moins fortes. Et là, en ce moment, les bahaïs d'Iran essuient des vagues très fortes d'arrestations.

Comment expliquez-vous cet accroissement de la répression à l'égard des bahaïs ?

Il faudrait le demander aux autorités iraniennes. Mais si vous me demandez mon impression, je peux dire d'abord qu'on peut déjà regarder les caractéristiques de ces arrestations. Elles sont assez particulières puisqu'elles visent pour les deux tiers des femmes. On peut dire même que deux groupes d'âges sont particulièrement concernés. D'abord, les jeunes femmes. Ça a été le cas au tout début de ce mois de novembre : dix jeunes femmes, pour la plupart arrêtées à Ispahan. Il n'y avait pas d'homme, seulement des femmes. Et là, tout récemment, dans deux villes, à Karaj et Hamadan, donc non loin de Téhéran, plusieurs personnes âgées ont été arrêtées. Quand je dis âgées, c'est entre 70 à 90 ans, certaines d'entre elles ayant une santé très précaire, certaines, il est triste de le dire, souffrant d'Alzheimer. Mais si nous le précisons, c'est pour dire que traditionnellement, on accuse les bahaïs d'attenter à la sécurité de l'État et on se demande comment des personnes aussi âgées et aussi vulnérables pourraient perpétrer de tels actes.

Dans un communiqué, le bureau d'information des bahaïs de France exprime ses inquiétudes. Que craignez-vous ? 

Comme nous observons des arrestations dans plusieurs villes différentes – au centre, au nord et à l'ouest  – et cela semble se confirmer par des informations même que nous venons de recevoir aujourd'hui, nous craignons que cette répression maintenant se généralise à travers le pays. Quand je parle de répression, elle existait et elle existe toujours, mais c'est plutôt cette répression sous la forme d'arrestations et d'emprisonnements. Il faut savoir que pour ces dizaines de personnes qui ont été arrêtées, nous ne savons même pas quelles sont les charges qui sont retenues contre elles et nous ne savons pas non plus où elles sont détenues.

Comme vous venez de le rappeler, la discrimination et la répression contre les bahaïs en Iran ne datent pas d'hier. C'est la politique et la pratique de la République islamique dès le premier jour. Quels sont vos recours à l’intérieur et à l'extérieur du pays ?

À l'intérieur du pays, les bahaïs ont toujours voulu suivre la voie juridique. Les bahaïs ne pratiquent pas la dissimulation, donc sans faire de prosélytisme, ils vont toujours affirmer leurs convictions. Ils vont faire des recours devant les tribunaux jusqu'au bout, en appel, etc. Mais comme je vous l'ai dit au départ, ils sont exclus de la protection du droit iranien en raison de l'absence de protection de la Constitution. Donc de ce côté-là, de l'intérieur, ils sont fort dépourvus. Du côté de l'international, que ce soit à l'Assemblée générale des Nations unies qui, presque chaque année depuis 1979, vote des motions mentionnant la situation des bahaïs et demandant à l'Iran de respecter leurs droits, que ce soit au sein du Conseil des droits de l'homme, que ce soit par les déclarations des divers gouvernements, par la voie diplomatique ou dans les instances internationales, bien entendu, la cause des bahaïs est bien défendue et bien soutenue.

Personnellement, je pense qu’aujourd'hui, si on touche particulièrement aux femmes bahaïes, c'est parce qu'en Iran, s'il y a un groupement humain ou un collectif qui incarne l'égalité de l'homme et de la femme dans tous les aspects de la vie sociale, c'est bien la communauté bahaïe. Parce que le principe d'égalité de l'homme et de la femme est dans l'ADN des bahaïs et je pense que cela doit profondément en vexer plusieurs au pouvoir en Iran.

Et je dirais, le caractère assez vain de cette répression, me fait penser à ces mots de Victor Hugo, dans la préface de ces recueils de poésies : « On ne bâillonne pas la lumière ».

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