Au Danemark : l'empathie à l'école pour lutter contre le harcèlement

Des enfants brandissent des drapeaux danois alors que la Première ministre danoise Mette Frederiksen visite l'école Stolpedal à Aalborg, dans l'est du Danemark, le 18 mai 2020. ©AFP - Henning Bagger
Des enfants brandissent des drapeaux danois alors que la Première ministre danoise Mette Frederiksen visite l'école Stolpedal à Aalborg, dans l'est du Danemark, le 18 mai 2020. ©AFP - Henning Bagger
Des enfants brandissent des drapeaux danois alors que la Première ministre danoise Mette Frederiksen visite l'école Stolpedal à Aalborg, dans l'est du Danemark, le 18 mai 2020. ©AFP - Henning Bagger
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Au Danemark, les enfants suivent, dès 6 ans, des cours d’empathie et de bienveillance depuis 1993. En 30 ans, ils auraient permis de diviser par 3 les cas de harcèlement dans le royaume scandinave. La stratégie pédagogique danoise va bien au-delà, elle s'accompagne aussi d'une législation stricte.

Canapé au fond de la classe, tables en "zig zag", grands dessins sur les murs, grosses boîtes de lego sous les fenêtres… L'ambiance est bon enfant dans la salle des 5e B, du collège de Tingkaerskola, près d'Odense.

Le professeur de mathématiques, Henrik Busborg, a des allures de prof de sport. “Aujourd’hui, vous allez travailler sur des problèmes de logique avec votre partenaire bleu", lance-t-il en claquant des mains. "Vous avez une feuille pour deux, donc vous devez communiquer, vous entraider, trouver les solutions ensemble.”

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Les binômes sont fixes pendant au moins un trimestre. En fait, chaque élève a deux camarades possibles pour les travaux de groupe : un partenaire rouge - son préféré, un ami - et un partenaire bleu, avec qui il doit nouer une relation, par le travail.

“Il y a eu des conflits terribles dans cette classe” souffle le professeur de mathématiques, “les élèves ne se parlaient pas du tout où se disputaient violemment, en permanence. L’heure hebdomadaire dédiée à la résolution des problèmes, où l’on travaille l’empathie etc.. que l’on appelle “Klassens Tid” au collège, on a fini par la supprimer. Parce que quand personne n’a envie de participer, ça se finit en goûter ou en jeux de ballons. Ce n’est pas la bonne solution. Maintenant, on résout les problèmes dès qu’il y en a.”

Le cours est bruyant, certains groupes dissipés, certains élèves visiblement peu intéressés par les problèmes de mathématiques qu’ils sont censés résoudre. Mais Henrik Busborg l’assume : ce matin, il favorise les relations entre élèves et la cohésion de classe avant les compétences académiques.

"L’idée c’est : plus je te connais, moins il y a de chances que je harcèle"

Cette philosophie irrigue tout l’établissement et est impulsée par le proviseur, Bjarne Larsen. D’autant que ces dernières années, les sondages nationaux réalisés auprès de tous les élèves danois ne sont pas bons. Malgré "l'heure d'empathie" hebdomadaire, dispensée aux enfants dès 6 ans, depuis 1993, le bien-être des élèves, en particulier au collège et au lycée, se dégrade.

On essaye toujours de comprendre pourquoi.. ce qui est sûr, c'est que les chercheurs en éducation expliquent depuis plusieurs années maintenant que la classe d’empathie une fois par semaine, ça ne suffit pas. Dans notre école on met donc en œuvre une pédagogie "collaborative". On essaye de faire en sorte que les enfants travaillent ensemble le plus possible".

Les établissements danois sont aussi tenus depuis 2017, avec l’entrée en vigueur de la loi anti-harcèlement, de se doter d’une stratégie de prévention, affichée sur leur site internet, et en cas de signalement, d’un plan d’action. “On a dix jours pour enquêter auprès des élèves, des parents, des enseignants et pour présenter un plan qui permette de faire cesser le conflit immédiatement. Si les parents estiment qu’on n’a pas été à la hauteur, ils peuvent se saisir d’une instance nationale.”

Entre 2017 et 2019, 174 plaintes ont été enregistrées. “On a été confronté à cette procédure une fois : l’institution a conclu que nous n’avions pas assez impliqué le psychologue scolaire, notamment au sein de la classe, et c’était vrai. Ça nous a servi de leçon.”

Dernièrement, les cas de harcèlement en ligne se multiplient. Signe de la réactivité de l’établissement, les portables ont été interdits à l’école et un cours de technologie a été ajouté au programme, dans lequel les élèves analysent le fonctionnement et les effets des réseaux sociaux qu'ils utilisent.

Avec philosophie
58 min

L'équipe

  • Carlotta Morteo
    Journaliste