La championne soviétique, au cœur de la guerre froide
Thibault Le Hégarat
Sciences Humaines N° 362 - Août 2023
Durant la guerre froide, le sport fut un terrain d’affrontement des deux blocs au même titre que l’industrie et les sciences. L’historien Sylvain Dufraisse montre que les sportives soviétiques ne devaient pas seulement défendre un modèle idéologique, mais aussi exporter un idéal de genre.
Elles font une entrée fracassante dans les compétitions internationales des années 1940, en particulier en athlétisme, gymnastique, patinage et ski. Les médias soviétiques vantent alors l’avance du pays en matière d’égalité des sexes et encouragent un sport émancipateur. Néanmoins, le modèle de société voulu par Staline assigne aux femmes un rôle avant tout maternel. Aussi, la médiatisation des sportives promeut-elle un idéal de féminité qui associe performance sportive et maternité épanouie. À la suite de nombreuses victoires soviétiques, les Occidentaux engagent une campagne de discrédit. Dès les Jeux olympiques de 1952, des journalistes jugent les athlètes de l’Est trop masculines. Leur corps massif diverge des normes occidentales. Les compétitions des années 1960 sont émaillées de plusieurs accusations de travestissement. Cela conduit à la mise en place, en 1966, d’examens gynécologiques et hormonaux. Les Soviétiques s’y plient afin d’éviter toute critique.
Dans les années 1970-1980, la propagande de l’URSS privilégie les sportives conformes aux critères internationaux de beauté féminine : gymnastes et patineuses remplacent les athlètes et lanceuses de poids jugées désormais trop viriles. Le but n’est plus de proposer un modèle de genre alternatif à celui de l’Occident, mais de le surclasser sur son terrain.
source
• Sylvain Dufraisse, « La supériorité sportive féminine soviétique, un enjeu de guerre froide », Clio. Femmes, genre, histoire, n° 57, 2023/1.
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