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Politique

"Dire ce qu'il pense": Jérôme Cahuzac amorce son retour dans le paysage politique

Jérôme Cahuzac semble vouloir revenir sur la scène politique. Cinq ans après sa condamnation pour fraude fiscale, l'ex-ministre du Budget de François Hollande a livré un discours public dans le Lot-et-Garonne ce jeudi. L'occasion de dénoncer un "paysage politique dévasté".

L'ancien ministre, condamné pour fraude fiscale, veut "dire ce qu'il pense": Jérôme Cahuzac n'a pas mâché ses mots ce jeudi 23 novembre pour son premier discours public dix ans après sa chute, égratignant une "gauche ravagée" et une "droite républicaine" qui "se délite".

Devant près de 200 personnes conquises, dans la salle des fêtes de Monsempron-Libos (Lot-et-Garonne), près de son fief de Villeneuve-sur-Lot, l'ex-ministre du Budget du début du quinquennat de François Hollande, s'est exprimé près de deux heures.

"J'ai commis une immoralité (...) quand j'ai menti à l'Assemblée, je n'ai pas pensé par moi-même même si j'ai assumé ensuite", a déclaré Jérôme Cahuzac, qui avait démenti "les yeux dans les yeux" devant les députés détenir un compte caché à l'étranger après les révélations de Mediapart en 2013.

"Le paysage politique est dévasté"

Cinq ans plus tard, il avait été condamné en 2018 pour fraude fiscale à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et cinq ans d'inéligibilité. "Si je ne m'exprime que maintenant c'est parce qu'un condamné ça purge sa peine et ça ferme sa gueule", a précisé l'ancien maire de Villeneuve-sur-Lot, âgé de 71 ans.

"Je récuse le procès qui m'est fait qui consisterait à m'interdire d'aller où je souhaite aller, de rencontrer qui veut me rencontrer et de dire ce que je pense."

Et fort de cette liberté de parole retrouvée, il n'épargne personne. "Le paysage politique est dévasté", attaque-t-il. La gauche est ravagée (...) Tant que la gauche sera dominée par La France insoumise, aucune prise de pouvoir n'est envisageable".

"Union nationale"

"La droite républicaine se délite, poursuit-il. On a l'impression qu'elle fait une course à l'échalote avec le Rassemblement national, lequel sans rien faire, sans rien dire engrange de nouvelles voix."

Pour lui, il est donc "temps de créer une sorte d'union nationale" pour "traiter la transition énergétique, traiter la dette, traiter le niveau de vie avec comme difficulté supplémentaire deux guerres qui vont hélas probablement durer".

À trois ou quatre ans des prochaines échéances (municipales en 2026, législatives en 2027), celui qui a amorcé son retour fin septembre avec la création d'une associations des amis de Jérôme Cahuzac n'a en revanche pas dévoilé ses intentions pour la suite.

"Pourquoi pas"

Les électeurs locaux lui ont réservé un accueil plutôt bienveillant jeudi matin sur un marché de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, dont il fut député durant dix ans, mais sont partagés sur sa démarche.

"Il a fait beaucoup pour le Villeneuvois, donc qu'il revienne pourquoi pas", a déclaré Dany, retraitée de 73 ans. Daniel, 75 ans, se dit également "prêt à lui donner une seconde chance". A l'inverse, Claude, 75 ans, "se demande ce qu'il vient foutre ici".

"Quand on a été un ministre menteur, dissimulateur et fraudeur du fisc, venir ici pour faire un retour en politique, ça me choque", ajoute-t-il.

"Ce n'est pas normal qu'il ait menti à l'Assemblée, ça, ça ne passe pas", estime aussi Robert, 73 ans.

"L'indécence n'a pas de limites"

Les politiques locaux, eux, spéculent sur ses intentions. "S'il se présentait à Villeneuve, il représenterait un danger pour l'actuel maire, Guillaume Lepers. Il est Macron-compatible mais il est avant tout Cahuzien, hors des partis", estime l'ex-député (LREM) de la 3e circonscription Olivier Damaisin.

L'édile LR de Villeneuve n'a pas souhaité commenter mais il a retiré la délégation d'une élue de sa majorité qui a déambulé sur le marché aux côtés de l'encombrant prédécesseur.

À Fumel, le maire LR, Jean-Louis Costes, fulmine. "Avec Cahuzac, l'indécence n'a pas de limite (...) Aujourd'hui Cahuzac a un droit: celui de se faire oublier", tacle l'ancien député de la 3e circonscription, élu en 2013 lors du scrutin partiel qui suivit le scandale.

"Après avoir été condamné pour fraude fiscale, il n'aura pas l'étiquette d'un parti, c'est difficile de gagner sans... et puis il n'aura plus sa réserve parlementaire (l'une des mieux dotées à l'époque, NDLR) pour asseoir son pouvoir", égratigne la députée de la circonscription voisine, Hélène Laporte (RN), dont le grand-père fut candidat aux législatives en 1997 contre... Jérôme Cahuzac.

B.F avec AFP