Gironde : un des cyber-pédocriminels les plus recherchés au monde jugé aux assises

Cantonnier dans l'Entre-Deux-Mers, et cyber-pédocriminel, l'une des dix "cibles" les plus recherchés au monde en 2020. C'est le double visage de cet homme de 43 ans, père de famille habitant Frontenac, arrêté en juillet 2020, jugé pour trois jours, jusqu'à vendredi 1er décembre devant la cour d'assises de la Gironde, pour "détention", "enregistrement" et "diffusion d’image à caractère pornographique", "viol incestueux" et "agressions sexuelles incestueuses" sur ses deux filles, depuis leur naissance en 2012 et 2015, et âgées aujourd'hui de huit et onze ans. L'accusé, en détention provisoire à la maison d'arrêt de Gradignan, encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Deux visages

Le procès doit se dérouler à huis clos à la demande de la mère de ses trois enfants (deux filles et un garçon). "Dans un état de sidération" quand il est arrêté il y a trois ans, car "elle ne se soupçonnait pas, elle ne se doutait de rien" raconte son avocat maître Legigan. Elle "tente de faire bonne figure aujourd'hui mais culpabilise parce qu'elle n'a pas vu". Difficile d'imaginer l'inimaginable selon lui, "au vu de la personnalité du père". Cantonnier le jour, dans trois villages de l'Entre-Deux-Mers, sans compétence en informatique, en apparence, ne parlant pas anglais non plus, alors qu'il administre, la nuit, plusieurs sites pédocriminels sur le darknet. Un père de famille, au-dessus de tout soupçon. Qui en 2017, partage photos et vidéos de ses propres filles âgées de 2 et 5 ans à l'époque. L'aînée (onze ans aujourd'hui) n'a jamais rien dit, traumatisée et silencieuse encore aujourd'hui. "C'est quelque chose qu'elle garde pour elle. Elle ne peut pas communiquer sur ces événements tragiques même si on lui a expliqué que ce qu'elle a subi est totalement anormal". Sa mère redoute aujourd'hui la confrontation avec son ex-mari, mais veut comprendre. "Sans aucun esprit de vengeance" assure son avocat.

Identifié malgré les précautions prises

C'est parce qu'il commet une erreur, une imprudence, il y a trois ans, que les policiers remontent jusqu'à son adresse IP en Gironde et l'identifient, caché derrière le pseudonyme "Kali". Les enquêteurs découvrent chez lui, dans son pavillon de Frontenac notamment, 60 000 photos et vidéos, sur le disque dur de son ordinateur portable. Il confie alors avoir commencé à fréquenter des sites pédopornographiques sur le darknet en 2014, "pour dialoguer avec des pédophiles et comprendre comment ils en sont arrivés là, avant de tomber dans l'engrenage". Durant l'instruction, il a également dit, avoir été lui-même violé par un oncle ou d'un ami de la famille quand il avait 5 ou 6 ans, et avoir été témoin d'agressions sexuelles perpétrées par son père sur sa sœur. Ce qu'elle a confirmé devant les enquêteurs.

"Envoyer un signal fort à ceux qui se pensent à l'abri derrière leur écran"

Trois associations se sont portées parties civiles dans ce procès. L'audience doit être exemplaire, pour montrer qu'il n'y a pas d'impunité, selon maître Daoud, l'avocat de l'ONG Ecpat de France qui lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. Il s'agit "d'envoyer un signal fort et puissant à tous ceux qui pensent que derrière l'écran d'un ordinateur et sous des pseudonymes et des alias, l'on peut être à l'abri de poursuites pénales".