En Belgique, un prêtre en lutte aux côtés des victimes d'abus sexuels

Dans ce pays de tradition catholique l'abbé Devillé, ancien curé de la paroisse de Buizingen, qui a officié de 1969 à 2009, fait figure de lanceur d'alerte sur les abus commis par des ecclésiastiques.

La rédaction (avec AFP) Publié le 01/12/2023 à 07:07, mis à jour le 01/12/2023 à 07:11
Rik Devillé, témoin clé de cette commission parlementaire devant laquelle il a été auditionné en novembre, espère que celle-ci permettra à l'Eglise de reconnaître cette "culture d'abus" qu'elle a laissé se développer au fil des années. Photo AFP

Depuis la diffusion d'un documentaire choc qui a réveillé des traumatismes enfouis, Rik Devillé croule sous les sollicitations. Ce prêtre belge à la retraite voue désormais sa vie à l'écoute et au soutien des victimes d'abus sexuels dans l'Eglise.

"Presque chaque jour, une nouvelle personne me confie pour la première fois ce qu'elle a vécu", raconte l'homme d'église de 79 ans, que l'AFP a rencontré chez lui à Gammerages (centre), dans le Brabant flamand.

Écouter un nouveau récit, corriger une expression hésitante dans un témoignage écrit: entre l'ordinateur qui l'aimante dès qu'un nouveau mail tombe dans la boîte, et les sonneries incessantes du téléphone, Rik Devillé est sur tous les fronts.

Dans ce pays de tradition catholique l'abbé Devillé, ancien curé de la paroisse de Buizingen, qui a officié de 1969 à 2009, fait figure de lanceur d'alerte sur les abus commis par des ecclésiastiques.

En publiant en 1992 un livre au vitriol sur la toute-puissance du Vatican, ouvrage intitulé La dernière dictature, il a en quelque sorte délié les langues. Et s'est retrouvé rapidement le destinataire de dizaines de récits sur des actes criminels étouffés par l'épiscopat belge.

Cet automne il a de nouveau été propulsé sur le devant de la scène avec la diffusion d'un documentaire, basé en grande partie sur son travail, qui a donné des visages à ces histoires poignantes.

Au total, une vingtaine de victimes - pour la plupart des hommes abusés à l'adolescence dans des institutions catholiques - racontent face à la caméra, parfois crûment, les viols et agressions subis, ainsi que les profondes souffrances qui en ont découlé.

Pour d'autres anciens enfants abusés, le film a servi de déclic, explique M. Devillé. "On pensait que 1.400 plaintes (en trois décennies) c'était déjà beaucoup, mais de nouvelles viennent maintenant s'ajouter."

Exemple: cet homme de 86 ans, qui l'a appelé récemment depuis sa voiture où il s'était enfermé, en pleurs. Pour prendre le temps d'enfin livrer ce que même ses proches n'ont jamais su.

La vive émotion suscitée par ces "oubliés de Dieu" (Godvergeten, le titre du documentaire de la chaîne flamande VRT, ndlr) a conduit le Parlement fédéral à ériger une commission d'enquête censée réfléchir aux moyens de leur rendre justice.

Faits prescrits ou auteurs décédés

Car les victimes sont très souvent dans une impasse sur le plan judiciaire. Les faits survenus il y a plusieurs décennies sont désormais prescrits ou les auteurs bien souvent décédés.

Rik Devillé, témoin clé de cette commission parlementaire devant laquelle il a été auditionné en novembre, espère que celle-ci permettra à l'Eglise de reconnaître cette "culture d'abus" qu'elle a laissé se développer au fil des années.

L'admettre reviendrait selon lui à entendre enfin les victimes, "leur donner réellement une place". Mais il n'y croit plus vraiment. "J'ai un peu perdu la foi dans les dirigeants de notre Eglise, je ne crois plus qu'ils feront quoi que ce soit pour changer les choses", lâche-t-il.

"Et leurs réparations financières, c'est en fait un geste symbolique, comme pour dire 'voici de l'argent et maintenant taisez-vous'."

Depuis la diffusion de Godvergeten, tant les évêques de Belgique que le parquet fédéral, au nom de la justice, ont contesté avoir négligé les victimes. La conférence des évêques a vanté l'activité de ses "points de contact" instaurés en 2012 dans la foulée d'un scandale impliquant l'un d'eux.

Ces lieux conçus pour signaler des abus ont permis d'enregistrer une cinquantaine de nouvelles plaintes entre juillet 2022 et juin 2023, ouvrant droit à des compensations financières allant de 2.500 à 25.000 euros selon la gravité des faits.

Parmi ces quelque 50 dossiers, "sept ont été transmis à la justice parce que le caractère prescrit n'était pas clair ou que l'auteur des faits était encore en vie et pouvait présenter un risque", ont assuré les évêques.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Nice-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.