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COP28 : l'Inde ne lâche rien sur le charbon

Alors que plusieurs pays, dont la France, veulent imposer un arrêt des investissements privés dans les centrales à charbon, l'Inde a répété qu'elle n'était pas prête à abandonner la houille. Une question de sécurité énergétique pour le géant asiatique, qui ne dispose d'aucune alternative à court terme.

En Inde, le charbon représente 50,7 % de la capacité installée et 73 % du mix énergétique
En Inde, le charbon représente 50,7 % de la capacité installée et 73 % du mix énergétique (Swattik Jana/Pacific Press/Shutt)

Par Clément Perruche

Publié le 4 déc. 2023 à 10:29Mis à jour le 4 déc. 2023 à 13:27

Le message est clair. L'Inde n'est pas prête à abandonner le charbon. C'est ce qu'ont répété plusieurs membres du gouvernement indien ces dernières semaines en amont de la COP28 qui se tient jusqu'au 12 décembre à Dubaï.

« Il y aura des pressions lors de la COP28 pour réduire l'usage du charbon. Nous n'allons pas nous engager dans cette voie », avait prévenu R. K. Singh, le ministre indien de l'Energie, avant la conférence. Le géant asiatique, troisième émetteur de CO2 après la Chine et les Etats-Unis, n'est pas prêt à sacrifier sa croissance en diminuant sa consommation de charbon, la source d'énergie la moins onéreuse, mais aussi la plus émettrice de CO2.

Vers un arrêt des nouveaux projets

L'arrêt progressif de l'utilisation du charbon est pourtant l'une des priorités de plusieurs pays lors de cette COP, dont la France . Emmanuel Macron a notamment proposé des mesures visant à stopper à terme les financements privés dans les centrales à charbon en construction ou en projet partout dans le monde.

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« Nous devons aider les pays en développement à rattraper leur retard économique. Mais ce rattrapage ne doit pas se faire avec les énergies fossiles, et notamment le charbon », a-t-il expliqué vendredi à Dubaï. La délégation française espère convaincre les pays concernés avec des aides pour la sortie du charbon : nouveaux financements dans les renouvelables et reconversion des centrales existantes.

L'Inde freine des quatre fers

« L'Inde ne signera pas cet accord. Car ceux qui poussent cette mesure n'ont rien à y perdre. Contrairement à l'Inde », décrypte Promit Mookherjee, expert climat à l'Observer Research Foundation (ORF), présent à Dubaï pour la COP. «Peu importe à quel point vous augmentez les capacités en renouvelables, vous aurez toujours besoin d'une source d'énergie continue et fiable lorsque le solaire ou l'éolien ne fonctionnent pas. La France ne sera pas affectée, car vous avez le nucléaire. Or en Inde, c'est le charbon qui joue ce rôle. »

La mesure portée par la France et soutenue par les Etats-Unis suit l'esprit des recommandations du GIEC, qui estime que toutes les centrales à charbon sans dispositif de captage de CO2 devraient être fermées d'ici à 2050 si l'on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C. Les seules centrales à charbon représentent 20 % des émissions de CO2 mondiales. C'est plus que les émissions liées au pétrole.

« Si les pays de la coalition voulaient vraiment assurer un réchauffement en dessous des 1,5°C, ils pousseraient pour un arrêt progressif des énergies fossiles, pétrole et gaz compris. Et là, peut-être que l'Inde se serait jointe à la coalition. Le pétrole et le gaz ne sont peut-être pas importants en France, mais ils le sont pour d'autres pays de la coalition, d'où leur réticence », analyse Promit Mookherjee. « Cet accord n'est pas le signe d'un leadership climatique, c'est du marketing. Car il est facile de se présenter comme un champion climatique en proposant un abandon du charbon quand celui-ci ne représente qu'une infime partie de votre mix. »

Le charbon tient bon

Le sujet reste très sensible dans toute l'Asie, qui représente 80 % de la consommation de charbon mondiale, Chine et Inde en tête. Les pays asiatiques voient d'un très mauvais oeil certaines exigences venues des pays développés, accusés de vouloir faire payer aux pays en développement un réchauffement climatique que les pays riches ont nourri pendant plusieurs décennies.

Et certes, l'Inde est le troisième pollueur mondial. Mais si l'on regarde les émissions par habitant, le sous-continent pointe tout en bas du classement, aime-t-on rappeler à New Delhi.

Dépendance au charbon

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En Inde, la sortie du charbon n'est donc pas pour tout de suite. L'économie indienne reste ultra-dépendante de la houille, qui représente 45 % de sa consommation d'énergie primaire, et même 73 % de son mix électrique ! C'est encore plus que la Chine (56 %).

Même si les capacités éolienne et solaire progressent fortement, elles ne représentent toujours que moins de 10 % de la production d'électricité (environ 10 % pour l'hydraulique, 3 % pour le nucléaire et 4 % pour le gaz naturel).

Nouveaux projets

Et le pays compte toujours sur le charbon pour répondre à la hausse de la demande d'énergie : le ministre indien de l'énergie a évoqué début novembre l'ajout de 30.000 mégawattheures (MW) de capacité supplémentaire venant du charbon, en plus des 50.000 MW de capacité de production en cours de construction.

Tirée par la croissance (7 %) et l'urbanisation, la demande d'électricité a augmenté de 9,6 % lors de l'année fiscale 2023. « L'Inde ne peut pas survivre sans le charbon car le pays n'a pas d'autre solution », a résumé Rashika Gupta, un analyste de chez S&P Global.

L'Inde, qui vise un triplement de ses capacités en renouvelables d'ici à 2030, espère atteindre la neutralité carbone seulement en 2070, bien après d'autres zones comme l'Europe (2050) ou même la Chine (2060). Elle aura en outre besoin de 293 milliards de dollars de financements supplémentaires pour atteindre cet objectif, indiquait récemment un rapport publié par le think tank Ember.

Clément Perruche (Correspondant à New Delhi)

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