Sciences-po Paris : les gardes à vue du directeur Mathias Vicherat et de sa compagne levées, l’enquête continue

Mathias Vicherat a été placé en garde à vue dimanche soir pour violences conjugales, au même titre que sa compagne. Tous deux se sont accusés mutuellement de violences.

Le directeur de Sciences Po Paris Mathias Vicherat. LP/Jean-Baptiste Quentin
Le directeur de Sciences Po Paris Mathias Vicherat. LP/Jean-Baptiste Quentin

    Nouvelles turbulences pour l’école de l’élite, secouée ces dernières années par plusieurs scandales : le directeur de Sciences-po Paris, Mathias Vicherat, en poste depuis 2021, et sa compagne, ont été placés ce dimanche soir en garde à vue dans une affaire de violences conjugales. Des gardes à vue qui ont été levées ce lundi en fin d’après-midi, indique le parquet de Paris, qui précise que l’enquête continue.

    « L’unité médico-judiciaire n’a relevé d’incapacité totale de travail sur aucun des deux, et aucun des deux n’a souhaité déposer plainte à ce stade. L’enquête se poursuit en préliminaire », précise le ministère public.

    Mathias Vicherat, 45 ans, était en garde à vue avec sa compagne depuis dimanche soir au commissariat du VIIe arrondissement, selon une source proche du dossier et le parquet de Paris. Les deux gardés à vue se sont mutuellement accusés de violences conjugales.

    Dans la soirée, la compagne de Mathias Vicherat s’est présentée au commissariat afin de déposer une main courante, indique une source policière au Parisien. Elle disait alors avoir été poussée par le directeur de Sciences-po, ce qui l’aurait fait chuter au sol.

    Elle a également indiqué que son compagnon lui a cassé le poignet il y a six semaines, mais n’avait pas porté plainte. Peu après l’arrivée de sa compagne au commissariat, Mathias Vicherat s’est lui aussi présenté sur les lieux, affirmant vouloir lui-même déposer une main courante après avoir reçu une claque.

    Crises de gouvernance à Sciences-po

    Souvent présentée comme la fabrique des élites françaises, Sciences-po Paris cumule déboires et scandales autour de ses dirigeants depuis une dizaine d’années sans que son prestige académique n’en soit pour l’heure entaché.

    Mathias Vicherat avait succédé en novembre 2021 à la tête de Sciences-po Paris à Frédéric Mion, contraint de démissionner en février de cette année-là pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel.

    Olivier Duhamel était alors le président de la fondation nationale des Sciences politiques (FNSP) qui exerce la tutelle sur Sciences-po Paris également surnommée « l’école de la rue Saint-Guillaume », où elle a son siège historique à Paris.

    Frédéric Mion avait lui-même été désigné à la tête de Sciences-po Paris après le décès accidentel dans une chambre d’hôtel à New York de Richard Descoings, emblématique patron de Sciences-po de 1996 à 2012 qui a profondément modernisé et développé l’institution fondée en 1872.

    Le bilan de l’ère Descoings avait cependant été assombri par un rapport au vitriol de la Cour des comptes sur la gestion financière de l’établissement, ce qui avait suscité une première crise de gouvernance.

    Mathias Vicherat, un touche-à-tout ambitieux

    Ancien élève de Sciences-po, dont il est sorti en 2000, Mathias Vicherat est un ancien camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA. Il est décrit comme un touche-à-tout ambitieux doté d’un solide réseau.

    Il a été en poste à la direction générale de la police nationale (DGPN) avant d’exercer les fonctions de directeur de cabinet du maire de Paris Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo, de directeur général adjoint de la SNCF puis de secrétaire général de Danone.

    Peu après son arrivée à la tête de Science Po, il avait décrété « priorité absolue » les violences sexistes et sexuelles. Né en 1978 aux Lilas (banlieue est de Paris), il est le fils d’un employé de la Fnac et d’une éducatrice spécialisée.

    Ce quadragénaire à l’allure soigné suscite des commentaires variés de ses anciens collègues et collaborateurs : « intelligent », « brillant », « travailleur », mais aussi « arrogant » ou « petit marquis ». Il a été en couple avec la journaliste Marie Drucker, avec qui il a un fils en 2015. Il a publié en 2001 un livre sur le rap, « Pour une analyse textuelle du rap français ».

    « On ne peut pas fermer les yeux sur ce sujet »

    « On attend bien sûr d’avoir des éléments supplémentaires mais on ne peut pas fermer les yeux sur ce sujet », a réagi Inès Fontenelle auprès de l’AFP, vice-présidente étudiante au conseil de l’Institut (union étudiante) et membre du conseil d’administration de la FNSP.

    « Et encore moins dans le contexte de Sciences-po qui a connu l’affaire Duhamel, et plus récemment des blocages d’étudiants pour dénoncer le laxisme de l’institution face aux violences sexistes et sexuelles », a-t-elle ajouté. « Par devoir d’exemplarité, nous pensons que Mathias Vicherat ne peut représenter l’institution et si ces faits sont avérés, nous demanderons sa démission ».

    « On a tous appris l’information par la presse, et on est tous sous le choc, la sidération est la même qu’au moment de l’affaire Duhamel », a-t-elle complété. Sciences-po Paris scolarise quelque 15 000 étudiants, dont la moitié d’étudiants internationaux et 25 % de boursiers.