Shenzhen, en Chine, première grande ville au monde à faire rouler tous ses bus et ses taxis à l’électricité

L'une des 130 stations de recharge pour les bus de la compagnie publique Shenzhen bus ©Radio France - Sébastien Berriot
L'une des 130 stations de recharge pour les bus de la compagnie publique Shenzhen bus ©Radio France - Sébastien Berriot
L'une des 130 stations de recharge pour les bus de la compagnie publique Shenzhen bus ©Radio France - Sébastien Berriot
Publicité

À l’occasion de la COP28, on s’intéresse au grand paradoxe de la Chine, premier pays pollueur de la planète, mais aussi champion sur l’utilisation des énergies propres. Illustration à Shenzhen, première grande ville au monde à être passée au 100 % électrique pour ses taxis et ses bus de ville.

Depuis que Shenzhen, dans le sud de la Chine, a fait le choix du 100% électrique pour ses bus de ville en 2017, la capitale chinoise des nouvelles technologies a hérité d’un nouveau surnom : la ville du silence. C’est un peu exagéré, mais c’est vrai que dans les embouteillages du cœur de ville, le remplacement de plus de 15 000 bus diesel par des véhicules uniquement électriques a réellement fait baisser le niveau sonore. Nous nous rendons sur les hauteurs de Shenzhen, dans l’une des 130 stations de recharge. C’est Liu Yizeng l’un des techniciens de maintenance qui nous accueille : "Cette station de recharge peut accueillir 85 bus qui se rechargent ici chaque nuit. Si des bus manquent d'électricité pendant la journée, ils peuvent venir à tout moment, même pendant les heures tarifaires pleines, ce qui leur permet de rouler de manière normale. La capacité de la batterie est relativement importante, après 90 minutes de charge, le bus peut parcourir 170 kilomètres, ce qui est suffisant."

Non seulement les 15 000 bus de la ville sont passés au tout électrique, mais aussi plus récemment près de 21 000 taxis, soit la totalité du parc. Effectivement, lorsqu’on regarde les plaques d’immatriculation des bus et des taxis à Shenzhen, on constate qu’elles sont toutes de couleur verte. C’est comme ça qu’on reconnait en Chine, les véhicules qui fonctionnement à l’électricité.

Publicité

Une réduction des émissions de CO2 de 440 000 tonnes

Selon une étude de la banque mondiale réalisée spécifiquement pour Shenzhen, cette transition a fait chuter les émissions de CO2 de 52 % pour chaque bus (ce chiffre prend en compte la fabrication du véhicule et de sa batterie). C’est ce que nous explique aussi Jian Peng, qui est en charge de l’exploitation des bus, dans l’une des trois compagnies publiques de transport de la ville, Shenzhen bus : "Depuis l'électrification complète de nos bus de ville, nous économisons environ 160 millions de litres de carburant par an. Et cela permet de réduire les émissions de CO2 de 440 000 tonnes, soit l'équivalent de 160 000 tonnes de charbon standard. À l’échelle de notre ville, c’est une énorme contribution à l'environnement. Sur la pollution sonore, le niveau de bruit des bus diesel traditionnels pouvait atteindre environ 90 décibels, alors que celui des bus électriques est inférieur à 50 décibels."

À la descente du bus, les passagers des bus que nous rencontrons confirment que la pollution à Shenzhen est devenue moins visible, comme ce retraité de 78 ans : "C'est une bonne chose pour la protection de l'environnement. L'air est meilleur dans toute la ville, et désormais, il y a rarement beaucoup de pollution à Shenzhen. Notre pays s'est engagé auprès de la communauté internationale à réduire ses émissions de carbone et à atteindre la neutralité carbone. S’il faut payer pour cela, nous, les contribuables, nous sommes prêts à l’accepter de manière volontaire."

Les bus électriques en Chine et leur plaque d'immatriculation verte
Les bus électriques en Chine et leur plaque d'immatriculation verte
© Radio France - Sébastien Berriot

Shenzhen est présentée comme un modèle que la Chine a déjà commencé à reproduire dans d’autres villes. Pékin et Shanghai par exemple s’approchent aussi du 100% électrique pour le transport public. Sur le plan industriel, la Chine a clairement la capacité de faire face. Le pays compte déjà une douzaine de fabricants de bus électriques. Les usines tournent à plein régime. Mais le coût est très élevé pour les municipalités. Pour changer les bus, installer des dizaines de stations de recharge, Shenzhen a dépensé plus de 3 milliards et demi d’euros. La capitale des nouvelles technologies, ville plutôt riche, a les moyens de payer, mais c’est loin d’être le cas partout. Depuis le zéro Covid, de nombreuses collectivités sont endettées et le passage à l’électrique parfois tourne mal, comme le raconte ce spécialiste des transports Li Yanwei : "les batteries des bus électriques ont une durée de vie limitée à environ cinq ans ou même moins. La conséquence, c’est que le coût des bus électriques reste très élevé, et si le soutien financier public n'est pas durable, cela peut être un problème potentiel. Par exemple, la ville de Baoding (dans le nord) possédait plus d'une centaine de bus purement électriques. Après cinq ans de fonctionnement, les batteries ont atteint leur durée de vie. Comme la municipalité avait des difficultés financières, il n’y avait plus d’argent pour renouveler ces bus. La ville a dû remettre en service des bus traditionnels à diesel."

Le passage aux bus électrique est un trés bon point pour le bilan carbone de la Chine, même s'il est important de préciser que ces bus continuent de polluer de manière indirecte. À Shenzhen, la moitié de l’électricité qui sert de carburant pour les autobus provient toujours du charbon. Cela reste un défi majeur pour la Chine qui, malgré tous ses efforts en matière d’énergies propres, reste toujours au final un mauvais élève dans la lutte contre le changement climatique, à cause de ce recours massif au charbon pour produire son l’électricité.

Cultures Monde
58 min

L'équipe