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Prostitution des mineurs à Bordeaux : "La plus jeune qu'on ait eue dans une affaire avait 13 ans"

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C'est un phénomène qui a explosé ces dernières années : la prostitution des jeunes. Étudiants ou mineurs, les moins de 25 ans se prostituent de plus en plus. Une des associations de référence à Bordeaux, La Case, estime que la prostitution des mineurs a augmenté de 68% entre 2016 et 2020.

Photographie d'illustration. Photographie d'illustration.
Photographie d'illustration. © AFP - Auteur : Thibaut Durand / Hans Lucas

C'est un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur : la prostitution des plus jeunes, et même des mineurs. Le commissariat de Bordeaux possède une unité de lutte contre le proxénétisme, ses huit enquêteurs gèrent entre 40 et 50 dossiers par an, une toute petite partie de la réalité du terrain.

Au niveau national, les associations estiment entre 7.000 et 10.000 prostituées mineures, des jeunes filles à 90%, très souvent en rupture familiale. "Ces victimes ne se considèrent pas comme victime alors qu'elles le sont et c'est ça qui est très grave et très difficile dans ce phénomène, explique la commissaire Laure Rainaut. Ce sont majoritairement des jeunes filles, françaises, en carence affective et particulièrement vulnérables, qui sont en voie de déscolarisation ou déscolarisées et qui sont notamment repérées lors des fugues avec un passif de violences sexuelles ou physiques traumatiques durant l'enfance."

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Prostituée de moins de 15 ans = viol

Un des enquêteurs spécialisés dans le proxénétisme, Gaëtan, explique que beaucoup de ces jeunes filles sont en foyer : "Elles n'emploient pas le terme de prostituée, elles préfèrent escorte, parce que pour elles, ce sont des escortes, ce qui est une valeur d'argent et de luxe. Quand l'une commence et que les autres la voient avec des sacs à main, de nouveaux téléphones, elles veulent avoir la même chose et c'est là que le cercle vicieux commence." En termes de procédure, entre la police et la gendarmerie, au niveau national, 400 mineurs victimes de proxénétisme ont été recensés en 2020, contre 206 en 2019, ils n'étaient "que" 116 en 2016. Une augmentation du nombre de prostituées, des conduites à risque et un rajeunissement aussi, "la plus jeune qu'on ait eue dans une affaire avait 13 ans", lâche Gaëtan. Si le fait de se prostituer n'est plus pénalisé, le recours à une prostituée mineure a de lourdes conséquences. Que la prostituée soit consentante ou non, si elle a moins de 15 ans, la relation sexuelle est considérée comme un viol et peut être punie de 20 ans de réclusion criminelle. Au-dessus de 15 ans, on parle d'un délit de recours à la prostitution de mineure, et c'est puni au maximum d'un an de prison, trois ans en cas de récidive.

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"Dès que je n'ai plus d'argent j'y retourne"

Kenza s'est retrouvée à la rue à Bordeaux quand elle a eu 20 ans, attirée par l'argent "facile", elle a très rapidement choisi cette voie. "Je m'étais dit un rapport, c'est un rapport, avoue Kenza quand elle se rappelle ses débuts, des fois, j'ai des rapports et la personne, je ne la revois plus, ça va être pareil ! Les premiers clients, ça a été facile parce qu'il y avait un minimum d'attirance physique, mais c'est quand ça a été des personnes qui m'attiraient pas du tout que ça a été plus compliqué". Avec son grand sourire et son impression de légèreté, elle concède : "Il y a eu des violences, il y a eu des moments où je me suis dit, je vais arrêter ! Il y a des garçons qui s'amusent à venir pour braquer, des risques aussi de tomber sur des clients qui te cassent la tête ou de vouloir t'affilier avec un garçon qui va te voler ou te violenter et te séquestrer." Kenza a suivi ce chemin pendant trois ans, aujourd'hui, elle tente de sortir de cette spirale, mais se considère comme droguée : "Quand tu as fait ça pendant un moment et que d'un coup, tu te retrouves juste avec un salaire fixe, c'est tentant, tu y retournes, tu fais quelques clients et puis tu reviens à ta vie normale, dès que j'ai plus d'argent, j'y retourne."

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Pour aider ces jeunes filles (on estime à 10% le nombre de prostitués mineurs garçons), des associations travaillent. C'est le cas de La Case et Poppy, sa branche dédiée. Véronique Latour, la directrice générale de La Case explique que, pour les plus jeunes, il n'y a pas forcément d'échange d'argent liquide : "C'est ça qui est assez étonnant, surtout chez les plus jeunes, ce sont des sacs à main, des restaurants, un week-end, des diplômes parfois, malheureusement ou des bonnes notes." La Case a été choisie par le gouvernement, face à l'ampleur du phénomène, pour développer une application et soutenir, épauler ces jeunes.

Application "Rose" sur smartphone
Application "Rose" sur smartphone

Rose est téléchargeable facilement sur smartphone, des stickers avec des QR code sont répartis un peu partout dans les villes. L'idée est de proposer une plateforme qui rassemble les droits de ces jeunes travailleurs du sexe et répondre à leurs questions, sans les identifier ou les mettre en danger. Le gouvernement, qui avait alloué un budget pour la création de Rose, a, selon Véronique Latour, reconduit ses subventions pour l'année 2024.

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Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

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