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Descente de police contre les LGBT de Moscou : "Ma vie ne tenait qu'à un fil"

Deux jours après l’interdiction du "mouvement LGBT" en Russie, vendredi 1er décembre au soir, des boîtes de nuit moscovites accueillant des soirées LGBT+ ont fait l'objet d'une descente de police. Des participants ont été déshabillés par la police et leurs pièces d'identité photographiées. Un "acte d’intimidation" qui effraie la communauté LGBT en Russie.

Une descente de police a eu lieu dans la nuit du 1er au 2 décembre dans des boîtes de nuit LGBT à Moscou.
Une descente de police a eu lieu dans la nuit du 1er au 2 décembre dans des boîtes de nuit LGBT à Moscou. © SOTA / Ostorojna Moskva
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Trois boîtes de nuit gays ou favorables à la communauté LGBT, le Secret, le Mono Bar et le Kinky Rouge, ont été visés par une descente de police dans la nuit du 1er au 2 décembre, lors de ce qui ressemble à une campagne coordonnée. Les autorités russes parlent d'un raid antidrogue, une version contestée par les associations de défense des droits LBGT.

Sur une vidéo publiée par la chaîne Telegram "Attention Moscou", on peut voir un camion de police stationner devant le bar "Kinky Rouge" dans la capitale russe. Des personnes sortent du club devant un policier.

Camion de police stationné devant le bar “Kinky Rouge”, dans la nuit du 1er au 2 décembre 2023, pour y effectuer une descente “anti-drogue”, selon les autorités.

 

"La police a dit : 'Maintenant, vous pouvez continuer à baiser'"

"Nikita" (pseudonyme) était l’un des participants de la fête au Kinky Rouge dans la nuit du 1er au 2 décembre. L’établissement ne se présente pas comme un établissement gay, mais avait organisé ce soir-là une soirée favorable aux LGBT, selon le média russe indépendant Verstka.

Tout était calme jusqu'à l'arrivée de la police. J'étais assis près de la sortie et j'ai immédiatement remarqué qu'ils entraient dans le club. Pressentant un problème, je me suis rendu au vestiaire pour prendre ma veste et partir. Cependant, lorsque je me suis tourné vers la sortie, la porte était fermée à clé et un bus de police se trouvait à l'extérieur.

Nous avons dû nous déshabiller jusqu'à nos sous-vêtements – la raison ne nous a pas été communiquée, et nous sommes restés ainsi pendant environ 30 minutes pendant que la police vérifiait ce qui se passait à l'intérieur de la boîte. Il y avait environ dix policiers, avec un chien. Ensuite, nous nous sommes rhabillés et avons commencé à partir un par un.

À la sortie, un policier a photographié nos passeports, et ceux qui n'en avaient pas ont été mis dans le bus. Les personnes qui sont parties en dernier ont entendu la police dire : "Maintenant, vous pouvez continuer à baiser."

[En prenant nos passeports], il se peut que [la police] inscrive dans son dossier la mention "gay, lesbienne, transgenre", etc., afin de manipuler les gens à l'avenir et de les maintenir dans la peur.

J'ai eu une crise de panique, j’avais l’impression que ma vie ne tenait qu'à un fil. J'avais peur qu'ils m'emmènent, mais je ne pouvais pas le dire à mes parents parce qu'ils ne savent rien de moi et ne savent pas où je suis allée. J'ai contacté ma sœur pour ne pas me sentir seule et en danger. C'était très angoissant, et dès que je suis partie, je me suis enfuie, complètement en larmes.

J'ai l'intention de m'échapper d'ici dès que possible ; je vais oublier les clubs et ma vie d’ici en tant que personne LGBTQ+.

"Cette période est la plus difficile depuis l'ère soviétique pour les LGBT"

La descente de police intervient deux jours après l’interdiction dans le pays du "mouvement international LGBT". La Cour suprême russe a en effet approuvé le 30 novembre une requête du ministère de la Justice visant à qualifier d'extrémiste "le mouvement social international LGBT+" et à l'interdire en Russie.

Aleksei Sergeev, militant des droits civils et LGBT, explique que cette décision ouvre la voie à des peines de prison pour ceux qui partagent de la "propagande LBGT".

Selon cette décision, les militants peuvent être condamnés à une peine de prison pouvant aller jusqu'à 12 ans. Disons que pour avoir participé à une réunion LGBT, on peut être considéré comme participant aux activités d'une organisation extrémiste, ce qui est passible de deux à six ans de prison, et pour avoir organisé une fête, on peut être considéré organisateur (de quatre à huit ans ou plus). Cette période est la plus difficile depuis l'ère soviétique pour les LGBT.

Le 1er décembre au soir, la boîte de nuit Central Station, l’un des plus anciens clubs gays de Saint-Pétersbourg, a annoncé sa fermeture à la suite de cette interdiction.

Les autorités russes ont fait valoir que cette opération visait à lutter contre le trafic de drogue. Un prétexte "courant" utilisé par la police pour arrêter des personnes ayant des opinions indésirables, affirme un membre de Sphère, une ONG russe de défense des droits LGBT.

"Les personnes LGBT+ ne sont plus maîtres de leur vie privée"

L'objectif véritable était un acte d'intimidation immédiat.

C'est un signe alarmant, car certains avocats pensaient que la décision de la Cour n'affecterait pas les industries de services et de divertissement, comme ces entreprises ne font pas de déclarations politiques.

Ce type de raids et de contrôles montre que les personnes LGBT+ ne sont plus maîtres de leur vie privée et que leurs loisirs seront contrôlés par les autorités.

"C'est comme si quelqu'un effaçait des décennies de vie de la communauté et du mouvement LGBT"

Il s’agit d’effrayer les personnes LGBT et de les pousser à la clandestinité. D'ores et déjà, les gens suppriment rapidement des messages, des photos et ferment des pages publiques et personnelles liées aux LGBT.

C'est comme si quelqu'un effaçait des décennies de vie de la communauté et du mouvement LGBT, son histoire.

Dans le même temps, les militants homophobes [...] sont devenus plus actifs. Ils obtiennent le feu vert pour manifester leur haine et pourchasser les militants et les personnes LGBT ; l'État leur fait clairement comprendre que leurs activités de dénonciation, d'intimidation et de persécution des personnes LGBT sont aujourd'hui approuvées.

"Il devient plus difficile de faire confiance aux internautes et aux nouvelles personnes en raison de la menace de dénonciation"

Un militant d’Info Center, une association d’aide aux personnes transgenres, s’inquiète lui de la répression contre les personnes LGBT qui se durcit.

"Nous constatons que les problèmes mentaux, y compris les pensées suicidaires, chez les personnes [LGBT] s'aggravent."

"Les habitants des petites régions peuvent se sentir particulièrement seuls ; il y a vraiment moins de soutien."

"Dans le même temps, il devient plus difficile de faire confiance aux internautes et aux nouvelles personnes en général en raison de la menace de dénonciation."

La rédaction des Observateurs tient à remercier Arden Arkman, journaliste russe, pour sa collaboration.

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